Les mausolées yézidis de Bozan
Les principaux mausolées yézidis de Bozan se situent à 36°43’59.6″N, 43°08’13.1″E et 532 mètres d’altitude, dans le cimetière du village.
Bozan qui est également nommé le Petit Lalesh (Lalişa Piçuk), est un village très ancien, qu’il est impossible de dater mais où se trouvent plus de 70 grottes qui témoignent d’époques reculées. Bozan abrite de nombreux mausolées, oratoires et pierres sacrées. On les trouve pour la plupart au milieu des pierres tombales dans le cimetière sur une colline au sud-est du village. Le cimetière de Bozan est aussi celui de 12 villages yézidis des alentours. En dehors du cimetière, on trouve aussi dans le village de Bozan un important édifice, le mausolée de Cheikh Chams qui est situé à côté d’une grotte.
Plan en élévation du mausolée yézidi de Xeti Besi et Alû Bekir dans le cimetière de Bozan © Dr. Birgül Açikyildiz-Şengül, universités d’Oxford et de Montpellier III. |
À propos de cette notice
Le texte de cette notice a été établi par le Dr. Birgül Açıkyıldız-Şengül, historienne de l’art, spécialiste de patrimoine et culture yézidis. Attachée à l’Université de Paul Valéry Montpellier III et l’IFEA Istanbul comme chercheuse associée, le Dr. Birgül Açıkyıldız-Şengül est l’auteure d’une thèse de doctorat : « Patrimoine des Yezidis : Architecture et sculptures funéraires en Irak, en Turquie et en Arménie » présentée en 2006 à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne (département de l’art islamique et de l’archéologie). Cette thèse dresse un inventaire documenté de 88 monuments (sanctuaires, mausolées, baptistaires, oratoires, caravansérails, ponts et grottes) et de 60 sculptures funéraires (en forme de cheval, de bélier, de brebis et de lion) en Irak du nord, en Turquie et en Arménie. Thèse publiée par I.B.Tauris (Londres, New York), 2010.
Ce texte est complété par les observations et interviews de l’équipe de Mesopotamia [Pascal Maguesyan, Shahad al Khouri, Sibylle Delaître (KTO)] avec le concours de Mero Khudeada.
Localisation
Sur la rive orientale du Tigre, à 16 km à l’est du barrage de Mossoul, le village yézidi de Bozan se situe dans la plaine de Ninive, aux pieds des contreforts du Kurdistan, à 4 km à l’est de la cité chrétienne d’Alqosh, 36 km à l’ouest du grand centre spirituel yézidi de Lalesh, et 60 km au nord de la ville de Mossoul.
Les principaux mausolées yézidis de Bozan se situent à 36°43’59.6″N 43°08’13.1″E et 532 mètres d’altitude, dans le cimetière, à 700 mètres au sud-est du village.
À propos des Yézidis d’Irak
Majoritairement implantés dans la région autonome du Kurdistan d’Irak et dans la plaine de Ninive, leur berceau géographique, les Yézidis sont également présents en Turquie, en Syrie et dans le Caucase, particulièrement en Arménie et en Géorgie. Généralement considérés comme des Kurdes non islamisés, ce qui est sans doute simpliste voire inexact si l’on se fie à leurs origines mythologiques, souvent diabolisés en raison de leur culte, les Yézidis constituent une communauté dont il est bien difficile d’estimer les sources historiques et le nombre.
Minorisés à l’extrême en Irak sous différents régimes, leur existence était presque niée. Avant 2003, Bagdad n’en comptait officiellement que quelques milliers alors qu’ils étaient plus vraisemblablement quelques centaines de milliers !
Les conditions d’une tentative de génocide étaient déjà réunies avant même que les djihadistes de daesh ne les massacrent et ne les enlèvent en août 2014 dans les montagnes du Sinjar de la province de Ninive.
