L’église Tahmazgerd de Kirkouk (dite église rouge)
L’église Tahmazgerd (dite Église Rouge) de Kirkouk, se situe à 35°28’6.08″N 44°23’1.37″E et 344 mètres d’altitude au sommet d’une colline qui surplombe la ville.
Après la mort de Yazdegerd II, qui, en 445, massacra 12000 chrétiens de Kirkouk et tout le clergé, les Chrétiens de Kirkouk érigèrent vers l’an 470 un grand martyrion et instituèrent une célébration commémorative afin de « perpétuer le souvenir du triomphe des victimes[1] ». Le site de Tahmazgerd, à l’est de la citadelle, est aujourd’hui le plus ancien site chrétien visible de Kirkouk.
L’église de Tahmazgerd doit son nom à l’officier perse, Tahmazgerd, qui dirigea le massacre. Repentit et convertit, il réclama d’être exécuté sur le lieu même où il sacrifia les chrétiens, devenant lui aussi un martyr de la foi.
[1]In Assyrie Chrétienne, vol.III, p. 17, Jean-Maurice Fiey, Imprimerie catholique, Beyrouth, 1968.
Localisation
L’église Tahmazgerd (dite Église Rouge) de Kirkouk, se situe à 35°28’6.08″N 44°23’1.37″E et 344 mètres d’altitude.
Kirkouk, capitale provinciale du même nom, se situe à l’est du Petit Zab. La ville est traversée par la rivière khasa, un affluent saisonnier du Tigre, sur son versant oriental.
Au nord-est de l’Irak, la région où se situe l’actuelle Kirkouk est connue dans l’histoire ancienne sous le nom de Bét Garmaï, autrefois peuplée de Garaméens, peut-être issus d’une « peuplade persane montée dans cette région avant l’islam[1]», mais aussi peut-être Ninivites et Chaldéens et qui parlaient « certainement araméen[2] ».
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[1]In Assyrie Chrétienne, vol.III, p. 15, Jean-Maurice Fiey, Imprimerie catholique, Beyrouth, 1968.
Démographie et géopolitique
Les Kurdes constituent à Kirkouk la très grande majorité d’une population supérieure à 1,2 millions d’habitants. Le reste de la population est composée de Turcomans (chiites et sunnites), d’Arabes (sunnites) et de Chrétiens (essentiellement chaldéens et très faiblement arméniens). On comptait également autrefois une communauté juive aujourd’hui disparue. Il y aurait en 2018, 5000 chrétiens chaldéens à Kirkouk pour 7000 dans l’ensemble du territoire diocésain[1].
Grand centre pétrolier du nord de l’Irak, les rivalités communautaires se sont intensifiées à Kirkouk au tournant des XXeet XXIesiècles et ont été exacerbées par la guerre du Golfe dans les années 90 et la chute du régime de Saddam Hussein en 2003. Revendiquée par Massoud Barzani, ancien président de la Région autonome du Kurdistan d’Irak, Kirkouk fut protégée par les peshmergas kurdes lorsqu’en juin 2014 daesh menaça de s’en emparer.
Le référendum d’autodétermination du Kurdistan d’Irak, le 25 septembre 2017, inclus la province de Kirkouk, mais se solda le 16 octobre par une reprise de contrôle militaire et politique de Kirkouk par les forces armées irakiennes et des unités paramilitaires apparentées.
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[1]Source : Mgr Yousif Thomas Mirkis, archevêque de Kirkouk.
Fragments d’histoire chrétienne du Bét Garmaï et de Kirkouk
Le christianisme apparut probablement très tôt dans le Bét Garmaï, dans la foulée de l’évangélisation de la Mésopotamie par l’apôtre Saint Thomas et par ses disciples Addaï et Mari. La tradition rapporte que le premier évêque connu à Kirkouk se nommait Théocrite[1]. Vraisemblablement issu du monde gréco-romain, il put ainsi trouver refuge en Perse et exerça à Kirkouk, son apostolat au tout début du IIesiècle, entre 117 et 138[2].
Dans l’Histoire de Karka[3] « le plus ancien sanctuaire chrétien de la ville serait l’église édifiée sur l’emplacement de la maison de Joseph, le premier converti de Mār Māri[4] ». Ce sanctuaire, dont on a perdu toute trace, n’était pas situé à la citadelle de Kirkouk, mais à 2 kilomètres de là, à Koria, aujourd’hui un quartier de la métropole.
L’histoire chrétienne de Kirkouk est marquée au fer rouge par les persécutions du roi sassanide Yazdegerd II, en l’an 445, qui firent « non seulement 12000 morts, mais [aussi]toute sa hiérarchie[5] ». En guerre contre l’Empire romain d’Orient passé au christianisme, le roi perse considéra les Chrétiens comme des ennemis de l’intérieur et intensifia simultanément l’imposition du zoroastrisme dans son Empire. 6 ans après avoir martyrisé les Chrétiens de Kirkouk, il engagea ses troupes contre les Arméniens qu’il battit dans la plaine d’Avarayr. Dans ce cas comme dans le précédent, Yazdegerd II ne parvint pas à éliminer le christianisme de l’Empire perse, mais développa au contraire le culte des martyrs qui constitue encore de nos jours un ferment essentiel du christianisme mésopotamien.
