L’église Mar Guorguis d’Ankawa
L’église Mar Guorguis d’Anawa se situe à 36°14’0.22″N 43°59’17.46″E et 413 mètres d’altitude.
Elle est dédiée au Saint Patron le plus vénéré de l’Orient chrétien.
L’église Mar Guorguis d’Ankawa est sans doute la plus ancienne de la ville. Plusieurs fois reconstruite, l’actuel édifice daterait, dans sa structure, du XIXe siècle. La dernière rénovation date de 1995-1996. Le jardin, au nord-ouest de l’édifice, était auparavant un cimetière. De nombreuses pierres tombales qui s’y trouvaient ont été encastrées dans le mur nord-ouest de l’église, à l’occasion des travaux de rénovation de l’église et de réaménagement des espaces.
_______
Plan de l’église : Dans « Les églises et monastères du « Kurdistan irakien« à la veille et au lendemain de l’islam », p. 228. Thèse de doctorat de Narmen Ali Muhamad Amen à l’université de Saint-Quentin-en-Yvelines, sous la direction de George Tate et la co-direction de Jean-Michel Thierry. Mai 2001.
Localisation
L’église Mar Guorguis se situe à Ankawa[1], à 36°14’0.22″N 43°59’17.46″E et 413 mètres d’altitude, dans un quartier chrétien du vaste ensemble urbain d’Erbil. Autrefois Ankawa était un petit village à l’extérieur de la porte nord (la porte de Amkabad) de la citadelle d’Erbil[2]. Aujourd’hui Ankawa est intégré à la métropole, dont le centre de gravité demeure la citadelle et autour de laquelle la ville s’organise et se développe de manière circulaire.
Capitale de la région autonome du Kurdistan d’Irak, Erbil est une ville de plaine de plus d’un million et demi d’habitants, à 30 km à l’est du Grand Zab, un affluent du Tigre, 80 km à l’est de Mossoul et 25 km au sud de la bordure méridionale de la montagne kurde.
L’église Mar Guorguis est implantée dans le secteur nord d’Ankawa en face d’un tell (colline) d’époque assyrienne nommé Qasra (le château), où des fouilles ont permis d’identifier les fondations d’une très ancienne église dédiée à Mar Guorguis ainsi que des objets dignes d’intérêt archéologique.
[1] Le toponyme Ankawa est en usage aujourd’hui. Dans Assyrie Chrétienne, vol.I, Jean-Maurice Fiey rapporte que la cité a autrefois porté le nom de « ‘Amk Ābād au temps des Persans. D’où la version ‘Amkāwa (attestée au XIVe s.), quelquefois abrégée en ‘Amko (déjà au Xe s.). Ce n’est que plus tard qu’apparaît la déformation ‘Ankāwa (XVIIIe s.), puis le moderne ‘Aïnkāwa..». Dans le toponyme Amkabad, le suffixe abad d’origine perse signifie « la résidence de… »
[2] Erbil ou Arbīl
Fragments d’histoire chrétienne
Erbil, identifiée à l’antique Arbeles assyrienne, est relativement proche du lieu de supposé de la plaine de Gaugamèles où se déroula la célèbre bataille que remporta le macédonien Alexandre le Grand sur le perse Darius III en 331 avant J.C. Ancienne capitale du royaume assyrien d’Adiabène, ballotté entre les empires parthe, romain et arménien, la région est connue pour avoir été au Ier siècle un des foyers juifs de Mésopotamie que les premiers Chrétiens ont sans doute cherché à convertir. « Les milieux touchés par l’évangélisation ne sont pas connus, mais il est raisonnable de penser que les premiers convertis appartiennent à la population juive alors très importante dans toute la Mésopotamie, et même au delà du Tigre, depuis la déportation de Babylone, sous Nabuchodonosor. Il est probable que les premiers efforts de conversion aient porté sur cette communauté, comme cela s’était déjà produit dans toutes les villes de l’Empire romain[1]. » Là encore les premières étapes de cette évangélisation sont réputées être liées aux missions des apôtres Thaddée, Barthélémy et surtout Thomas et de leurs disciples. La tradition rapporte que Thomas « se serait arrêté à Séleucie-Ctésiphon au cours de son voyage vers l’Inde[2]».