Malgré la reprise de Sinjar en novembre 2015 par les forces irakiennes et par des groupes de résistants coalisés, une partie importante des 500 à 600 000 Yézidis irakiens reste encore déplacée. Les persécutions qu’ils ont subi leur font redouter l’avenir en dépit des garanties constitutionnelles qui leurs ont été accordées en 2005.
Enracinement territorial du yézidisme
Le Yézidisme est né dans un territoire montagneux où ses habitants étaient protégés par ses hauteurs et ses cavernes. Considéré comme sacré par les Yézidis, ce territoire est globalement divisible en deux régions distinctes, à l’est et à l’ouest du Tigre le grand fleuve mésopotamien. À l’ouest Sindjar, sa ville, ses villages et son massif. À l’est le centre spirituel de Lalesh, auquel il convient d’ajouter les importants secteurs de Cheikhan, Bozan, Baashiqa et Bahzani. La très grande majorité de la population yézidie (clergé inclus) est originaire de ces régions, bien qu’il soit aussi possible de trouver des communautés yézidies éparpillées au-delà de ce territoire.
Des siècles durant, les Yézidis ont sauvegardé leurs coutumes et traditions dans ce pays, ce terroir. Cette survivance a été cruellement remise en cause à l’ouest du Tigre dans la région de Sindjar, par l’offensive dévastatrice de daesh en août 2014. Le niveau des destructions et la gravité des crimes génocidaires commis ont fragilisé à l’extrême les communautés yézidies des monts Sindjar qui formaient autrefois la très grande majorité de la population yézidie irakienne.
Territoire, histoire et patrimoine
C’est sur ce territoire, de part et d’autre du Tigre, que les Yézidis ont su préserver et développer les spécificités architecturales de leurs édifices religieux qui constituent les principaux lieux de culte des fidèles yézidis.
Ces édifices sont pour la plupart dédiés aux premiers disciples du réformateur du yézidisme au XIIe siècle, Cheikh ‘Adî, les membres de la famille de Chamsani, et à des familles comme Hasan Maman, Memê Rech et Cerwan, ainsi que les premiers chefs religieux de la communauté, descendants de Cheikh ‘Adî (les membres de la famille Adani) et quelques mystiques soufis importants qui ont influencé l’enseignement de Cheikh’ Adî, à savoir, Abd al-Qadîr al-Jilani, al-Hallaj et Qedib al-Ban (Qadî Bilban).
Il ne faudrait pourtant pas en conclure que le yézidisme est une religion d’origine médiévale. La rareté des sources théologiques et historiques disponibles est en effet compensée par une tradition et une mythologie anciennes, omniprésentes et évolutives. Ainsi, les yézidis voient en Noé l’un de leurs plus anciens et de leurs plus illustres patriarches. Ils soutiennent même qu’il vécut en Mésopotamie irakienne, à Aïn Sifni (Cheikhan), où il construisit son arche. Des historiens yézidis soutiennent que « la religion yézidie est très ancienne. Elle remonte à 3500 ans avant Jésus-Christ[1] ».
Les Yézidis disposent de lieux de culte et de prières assez hétéroclites, tels que des cimetières, des mausolées (mazar) dont certains plus importants que d’autres (khas / mêr), des oratoires de feu (nîshan), la maison d’un Cheikh ou d’un Pîr, un arbre, un buisson, une forêt d’oliviers, un pont, une arche, une grotte, une pierre sacrée (kevir), une source (…). Ces monuments, ces structures et ces sites, dédiés aux « saints » yézidis, constituent une partie importante de l’environnement culturel des zones yézidies et sont des signes matériels tangibles du système général de la spiritualité yézidie.
Il existe cependant un lieu fondamental vers lequel se tournent tous les Yézidis, y compris ceux de la diaspora, c’est la vallée de Lalesh au Kurdistan irakien. C’est l’endroit le plus sacré du yézidisme. C’est là que se trouve le sanctuaire de Cheikh ‘Adî, le grand réformateur du yézidisme au XIIe siècle. Cette vallée, ses mausolées et son environnement sont le centre de gravité de la vie mystique yézidie.