Les Chrétiens monophysites (syriaques) du BétGarmaï eurent ensuite à lutter contre l’intolérance du métropolite nestorien de Nisibe (Nusaybin), Barsaume, à la fin du Vesiècle, vers 484/485. Ceux qui refusèrent de passer au nestorianisme, résistèrent, périrent ou furent contraints de fuir. Au long des siècles et quelles qu’aient été les crises, le nestorianisme demeura primordial dans le BétGarmaï jusqu’à la constitution de l’église chaldéenne, unie à Rome en 1553, dont on dit qu’elle rencontra très tôt l’adhésion des chrétiens de Kirkouk, même s’il fallut attendre le XVIIIesiècle pour voir émerger une véritable église chaldéenne locale.
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[1]Nom d’origine grecque, Théocrite / Theocritos / Tocriti signifie « La force de Dieu »
[2]Source : Mgr Yousif Thomas Mirkis, archevêque de Kirkouk.
[3]Karka est l’ancien nom syriaque de l’actuelle Kirkouk
[4]In Assyrie Chrétienne, vol.III, p. 49, Jean-Maurice Fiey, Imprimerie catholique, Beyrouth, 1968
[5]In Assyrie Chrétienne, vol.III, p. 17, Jean-Maurice Fiey, Imprimerie catholique, Beyrouth, 1968.
Histoire de l’église Tahmazgerd
Après la mort de Yazdegerd II, qui, en 445, massacra 12000 chrétiens de Kirkouk et tout le clergé, les Chrétiens de Kirkouk érigèrent vers l’an 470 un grand martyrion et instituèrent une célébration commémorative afin de « perpétuer le souvenir du triomphe des victimes[1] ». Le site de Tahmazgerd, à l’est de la citadelle, est aujourd’hui le plus ancien site chrétien visible de Kirkouk.
L’église de Tahmazgerd doit son nom à l’officier perse, Tahmazgerd, qui dirigea le massacre. Repentit et convertit, il réclama d’être exécuté sur le lieu même où il sacrifia les Chrétiens, devenant lui aussi un martyr de la foi. Ce lieu est, selon la tradition, la colline même où se trouve le domaine religieux et son cimetière.
L’église de Tahmazgerd doit son surnom d’église rouge au sang des victimes sacrifiées. À moins que ce ne soit en raison de la géologie de cette colline et de la couleur rouge de sa terre. Souvent ces deux explications sont liées.
Son église primitive y aurait été édifiée vers l’an 470 par le métropolite Maroun, même s’il fallut attendre l’an 1607 pour que soit attesté l’existence d’un « monastère » à Tahmazgerd.
L’église martyrion de Tahmazgerd fut en grande partie détruite en 1918 lors de la première guerre mondiale dans le cadre du conflit qui opposa les Turcs-ottomans aux Britanniques. On ne sait pas exactement qui la fit sauter. Les Turcs pour éviter que les Britanniques ne récupèrent les armes qu’ils avaient stockées dans l’église ? Les Britanniques pour détruire l’arsenal turc ? Ceci dit, tout n’a pas été détruit.
Une restauration eût lieu en 1923, mais l’édifice n’est plus du tout visible aujourd’hui. Le dôme de l’ancienne église est en effet recouvert par des sépultures. L’idée de déplacer les tombes pour entreprendre des fouilles et révéler l’église a été contestée.
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[1]In Assyrie Chrétienne, vol.III, p. 17, Jean-Maurice Fiey, Imprimerie catholique, Beyrouth, 1968.
Description du site de Tahmazgerd
Érigé au sommet d’une colline dont les accès sont contrôlés par un garde-barrière, le site de Tahmazgerd est fermé par une vieille porte en métal que l’on ouvre au moyen d’une grosse clé ancienne.
Le domaine de Tahmazgerd est vaste. Il s’agit d’abord et avant tout d’un grand cimetière qui occupe presque toute la surface de la colline. Les tombes de différentes époques qui s’y trouvent sont enrichies d’inscriptions arabes et syriaques. On peut y lire en quelque sorte tout un pan de l’histoire chrétienne locale.
Une fois passée la porte d’entrée du site, il faut emprunter une allée ombragée pour rejoindre 50 mètres après, sur la gauche, une église à double nef et deux autels construite en 1933. Elle abrite de nombreuses tombes de notables de la ville. De fait, il s’agit moins d’une église que d’une nécropole. C’est un cas rare, voire unique, dans les églises chaldéennes et mésopotamiennes. Les nombreuses stèles qui s’y trouvent sont presque toutes richement décorées. Certaines de ces tombes datent de la période de construction de l’église, d’autres sont relativement récentes.
En 1983,une église-halle mononef et plafond horizontal fut construite à l’avant de cette nécropole. Sans intérêt architectural, cette église a été érigée afin d’y célébrer les offices devenus impossibles dans l’édifice de 1933.
Le domaine de Tahmazgerd abritait autrefois une grande église qui fut en partie détruite lors de la première guerre mondiale. Ce qui en reste n’est plus visible. Des tombes couvrent et dissimulent la toiture de l’édifice. Des gravats obstruent sont entrée. Bien qu’invisible, l’emplacement de cette église se situe à droite de l’entrée du domaine. Pour certifier son existence, il reste quelques vieilles photographies prises en 1948. Elles en révèlent aussi certaines des caractéristiques architecturales. Cependant il manque à cette iconographie une documentation plus dense et plus précise. Des fouilles archéologiques pourraient représenter un intérêt patrimonial auquel semblent s’opposer des familles de défunts enterrés au-dessus.
Actualité de l’église Tahmazgerd
Le culte des martyrs demeure encore de nos jours un ferment essentiel du christianisme mésopotamien. Chaque année, le 25 septembre les Chrétiens de Kirkouk font mémoire des martyrs de Tahmazgerd.
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