L’église Om al Ahzane (Mère des Douleurs) de Bagdad
L’église chaldéenne Om al Ahzane (Mère des Douleurs) de Bagdad est située à Bagdad, à 33°20’17.30″N 44°23’43.90″E et 44 mètres d’altitude, sur la rive orientale du Tigre, dans le quartier de Chordja. Il s’agit d’un des plus vieux quartiers de Bagdad.
L’église primitive a été construite en 1843. Bâtie sur une zone basse de Bagdad, souvent inondée par la crue du Tigre et la montée des eaux souterraines, l’église a dû être reconstruite et agrandie 5 mètres plus haut en 1889. Dans les années cinquante, l’église Om al Ahzane commença à perdre en importance car la population quitta progressivement ce vieux quartier pour les quartiers plus modernes de Bagdad. L’église porte le nom de Om al Ahzane, Mère des Douleurs, ce qu’illustre un tableau exceptionnel accroché sur le mur de l’abside.
Photo : Église Om al Ahzane de Bagdad. Vue sud-ouest depuis la terrasse. Mars 2018. © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Localisation
L’église chaldéenne Om al Ahzane (Mère des Douleurs) de Bagdad est située à Bagdad, à 33°20’17.30″N 44°23’43.90″E et 44 mètres d’altitude, sur la rive orientale du Tigre, dans le quartier de Chorjah, à Aqued el Nassara. Il s’agit d’un des plus vieux quartiers de Bagdad, où vécurent autrefois des milliers familles de chrétiennes.
Pour accéder à l’église Om al Ahzane, il faut emprunter les rues d’un important souk dont les commerçants occupent tous les espaces disponibles, y compris le long du mur de l’église, quand ce n’est pas à l’intérieur pour y entreposer ce qui peut l’être. Le domaine foncier de l’église Om al Ahzane est très convoité en raison de sa position centrale et de son environnement marchand.
Dénomination
Depuis plus sa fondation en 1843, cette église porte le nom de Om al Ahzane, c’est à dire Mère des Douleurs. Lors de sa reconstruction et sa consécration en 1898, le patriarche Mar Abdisho V Khayat conserva son nom originel au lieu de l’attribuer aux apôtres de l’Orient (Mar Toma, Mar Addaï et Mar Mari) que préférait le patriarche Petros Elia XIV Abbo Alyonan qui en posa la première pierre 9 ans plus tôt. Cette désignation est confirmée par un exceptionnel tableau représentant les « sept plaies de la Mère de Dieu » accroché sur le mur de l’abside.
Aux origines de l’église chaldéenne
L’Église chaldéenne est une église catholique née au XVIe siècle d’un schisme au sein de l’Eglise de l’Orient. En 1552, plusieurs évêques établis dans le nord de l’Irak, le sud de la Turquie et le nord de l’Iran[1] contestèrent la succession héréditaire du catholicos de l’Église de l’Orient Simon VIII. Ils élurent à Mossoul un autre patriarche, Yohanès Soulaqa, supérieur du monastère de Rabban Hormizd d’Alqosh, qui prit le nom de Jean VIII et qui se rendit à Rome pour y faire profession de foi catholique. Le 20 avril 1553, le pape Jules III le proclama patriarche de l’Église chaldéenne catholique « dont la naissance est dès lors officielle [2] ».
De retour dans l’Empire ottoman, il installa son patriarcat à Diyarbakır (sud-est de l’actuelle Turquie), à 400 kilomètres au nord-ouest du couvent de Rabban Hormizd. En conflit ouvert avec son rival Simon VIII, Yohanès Soulaqa fut arrêté, emprisonné et assassiné en 1555.
La fondation de l’église chaldéenne fut précédée un siècle plus tôt, en 1445, d’une déclaration d’union avec Rome des membres de l’Église d’Orient à Chypre, que le pape Eugène IV appelait déjà « Chaldéens ».
Jusqu’au XIXe siècle, ce schisme fut d’autant plus conflictuel qu’un grand nombre de fidèles de l’Église de l’Orient choisirent la communion avec Rome.