Au tout début du IVe siècle, l’Adiabène qui était alors la « marche » la plus méridionale du royaume d’Arménie connut une nouvelle vague d’évangélisation, après que l’Arménie devint le tout premier « état » chrétien de l’histoire, vers 301. « Probablement aussi, il y eut vers 328-329 une entrevue entre les deux seuls souverains chrétiens de l’époque : l’empereur romain Constantin Ier et l’Arménien Tiridate III. Constantin Ier confirma le rôle de Tiridate III pour l’évangélisation de l’Orient. C’est ainsi que des missionnaires arméniens participèrent à l’évangélisation de la Mésopotamie et du royaume sassanide, comme le relate l’historien grec Sozomène, vers 402 : « Ensuite, parmi les peuples voisins, la croyance progressa et s’accrut d’un grand nombre et je pense que les Perses se christianisèrent grâce aux importantes relations qu’ils entretenaient avec les Osroéniens et les Arméniens (…)« [3] ». Devenu siège épiscopal, Erbil la chrétienne connut l’islam avec la conquête musulmane et le califat abbasside dès la fin du VIIe siècle, ouvrant ainsi la voie à l’islamisation de toute la région, sans interruption jusqu’à nos jours, quels que furent les conquérants seldjoukides, mongols, perses, atabegs, ottomans et kurdes.
Originellement membres de l’Église apostolique assyrienne de l’Orient, les Chrétiens d’Erbil et Ankawa passèrent progressivement à l’Église chaldéenne (catholique). Ce mouvement se déroula essentiellement au XVIIIe siècle. Le patrimoine fut transféré de la même manière d’une Église à l’autre.
Dans le dernier quart du XIXe siècle, le missionnaire dominicain français Jacques Rhétoré de passage à Erbil écrivit qu’« à part quelques familles juives, la population est toute musulmane et peut s’élever de douze à quinze mille âmes. (…) Pas un chrétien n’habite Ervil, cependant cette ville en était peuplée dans les temps anciens et c’était la résidence d’un évêque catholique. La population chrétienne, persécutée et en butte à de continuelles vexations dans cette localité, l’a abandonnée depuis longtemps pour se concentrer non loin de là, dans le lieu où se trouve aujourd’hui le village chaldéen d’Aïncawa (…) Six prêtres dirigent cette chrétienté qui se compose d’environ deux cent cinquante familles.[4] »
[1] In Histoire de l’Église de l’Orient, Raymond le Coz, Éditions du Cerf, 1995, p.22
[2] Id. p.21
[3] In Arménie, un atlas historique, p.22 et carte p.23. Édition Sources d’Arménie, 2017.
[4] In Voyage d’un missionnaire dans les provinces de Kerkouk et de Solimanié de l’empire turc , Année dominicaine, 1879. P. 492-493.
Les temps modernes
À l’aube du XXIe siècle et à rebours de l’histoire, la métropole d’Erbil est redevenue un pôle chrétien de première importance. La cité d’Ankawa, au nord de la métropole, a en effet accueilli des dizaines de milliers de Chrétiens venus de Bagdad, de Mossoul, de la plaine de Ninive et de Bassorah, en raison des persécutions anti-chrétiennes commises par les groupes islamico-mafieux qui ont prospéré depuis l’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003. La politique d’accueil en zone kurde des Chrétiens d’Irak, mise en œuvre par le président de la région autonome du Kurdistan d’Irak Massoud Barzouni, est particulièrement visible à Erbil-Ankawa. Outre les camps de réfugiés chrétiens et yézidis, on peut citer la construction de plusieurs nouvelles et grandes églises de toutes confessions, l’installation durable de milliers de familles chrétiennes dans la ville, la construction d’écoles et de dispensaires administrés par les églises, la délocalisation du Babel College de Bagdad…Ces initiatives nombreuses et variées renforcent la vitalité chrétienne d’Ankawa. Cette politique profite également aux organisations chrétiennes de solidarité internationale et aux églises du monde entier qui développent des liens fraternels avec leurs homologues à Erbil-Ankawa. Citons à cet égard les visites régulières depuis 2008 des évêques français Marc Stenger, Michel Dubost, Pascal Gollnisch et Philippe Barbarin. Le jumelage des archidiocèses de Lyon et Mossoul est l’un des exemples les plus féconds de ce renouveau. Ce jumelage matériel, moral et spirituel, a été annoncé les 28 et 29 Juillet 2014 par le cardinal-archevêque de Lyon, Philippe Barbarin, dans l’église syriaque-catholique al Tahira de Qaraqosh ainsi que dans la cathédrale chaldéenne Saint-Joseph d’Erbil, en présence de l’archevêque syriaque-catholique de Mossoul Petros Mouché et du patriarche chaldéen Louis-Raphaël Ier Sako,[1]