Les édifices yézidis ont été construits à différentes époques. Le manque d’inscriptions et de sources historiques rend difficile leur datation avec précision. La mauvaise qualité de certaines restaurations récentes ajoute à la complexité de l’analyse. D’autre part, il ne semble pas exister de styles architecturaux qui distingueraient différentes périodes de l’histoire yézidie et qui pourraient aider à dater ces édifices. Par ailleurs, le même style, dérivé d’un modèle particulier, a été utilisé à plusieurs reprises au cours des siècles et est toujours en vogue.
[1] Chamo Kassem, inspecteur des écoles yézidies, spécialiste de la religion et de l’histoire yézidie, responsable culture et médias au Centre Culturel et Social de Lalesh à Duhok.
Fragments de spiritualité et de théologie yézidies
Le yézidisme est une religion de tradition et de transmission orale, simple et complexe à la fois. Simple parce qu’il n’est pas réglé par une liturgie et des dogmes contraignants. Complexe parce qu’il n’existe pas de grand livre théologique fondamental, comme il existe la Torah, les Évangiles ou le Coran. Les Yézidis possèdent deux livres sacrés : le livre de la révélation « Kitêb-i Cilvê », et le livre noir « Mishefa Reş ».
Le yézidisme est une religion strictement communautaire (nationale). On naît yézidi, on ne le devient pas. Il n’y a donc ni évangélisation, ni inculturation, ni prosélytisme. Ceci étant, le yézidisme n’est pas sectaire. Bien au contraire, l’altruisme est une vertu cardinale, un fondement spirituel et théologique. Tout chercheur qui voudrait ainsi étudier le yézidisme serait accueilli avec bienveillance par cette communauté et son clergé[1].
Le yézidisme est monothéiste. Dieu est unique. Il est le créateur du cosmos et de la vie. Le yézidisme nourrit en cela la même croyance que les 3 religions du Livre : le judaïsme, le christianisme, l’islam. Et même le zoroastrisme[2].
Dieu est lumière. Il est tel le soleil qui rayonne sur la Terre. C’est pourquoi les yézidis prient systématiquement face au soleil. En cela, le yézidisme est comparable au zoroastrisme mésopotamien et persan.
Dieu est bon, infiniment bon. C’est pourquoi les yézidis cultivent l’altruisme et prient systématiquement d’abord pour le monde et ensuite pour eux-mêmes.
Dieu est en tout et partout. Le yézidisme fait corps et esprit avec l’ensemble de la Création : cosmique, humaine, animale, végétale, et minérale. C’est pourquoi les yézidis sacralisent les oliviers dont l’huile est nécessaire pour le feu sacré. De même, l’ange paon (tawus melek) est le plus important des 7 anges (melek) qui représentent Dieu sur terre.
Le yézidisme croit au jugement des âmes et au jugement dernier. Il se distingue toutefois du christianisme par sa croyance en la réincarnation. Les défunts sont mis en terre. Les âmes sont jugées, selon le bien accompli et le mal commis. Les âmes pures peuvent devenir des êtres de lumière. Les âmes impures peuvent se réincarner sous des formes humaines ou animales dépréciées ou belliqueuses.
[1] « Jean-Paul Roux, décédé en juin 2009, ancien chercheur au CNRS et titulaire de la section d’art islamique à l’École du Louvre, considérait le yézidisme comme ‘’une religion à part, syncrétisme évident de traditions populaires et de réminiscences de dogmes des grandes religions’’ ». Lacroix, Claire Lesegretain, 26 avril 2010.
[2] Né en perse, fondé par Zarathoustra (Zoroastre), au Ier millénaire avant J.C., le zoroastrisme est monothéiste et reconnait en Ahura Mazdâ le Dieu unique. Le zoroastrisme constitue en cela une réforme fondamentale par rapport au mazdéisme dont il s’inspire. Le mazdéisme, polythéiste, considère Ahura Mazdâ, comme le dieu principal mais pas le Dieu unique. Cette religion persane se répandit jusqu’en Inde par l’intermédiaire du védisme.