Le siège de l’église chaldéenne fut transféré de Diyarbakır à Mossoul en 1830 avec l’élection au trône patriarcal du métropolite de Mossoul, Jean VIII Hormez, puis à Bagdad en 1950, sous Mar Joseph VII Ghanima.
Incontestablement majoritaires parmi 1 200 000 chrétiens irakiens estimés avant la première guerre du Golfe en 1991, les Chaldéens étaient 750 000 au dernier recensement en 1987, contre 300 000 Assyriens (Église de l’Orient et Ancienne Église de l’Orient). Toutes communautés confondues, les Irakiens chrétiens représentaient ainsi 8 % de la population du pays. En 2018 combien sont-ils ? Les informations recueillies par les correspondants de l’association MESOPOTAMIA confirment l’effondrement démographique dont parlent les communautés visitées. Il resterait bien moins de 400 000 Chaldéens en Irak répartis entre Bagdad, le Kurdistan, la plaine de Ninive et Bassorah. En fait, les calamités auxquelles les communautés chrétiennes ont dû faire face n’ont jamais cessé en Irak depuis son indépendance en 1933. Le début du XXIe siècle n’offrit aucun répit avec l’invasion américaine en 2003, le terrible embargo décrété par l’ONU et les violences et persécutions islamico-mafieuses qui ont ciblé les communautés chrétiennes depuis la chute du régime de Saddam Hussein.
Aujourd’hui, l’Église Chaldéenne est constituée d’une importante diaspora éparpillée sur les cinq continents: aux États-Unis, en Europe, en Australie, au Canada, en Nouvelle-Zélande, en ex-URSS : notamment en Russie (Moscou, Rostov sur le Don), Ukraine, Géorgie (Tbilissi), Arménie (Erevan).
________
[1] Au XVIe siècle, l’Empire ottoman et la Perse.
[2] In « Histoire de l’Église de l’Orient », Raymond Le Coz, Cerf, septembre 1995, p. 328
Histoire de l’église Om al Ahzane
L’église primitive Om al Ahzane fut construite en 1843. L’accroissement démographique et les nécessités de la communauté chaldéenne obligèrent à l’édification d’une nouvelle église plus spacieuse à la fin du XIXe siècle, qui pût accueillir près de 2000 personnes.
Les négociations et démarches nécessaires pour la construction de cette église eurent lieu sous l’autorité du patriarche chaldéen Youssef (Joseph) VI Audo, mais furent interrompues par sa mort en 1878.
Petros Elia XIV Abbo Alyonan, patriarche chaldéen de Babylone posa la première pierre de l’église le 17 mars 1889. Il mourut de la typhoïde, le 27 juin 1894, avant la fin des travaux. Mar Abdisho V Khayat lui succéda et inaugura l’église le 27 novembre 1898.
Dans les années cinquante, l’église Om al Ahzane commença à perdre en importance car la population quitta progressivement ce vieux quartier d’Aqued el Nassara pour s’installer dans les quartiers plus modernes de Bagdad. Aujourd’hui, il ne reste que 120 familles chrétiennes dans ce quartier.
Bâtie sur une zone basse de Bagdad, souvent inondée par la crue du Tigre et la montée des eaux souterraines, l’église était fragilisée. D’importants travaux de restauration furent entrepris par le patriarche Paulos II Shekho. Le sol de l’église fut surélevé de 5 mètres et des canaux d’évacuations des eaux furent installés.
Bien que les offices et célébrations y soient devenus assez rares, l’église Om al Ahzane fut autrefois la cathédrale chaldéenne de Bagdad. Elle fut complètement restaurée et renouvelée par le patriarche de Babylone des Chaldéens Louis Raphaël Ier Sako en 2015.
