L’église Mar Miha d’Alqosh
L’église Mar Miha d’Alqosh se situe à 36°44’18.2″N 43°05’50.7″E et 562 mètres d’altitude.
Elle porte le nom d’un saint du IVe siècle, disciple et contemporain de Mar Awguin, le fondateur du cénobitisme syrien.
L’église qui abriterait les reliques du Mar Miha serait l’une des plus anciennes d’Alqosh.
Mar Miha est une église à nef unique, à l’extrémité orientale de laquelle se dresse une grande porte royale en marbre de Mossoul. Les deux éléments les plus importants se trouvent dans la maçonnerie des deux colonnes de cette arche. Au bas du pilier gauche de la porte royale (en regardant l’autel), on distingue un cartouche dont l’inscription indique l’emplacement des reliques de Mar Miha, placées dans une « jarre scellée dans la maçonnerie ». De l’autre côté de la porte, au bas du pilier droit, un autre cartouche porte une inscription qui signale l’emplacement des reliques du prophète Nahoum.
Localisation
À 40 kilomètres au nord de Mossoul et 10 km de la rive orientale du Tigre, l’église Mar Miha se trouve à 36°44’18.2″N, 43°05’50.7″E et 562 mètres d’altitude, au nord de la ville d’Alqosh, elle-même située à l’extrême-nord de la plaine et province de Ninive.
On accède à l’église Mar Miha en se faufilant dans les petites ruelles qui serpentent au cœur de la vieille ville.
Voisine de Mar Guorguis, l’église Mar Miha d’Alqosh n’est qu’à 2 km à l’ouest des deux grands monastères de Rabban Hormizd et de Notre-Dame des Moissons.
Petite histoire chrétienne d’Alqosh
Alqosh[1] est connue pour être l’une des plus des plus anciennes cités chrétiennes du nord de l’Irak, dont les premiers fidèles, possiblement convertis dès le Ier siècle grâce à l’apôtre Thomas, sont vraisemblablement issus de la communauté juive locale. Il faut dire que les racines juives d’Alqosh sont souvent remémorées par différentes sources, y compris dans sa toponymie que l’on dit liée à son fondateur, le juif Alqōn, « qui y fut déporté par les Assyriens[2] ». Cette parenté juive est également rappelée par l’existence de la tombe de Nahoum l’alqoshien et prophète de Ninive, dont le mausolée partiellement en ruines, voisine l’église Mar Miha.
L’histoire chrétienne d’Aqosh est marquée par un rayonnement spirituel et intellectuel intense, grâce à ses écoles de copistes, poètes et calligraphes -parmi lesquels ceux de la famille Hōmo aux XVIIIe et XIXe siècles. Alqosh donna des générations de moines, d’enlumineurs et d’écrivains, auteurs d’innombrables manuscrits syriaques qui contribuèrent à la renommée du monastère de Rabban Hormizd avant de faire celle du monastère Notre-Dame des Moissons.
Parallèlement l’histoire chrétienne d’Alqosh est marquée par des vagues de pillages et destructions récurrentes commises au long des siècles par des guerriers mongols, turcomans, persans, kurdes, (…), notamment aux XVIe, XVIIIe et XIXe siècles. En 1832, le supérieur et restaurateur du couvent de Rabban Hormizd, le très vénéré père Gabriel Dambo fut assassiné par les soldats de l’émir kurde de Rawandouz Mohammed Pacha, mais sa mémoire demeure jusqu’à nos jours pieusement entretenue. Aux fléaux armés s’ajoutèrent d’autres calamités, telle que la peste en 1828 et la famine en 1879. Quels que furent les désastres, les hommes et leur patrimoine parvinrent à surmonter ces épreuves, tant et si bien qu’Alqosh demeure encore aujourd’hui un phare du christianisme irakien.
[1] Alqōš dans l’œuvre de Jean-Maurice Fiey
[2] In Assyrie chrétienne, vol.II, p.387, Jean-Maurice Fiey,
Persistance d’un témoignage chrétien exceptionnel
D’un siècle à l’autre la croissance démographique d’Alqosh révèle la persistance d’un témoignage chrétien exceptionnel. Au XVIIIe siècle, fin 1767, Aloqsh comptait 500 familles, dont 100 catholiques[1] (chaldéennes). Un siècle plus tard, en 1891, Alqosh n’était encore qu’un village de 1000 habitants[2]. C’est au XXe siècle que la poussée démographique fut la plus significative avec 17 000 habitants en 1967[3]. Au début du XXIe siècle, en 2014, avant la menace existentielle que fit peser Daesh sur la cité, il y avait encore 15 000 habitants à Alqosh. Certes, la ville fut presque totalement évacuée lorsque les combattants djihadistes parvinrent à quelques kilomètres des portes de la cité (plusieurs centaines de personnes restèrent à Alqosh), mais à présent que la menace est passée Alqosh a retrouvé son potentiel démographique et a renoué avec son rayonnement.
[1] In A chronicle of the Carmelites in Persia, vol II (lettre du 27 décembre 1767), p. 1262, Mgr Emmanuel Ballyet, évêque de Babylone et premier consul de France à Bagdad. Cité par Jean-Maurice Fiey, dans Assyrie Chrétienne, vol.II, p.390.
[2] In La Turquie d’Asie -Tome Deuxième, Vital Cuinet, Paris, Ernest Leroux éditeur, 1891, p. 829.
[3] In L’Église de l’Orient, article dans la revue Vivante Afrique N° 253 Nov-Déc. 1967-7.