Pratiques cultuelles yézidies
Les pratiques cultuelles yézidies ne semblent pas réglées par une « liturgie » stricte, mais par un ensemble de rites traditionnels et de pratiques votives transmises oralement de génération en génération
Les Yézidis prient en général individuellement, et se réunissent aussi en communautés devant leurs temples et sanctuaires pour écouter les qawals, tout à la fois musiciens, chantres et gardiens du culte yézidi, dont le savoir et les pratiques se transmettent de père en fils.
La prière quotidienne, toujours tournée vers le soleil, lumière de Dieu (Khoda), n’est pas une obligation et n’est pas non plus un signe pour être un « bon Yézidi ». Cependant, les personnes pieuses et âgées prient régulièrement, jusqu’à 5 fois par jour.
Embrasser les lieux saints et les mains des figures pieuses, offrir des cadeaux aux religieux, sacrifier des animaux, nouer et dénouer des étoffes sur des arbres à vœux, sont des signes de respect et de dévotion.
De tous les jours de la semaine, le mercredi est le plus important. Il est comme le dimanche pour les Chrétiens, le samedi pour les juifs ou le vendredi pour les musulmans. C’est le mercredi que sont organisées les grandes célébrations hebdomadaires au cours desquels les religieux yézidis allument le feu sacré dans les mausolées.
8 grandes fêtes annuelles rythment le calendrier religieux yézidi. La première est celle du Nouvel An (seursal) le premier mercredi du mois d’avril. Cette fête symbolise la création de la vie à partir du chaos initial et la venue de Tawus melek. À cette occasion, les œufs, symbole de la terre originelle et sans vie, sont bouillis et teintés. Certains de ces œufs sont écrasés au dessus des portes des maisons et des mausolées en y joignant des petites fleurs rouges.
Une autre grande fête annuelle est celle du Printemps (towaf), dont la date est mobile entre le 12 et le 20 avril. Enfin, le pèlerinage sur la tombe de Cheikh Adi, au sanctuaire de Lalesh (djamaiya) a lieu le 6 octobre.
Le mausolée à dôme conique : une architecture yézidie typique
Le mausolée à dôme conique et à rayons est un monument emblématique de l’art sacré yézidi. D’une grande sobriété architecturale et ornementale, ce type d’édifice est fondé sur une structure cubique qui contient la sépulture ou le cénotaphe, couverte par une dalle que porte un tambour au dessus duquel se dresse un dôme conique à multiples arêtes. Cette voûte symbolise les rayons du soleil qui illuminent la terre et l’humanité.
La pointe de ce dôme est systématiquement rehaussée d’une flèche de bronze, formée d’une ou plusieurs boules, surmontée d’un anneau, d’un croissant de lune, d’un astre voire d’une main, où sont nouées des étoffes de couleurs. La flèche représenterait le monde cosmique, les planètes, le soleil et les étoiles créés par Dieu. Les étoffes de couleur figureraient celles de l’arc en ciel[1].
L’intérieur d’un mausolée yézidi est souvent constitué d’une chambre séparée où repose un sarcophage recouvert de soieries. On peut aussi y trouver une ou plusieurs niches percées dans le mur pour y brûler l’encens et allumer le feu sacré. On y trouve également souvent des étoffes nouées par les pèlerins pour formuler leurs vœux.
L’espace sacré de tout mausolée yézidi inclut la dalle qui le précède ou qui l’entoure. C’est pourquoi tout visiteur et tout pèlerin doit y être déchaussé.
[1] Cette interprétation peut varier d’une communauté à l’autre.
Le village yézidi de Bozan
Le village yézidi de Bozan, à 30 km à l’ouest du grand centre administratif et communautaire yézidi de Cheikhan, est considéré comme le premier siège de Cheikh ‘Adî qui a vécu ici avant que Lalesh ne devienne le centre spirituel yézidi.
Bozan qui est également nommé le Petit Lalesh (Lalişa Piçuk), est un village très ancien, qu’il est impossible de dater mais où se trouvent plus de 70 grottes qui témoignent d’époques reculées.