Description de l’église Om al Ahzane
L’église chaldéenne Om al Ahzane est un magnifique édifice construit en briques de terre cuite. C’est un mode de construction ancestral et typique du style mésopotamien que l’on employait jusqu’au siècle dernier pour bâtir les maisons, les mosquées, les églises et les palais de Bagdad. Les murs très épais préservent la fraicheur en été et la chaleur en hiver.
L’entrée du domaine religieux est matérialisée par une modeste pancarte au dessus du portail externe. Une fois passée cette enceinte, on pénètre dans une cour qui était autrefois une cimetière et au fond de laquelle on peut encore apercevoir, sur les parois d’un mur, les pierres tombales de plusieurs défunts écrites en arabe et en français. L’angle sud-est de cette cour est également pourvu d’une reproduction de la grotte mariale de Lourdes, comme cela se fait dans presque toutes les églises catholiques (chaldéennes et syriaques) irakiennes.
L’entrée de l’église proprement dite se fait de nos jours par une modeste porte latérale, située sous la galerie ouverte sur la façade sud qui longe la cour. Une autre porte, plus large est ouverte sur la façade nord de l’édifice.
L’église Om al Ahzane, vue de l’intérieur, est portée par un ensemble de colonnes et d’arcades en marbre de Mossoul. Ces matériaux furent acheminés à Bagdad sur des radeaux à outre, les keleks, qui descendaient le Tigre. L’ensemble forme un édifice à 3 nefs, au sud-est duquel le sanctuaire occupe toute la largeur de l’édifice.
Sans porte royale comme on peut le voir habituellement dans les anciennes églises assyro-chaldéennes, le sanctuaire est séparé de la nef par un simple chancel.
Le Saint des Saints est équipé d’un double autel central surmonté d’une coupole et sur ses bas-côtés de deux autels latéraux également coiffés de coupoles. Dans sa partie centrale, l’ancien maître-autel est adossé à l’abside. Il est en bois magnifiquement sculpté et décoré. De style gothique, il a été façonné par des soldats polonais arrivés à Bagdad pendant la deuxième guerre mondiale.
Un autre autel, simple et moderne, également en bois, est installé au centre du sanctuaire pour célébrer face au peuple, comme le veut l’usage dans l’église catholique depuis Vatican 2.
Sur le mur de l’abside, au dessus de l’ancien autel est fixé un tableau exceptionnel. Il représente « les sept plaies de la Mère de Dieu ». Sa dédicace et sa provenance sont martelées dans un cartouche visible sur la partie basse du cadre. On peut y lire en calligraphie arabe que cette œuvre vient de Diyarbakir (dans le sud-est de l’actuelle Turquie) et qu’elle a été transmise (offerte ou réalisée) par un certain Elias Guorguis en 1899.
Les deux bas-côtés de l’église, plus étroits que la nef, sont chacun surmontés de 6 coupolettes portées par des trompes d’angle en forme de muqarnas (en nid d’abeille). On peut y déceler les sources architecturales et décoratives persane et abbasside.
Dotée d’une acoustique exceptionnelle, l’église Om al Ahzane est également équipée d’une chaire en bois sculpté, adossée au pilier latéral droit du chancel, ce qui est pour le moins inhabituel dans l’architecture traditionnelle des églises de Mésopotamie et qui révèle l’influence de l’église catholique romaine.
Tout près du sanctuaire, à droite et à gauche, sont disposées plusieurs tombes. La plus importante est celle des patriarches Abdisho V Khayat et de Paulos II Shekho. On trouve aussi la tombe de l’évêque Mickael Naamo qui s’est beaucoup investi dans la construction de l’église, mais aussi celle du curé Mickael Baho et enfin celle du père Youhanna Maqsoud.
À l’extérieur de l’église Om al Ahzane, de part et d’autre de l’édifice, les parois des murs sud et nord sont ornées de croix, d’ostensoirs et de motifs religieux en forme de bas-reliefs en brique.
La galerie du monument
les monuments
à proximité
Contribuez à la sauvegarde de la mémoire des monuments.
Photos de famille, vidéos, témoignages, partagez vos documents pour enrichir le site.
Je participe