Mar Miha l’alqoshien
La tradition fait de Mar Miha de Nouhadra un disciple de Mar Awguin[1], moine égyptien fondateur au IVe siècle du cénobitisme syrien, dont le nom, le sanctuaire et la mémoire sont associés à l’un des plus anciens monastères du Tur Abdin, au sud-est de l’actuelle Turquie, à 40 km de Nusaybine (Nisibe), d’où l’on peut contempler l’horizon sans fin de la plaine mésopotamienne.
La tradition fait de Mar Miha l’un des saints pères d’Alqosh au IVe siècle, en un temps où le christianisme y était déjà implanté. La toute première église Mar Miha aurait été fondée à cette époque pour y recueillir ses reliques. La renommée du saint local est telle que chaque famille d’Alqosh donnerait pour prénom Miha à l’un de ses garçons nouveaux nés.
[1] La tradition dit de Mar Awguin qu’il était accompagné de 70 disciples. Mar Miha de Nouhadra était-il pour autant l’un des 70 compagnons de Mar Awguin ?
L’église Mar Miha : architecture et inscriptions
Il est impossible de dire ce que pouvait être le sanctuaire initial, en revanche on sait que « le bâtiment ancien comportait trois nefs. (…) C’est dans cette église que se réfugia le P. Gabriel Dambo avant son assassinat. Son corps y reposa pendant douze ans avant sa translation au couvent de R.Hormizd.[1] ».
Originellement placée sous l’autorité de l’église de l’Orient, l’église Mar Miha passa à l’église chaldéenne, comme toutes les autres églises d’Alqosh, dans les temps (les siècles) qui suivirent sa constitution en 1553. Rebâti en 1578-1581, l’actuel édifice date de 1876.
On distingue nettement le dôme arrondi de l’église Mar Miha depuis la colline qui surplombe la ville. Les murs de pierres de l’église et de son enceinte protectrice sont entièrement revêtus d’un enduit de chaux qui forme un épais manteau rudimentaire et isolant. L’entrée de l’édifice se trouve au nord d’une petite place contre laquelle se dresse une maison ornée de peintures à motifs religieux : le cavalier Saint-Georges terrassant le dragon, le Sacré-Cœur de Jésus et le Cœur Immaculé de Marie.
Une modeste porte en pierres de taille percée dans le mur d’enceinte ouvre sur une coursive qui longe la façade occidentale de l’église. Au bout de cette galerie se trouve la cour intérieure où furent autrefois inhumés nombre d’ecclésiastiques, et de part et d’autre de laquelle sont disposées l’école et l’église Mar Miha.
Une inscription syriaque placée en hauteur sur le mur nord-est de l’église, au dessus d’une carte peinte de l’Irak, indique que l’école Mar Miha a été construite et achevée en 1923 à la charge de l’église d’Alqosh sous le pontificat de Pie XI et le patriarcat de Babylone des Chaldéens d’Emmanuel II[2].
L’église Mar Miha est couverte d’une toiture en terrasse, à l’extrémité orientale de laquelle se trouve un dôme de forme conique et aplatie. La hauteur de cette église équivaut aux deux niveaux superposés de l’école qui lui fait face.
L’entrée de l’église se fait par une unique porte en marbre équipée d’un linteau sculpté de croix ornementales et surmontée d’un fronton en forme de mitre.
Mar Miha est une église à nef unique, à l’extrémité orientale de laquelle se dresse une grande porte royale en marbre de Mossoul. Les deux éléments les plus importants se trouvent dans la maçonnerie des deux colonnes de cette arche. Au bas du pilier gauche de la porte royale (en regardant l’autel), on distingue un cartouche dont l’inscription indique l’emplacement des reliques de Mar Miha, placées dans une « jarre scellée dans la maçonnerie[3] ». De l’autre côté de la porte, au bas du pilier droit, un autre cartouche porte une inscription qui signale l’emplacement des reliques du prophète Nahoum[4]. En 1891, Vital Cuinet rapporta que « les reliques furent secrètement enlevées pendant la nuit, en 1883, et transportées dans une église chrétienne, à l’insu des israélites, qui continuent toujours à vénérer le tombeau vide[5]. » En juillet 2017, Louis Djeuma, un habitant d’Alqosh et témoin oculaire nous raconta de vive voix ce qu’il vit en 1976 : « Les ossements de Nahoum furent extraits du pilier, puis placés dans une bouteille, replacée et scellée dans le pilier de la porte sainte, au même endroit que précédemment.[6] »
Outre la vocation liturgique de cette église, les saintes reliques qui y sont vénérées auraient des vertus curatives rares puisqu’elles guériraient « les petits enfants de la toux[7] ».
Mar Miha est célébré le 1er novembre.
[1] In Assyrie chrétienne, vol.II, Jean-Maurice Fiey, p.395.
[2] Traduction anglaise de l’inscription in Recueil des inscriptions syriaques, Tome 2, Amir Harrak, éditions de Boccard. Réf. AO.01.09 : photo p. 189, texte p.418
[3] In Assyrie chrétienne, vol.2, Jean-Maurice Fiey, p.395
[4] Voir la notice (J001) sur la tombe du prophète Nahoum
[5] In La Turquie d’Asie -Tome Deuxième, Vital Cuinet, Paris, Ernest Leroux éditeur, 1891, p. 829.
[6] Témoignage filmé de Louis Djeuma, habitant d’Alqosh
[7] In Assyrie chrétienne, vol.2, Jean-Maurice Fiey, p.396.
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