En Juin 2018[1], 1000 familles (5000 personnes) habitaient Bozan. Avant que daesh ne menace d’envahir le village on comptait à Bozan 6000 habitants. Le village avait été évacué de manière préventive lorsque les assaillants islamistes s’en sont approchés dangereusement le 6 août 2014. Des combattants yézidis sont demeurés à Bozan, mais le pire a été évité de justesse. Un mois plus tard les villageois ont commencé à revenir.
On compte également à Bozan, près de 300 familles yézidies déplacées du Sindjar, où ils ne peuvent pas encore retourner.
La situation économique à Bozan est marquée par une pénurie de travail rémunéré.
[1] Données recueillies par les représentants de Mesopotamia à Bozan, le 6 Juin 2018
Les mausolées yézidis de Bozan
Bozan abrite de nombreux mausolées[1]importants (khas/ mêr), des oratoires de feu (nîşan) et des pierres sacrées (kevir). On les trouve pour la plupart dans le cimetière de Bozan (Meret Bozan), situé sur une zone colline au sud-est du village. C’est non seulement le cimetière de Bozan mais aussi celui de 12 villages yézidis des alentours. Les mausolées et oratoires s’y trouvent au milieu des pierres tombales.
On trouve notamment dans le cimetière de Bozan les mausolées d’Alu Bekir, de Cheikh ‘Adî, de Cheikh Barakât, de Cheikh Mand Pacha, de Cheikh Nasral-Dîn, de Cheikh Chams, d’Êzdîna Mîr, de Nabadar, de Pîr Alî & Pîr Buwal, de Pîr Mand, de Ruale Kevînîye, de Xetî Besî, les Oratoires de Cheikh Abû Bekir, de Cheikh Sicadîn, de Kure Buker et de Xefire Rêye. Ces édifices et structures sacrés sont des constructions modestes en pierre.
En dehors du cimetière, on trouve aussi dans le village de Bozan un important édifice, le mausolée de Cheikh Chams qui est situé à côté d’une grotte.
Il y a aussi une ancienne citerne d’eau située entre le cimetière et le village qui recueille encore de l’eau.
Le Mausolée d’Alû Bekir. Il est situé dans le cimetière de Bozan latéralement au mausolée de Xetî Besî au nord. Il n’y a aucune information sur le personnage de Cheikh Alû Bekir. Toutefois, lorsque les chantres (Qawals), prononcent les mots, « Ya Cheikh ‘Adî, ya Alû Bekir », ils indiquent que leur prière est finie. Il est possible qu’Alû Bekir soit contemporain de Cheikh ‘Adî puisque son nom est prononcé sur le même ton. Selon la tradition, le mausolée d’Alû Bekir est efficace contre les maladies de bouche.
À nos yeux, le plan rectangulaire voûté en berceau est la forme typique de l’époque adawite du XIIe siècle. Par ailleurs, l’édifice étudié est mitoyen du mausolée de Xetî Besî daté du XIIesiècle. Il existe aussi une grande niche au milieu du mur sud qui pourrait indiquer la direction de la Mecque. Ces éléments nous font penser que l’édifice aurait été fondé au XIIesiècle. Il présente un plan rectangulaire orienté est-ouest et mesure 5,0 x 2,10 m. Il est voûté en berceau. Il a un toit plat de l’extérieur. Une porte rectangulaire dans le mur ouest donne accès à l’intérieur. Il y a une niche rectangulaire dans le mur sud où sont brûlées les mèches. Le sol n’est pas pavé. Deux pierres tombales, orientées nord-sud, se situent à l’intérieur. La maçonnerie des murs est faite d’un remplissage de moellons grossier.
Le Mausolée de Cheikh ‘Adî. Il se situe dans le cimetière de Bozan, à côté du mausolée de Cheikh Mand Pacha. D’après les sources historiques[2]Cheikh ‘Adî, le réformateur du yézidisme au XIIesiècle, est mort en 1162 et a été enterré à Lalesh. Même si les Yézidis ont tendance à construire plusieurs mausolées dédiés à la même personne, nous pensons que le cas de Cheikh ‘Adî reste exceptionnel. Il existe en effet un seul lieu, à Lalesh, au nom du réformateur du yézidisme.
Quant au mausolée de Cheikh ‘Adî à Bozan, on affirme localement[3]qu’il s’agit du neveu et homonyme du très vénérable Cheikh ‘Adî, qui aurait vécu 90 ans après celui-ci, soit au XIIIesiècle. L’analyse historique l’identifie à Cheikh ‘Adî II, ‘Adî b. Abû ‘l Barakât,[4]exécuté par les mongols en 1221.
Le plan et la technique de construction du mausolée présentent des particularités des XII-XIIIesiècles. Nous estimons qu’à l’origine, il s’agissait d’un mausolée voûté. Nous nous permettons de situer sa construction au XIIIesiècle.
Le mausolée est de forme rectangulaire et ses dimensions sont 6,30 x 3,65 m. On y accède par une porte rectangulaire dans le mur sud vers le coin ouest. Nous ne savons pas la forme de son toit original, mais il aurait été voûté. Le plafondactuel est plat et en béton. Il y a une niche dans le mur nord et une autre dans le mur sud à côté de la porte. Il y a trois pierres tombales orientées est-ouest. Il n’est pas pavé à l’intérieur. Il a été érigé avec des pierres de taille grossières. Les pierres ont été renforcées avec du ciment pendant les travaux de restauration.
Le Mausolée de Cheikh Chams. Il se trouve au centre du village de Bozan. On y parvient en passant par la cour d’une grande maison. Il y a une grotte au-dessous du mausolée, sur l’aile ouest. L’entrée de la grotte est latérale au mausolée de Cheikh Chams.
Cheikh Chams est l’un des saints les plus populaires des Yezidis. Il est associé à l’un des sept anges yézidis et est considéré comme la divinité du soleil et le soleil de la foi yézidie. Son vrai nom est Shamsal-Dîn. Il aurait vécu au XIIesiècle à Lalesh, où il a rencontré Cheikh ‘Adî. Les deux chefs ont influencé les enseignements de l’un et de l’autre. Il est le patriarche de la famille Chamsani, à l’origine d’une grande lignée de cheikh dans la hiérarchie yézidie.
En dehors de ce bâtiment, quatre autres mausolées sont aussi dédiés au même saint dans divers lieux yézidis, tels que Bahzani, Lalesh, Mem Chivan et Sindjar.
Il y a une inscription arabe au-dessus de la porte de la grotte, mais elle est écrite de telle façon qu’il est impossible de la déchiffrer. Il est difficile de dater le bâtiment en manque de source écrite mais il est possible qu’il date au XIIesiècle.
Le mausolée présente extérieurement un plan rectangulaire orienté est-ouest formé de deux parties : partie principale et antichambre. Une porte rectangulaire donne accès à l’intérieur de l’antichambre dans le mur sud. On y arrive en montant deux marches. L’antichambre est de grande taille. Ses dimensions sont 9, 15 x 4,40 m. Elle est également orientée est-ouest et voûtée en berceau. Le sol de l’antichambre est à deux niveaux à cause du plafond de la grotte sur l’aile ouest. Le sol à l’ouest est approximativement plus haut d’environ 1 m. qu’à l’est et il est entièrement pavé de carreaux. Quatre niches surbaissées se trouvent dans le mur nord, ainsi qu’une autre dans le mur sud. On distingue une grande fenêtre et un mâchicoulis dans le mur sud. De plus, plusieurs petites fenêtres au niveau de la voûte éclairent l’intérieur.
La partie principale se trouve à l’est de l’antichambre. On y accède par une porte rectangulaire dans le mur est, près du mur sud. La pièce est rectangulaire, orientée nord-sud et mesure 4,40 x 3,10 m. Elle est surplombée d’une voûte en berceau. Le mur ouest comporte trois fenêtres. Deux niches profondes à arc surbaissé sont dans le mur nord et deux autres sont dans le mur sud. Les mèches sont brûlées partout dans cet endroit : dans les niches, dans les angles de murs et sur l’estrade rectangulaire située contre le mur est, ainsi que sur les murs. C’est la raison pour laquelle il y a partout des traces de fumée noire. Les tissus multicolores sont pendus sur les fenêtres dans le mur ouest. L’intérieur est entièrement sombre. Il y a un petit dôme conique symbolique sur le toit au-dessus de la partie principale en guise de signe de distinction du mausolée. Nous pensons qu’il est récent. Il possède 16 tranches.
L’édifice est enduit à l’intérieur par du mortier de gypse, la façade sud est couverte par des pierres de taille. Quant aux façades extérieures de trois autres côtés, nous ne pouvons les voir, puisque le mausolée est entouré par des habitations. Toutefois, nous supposons qu’elles sont de pierre comme tout l’édifice de Bozan.
Le Mausolée de Cheikh Mand Pacha. Il se trouve à côté du mausolée de Cheikh ‘Adî dans le cimetière du village de Bozan. Cheikh Mand Pacha est éponyme de subdivision, des cheikhs de Chamsanî. Il est le fils de Cheikh Fakhral-Dîn et le frère de Xatûna Feqra. On croit qu’il a le pouvoir sur les serpents. Ainsi, son mausolée est considéré comme efficace contre les morsures de serpent. Cheikh Mand Pacha est ainsi connu comme étant le Cheikh des serpents. Nous supposons qu’il a vécu au XIVesiècle et son mausolée est aussi de cette époque. D’après Sharaf Khan Bidlisî, Il était l’un des émirs kurdes d’Antioche et d’Alep en Syrie au service des Ayyoubides. Selon la tradition yézidie, Cheikh Mand résolut les problèmes internes des Yezidis quand il était en pouvoir en Syrie au XIIIesiècle.
L’édifice a un plan rectangulaire mesurant 3,30 x 2,70 m. La largeur des murs est en moyenne de 0,70 m. Une porte surmontée d’un arc en plein-cintre dans le mur est nous amène à l’intérieur. L’édifice est voûté en berceau, mais il a un toit horizontal à l’extérieur. Nous avons deux petites ouvertures dans les murs sud et nord qui éclairent et aèrent l’intérieur. L’extérieur du bâtiment est beaucoup plus soigné que son intérieur.
Le Mausolée de Pîr Alî & Pîr Buwal. Il se trouve dans le cimetière de Bozan. Son nom provient des noms de deux niches situées dans le mur ouest. La niche au nord s’appelle Pîr Alî, et la niche au sud est se nomme Pîr Buwal. Nous n’avons pas d’information concernant Pîr Alî, mais d’après Kreyenbroek, Pîr Buwal provient de la famille de Mehmed Reshan qui aurait vécu au XIIesiècle. Nous ne savons pas si ces deux religieux furent enterrés dans ce mausolée. Nous avons deux inscriptions sur la façade d’entrée. Une est complètement illisible. Quant à la deuxième nous arrivons à lire «… rénové en 1949… ». Par contre, la comparaison avec les autres édifices de la région de Cheikhan permet de placer notre édifice au XIIesiècle.
Le mausolée présente un plan rectangulaire irrégulier. Il mesure extérieurement 8 x 6,85 m. On accède à l’intérieur par une porte à arc en plein-cintre dans le mur ouest. L’intérieur est formé de deux parties rectangulaires orientées nord-sud, reliées par un arc en plein cintre. Les dimensions de la partie ouest sont : 6,70 x 2,55 m. La partie à l’est mesure 6,40 x 2,05 m. Les deux parties sont voûtées en berceau et elles ne sont pas pavées. Le mur ouest de la première partie qui comporte deux niches. Nous trouvons une autre niche dans la partie est du mur sud. Ce sont des petites niches carrées.
Le Mausolée de Ruale Kevînîye. Il se trouve à côté du mausolée de Cheikh Mand Pacha dans le cimetière du village de Bozan. Il n’existe aucune inscription de fondation. Il n’y a aucune information sur la personnalité de Ruale Kevînîye. Cependant, deux pierres rectangulaires se situant dans les angles de l’iwanà l’ouest sont nommées respectivement Cheikh Amâdîn et Cheikh Babadîn. Cela nous fait penser que le cheikh en question a son origine dans la famille des Chamsanî. Comme exemple de comparaison, nous pouvons citer quatre mausolées yézidis datant du XIVesiècle. Le plan rectangulaire avec antichambre est utilisé dans les mausolées de Cheikh Muchelleh, Cheikh Nasral-Dîn et Xatûna Feqra de Lalesh ainsi que le mausolée de Cheikh Amâdîn de Sindjar. Donc, nous proposons de placer ce mausolée au XIVe siècle.
Le mausolée est formé de deux parties : la partie principale à l’est et l’antichambre en iwan à l’ouest. L’antichambre mesure 4,30 x 3,0 m. Elle est couverte de voûté d’ogives. Deux pierres rectangulaires se trouvent dans les angles de l’iwan à l’ouest où sont brûlés des mèches lors des cérémonies. La pierre localisée au nord s’appelle Cheikh Amâdîn et celle au sud se nomme Cheikh Babadîn.
La partie principale est le lieu ou se situe le sarcophage, orienté est-ouest et recouvert de tissus de prières multicolores. Les dimensions de ce caveau sont de 3 x 1,85 m. C’est une chambre voûtée en berceau à l’intérieur. La couverture extérieure est plane. Les murs nord et sud comportent, chacun, deux petites fenêtres surélevées ainsi qu’une autre se trouvant au milieu du mur est.
Les sols sont entièrement dallés de pierre. Nous trouvons quelques symboles en bas relief dans l’édifice. Sur certaines pierres rectangulaires du sol, on peut apercevoir des motifs comme le soleil et le poignard.
A l’avant de cet édifice a été construit un abri qui n’a aucune fonction sacrée mais protège de l’ardeur du soleil et constitue un lieu de regroupement pour les pèlerins et les visiteurs.
Le Mausolée de Xetî Besî. Il est mitoyen du mausolée d’Alû Bekir dans le cimetière de Bozan. Xetî Besî est éponyme d’une subdivision des Pîrs d’Hasan Maman qui aurait vécu au XIIesiècle.
À nos yeux, le plan rectangulaire voûté en berceau est une particularité de Bozan et Lalesh dans la région de Cheikhan, utilisée abandonnement pendant les XIIeet XIIIesiècles. Ce type de plan double rectangulaire se rencontre aussi dans le mausolée de Pîr Alî & Pîr Buwal (XIIesiècle).
Le mausolée en question présente un plan rectangulaire, orienté nord-sud et mesure 9,0 x 5,75 m. Il est formé de deux espaces rectangulaires orientés est-ouest, voûtés en berceau, seul un petit dôme dépasse de la voûte au nord. On y accède par une porte basse et rectangulaire arrondie sur l’aile nord.
Le premier espace mesure 4,20 x 2,60 m. Et les dimensions du second espace sont de 4,20 x 1,75 m. Un arc brisé relie ces deux espaces. Une pierre tombale orientée est-ouest se situe dans le second espace. Ce dernier comporte une niche enfoncée dans le mur sud. L’ensemble de la niche est encadré par un bandeau rectangulaire. Une estrade se trouve contre le mur sud en face de l’ouverture en arc brisé.
[1]Le chef du Vakeuf yézidi de Bozan et des villages alentours parle de 360 lieux sacrés à Bozan ! Ce chiffre est souvent invoqué dans les récits yézidis.
[2]Ibn Khallikan et Ibn al-Athir
[3]Selon Barakat Kheuder Qassem, cheikh yézidi de Bozan, interviewé le 6 Juin 2018.
[4]Il est connu pour son usurpation du monastère de Mar-Youhanan et Icho’ Sabran.
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