[1] Voir le site http://lyonmossoul.fr et le site fondationsaintirenee.org
L’église Mar Guorguis
L’église Mar Guorguis est incontestablement « l’une des plus anciennes de la région d’Erbil [1] ».En 1995, des tablettes gravées d’inscriptions ont été découvertes au cours de fouilles archéologiques réalisées dans le martyrion. Ces inscriptions en langue syriaque-estrangelo ont contribué à souligner l’ancienneté de l’édifice, mais leur interprétation et leur datation doivent être considérées avec précaution[2]. La première indiquerait : « En l’an 1127 d’Alexandre de Macédoine, correspondant à l’année 816 ap. J-C. du calendrier grec, à l’époque du patriarche orthodoxe Mar Élie – le père des pères, un vrai croyant dans le droit chemin – l’église de Mar Guorguis fut restaurée par les habitants d’Ankawa. À une époque où la paix régnait sur terre. Il a été protégé et soutenu par Dieu, béni du Père, du Fils et du Saint-Esprit.[3] »L’autre inscription, retrouvée sur place 22 ans plus tard le 18 décembre 2017, indique: « (…) Le prêtre Hormuzd, chef de notre communauté, a quitté cette vie pour le lieu du grand repos ce lundi 4 novembre (…) 925. Le Maître des créatures l’a rappelé (par la mort) de ce village chrétien d’Ankawa.[4] »
Plusieurs fois reconstruite, l’actuel édifice daterait, dans sa structure, du XIXesiècle[5].Dans l’église, un marbre gravé en arabe et en syriaque sur le bas-côté nord énumère les dates de rénovation et de restauration successives, ainsi que les pontificats et patriarcats respectifs : 1716 sous Mar Elia X Maraugin[6], 1857 (date de la dernière reconstruction) sous Pie IX et le patriarche Mar Joseph VI Audo, 1900-1903 sous le pape Léon XIII, 1905 sous Pie X et Mar Yousef Emmanuel II Thoma, 1922-1927 sous Pie XI et le même patriarche chaldéen, 1975 sous Paul VI et Mar Paulus II Cheikho, 1988 sous Jean-Paul II et le même patriarche, 1995-1996 sous le même pape et le patriarche Raphaël IerBidawid. La structure de l’église Mar Guorguis d’Ankawa est celle d’une basilique assyrienne simple, sans bras de transept,de 30 mètres sur 15, construite en pierres et briques enduites à l’extérieur comme à l’intérieur.
Une fois passé le portail d’enceinte, on découvre immédiatement, adossée à l’église une réplique de la grotte mariale de Lourdes.
L’église Mar Guorguis dispose sur son flanc sud-est de deux portes d’accès. Une pour les hommes et l’autre pour les femmes.
La voûte de l’église à trois nefs est portée par un ensemble de colonnes circulaires très épaisses d’un mètre de diamètre, renforcées par de larges piètements carrés. La nef centrale est couverte pour un plafond. Les bas-côtés, plus étroits, sont surmontés de voûtes en berceau brisé.
Le chœur est séparé de la nef par une large porte royale en arc plein cintre qui en occupe toute la largeur. Au-dessus de la porte, un bas-relief incrusté représente la figure iconique de Mar Guorguis terrassant le dragon. L’œuvre porte la date de 1920. L’autel adossé au mur et monté sur une estrade à degrés est orienté au nord-est. À l’extrémité de chacun des bas-côtés, deux portes en arc plein cintre mènent aux autels latéraux.
Vue de l’extérieur, l’église Mar Guorguis est équipée à son extrémité nord-est d’un dôme rudimentaire et hémisphérique au-dessus du chœur. Une tour-clocher prolonge également le bas-côté oriental.
Le jardin, au nord-ouest de l’édifice, était auparavant un cimetière. De nombreuses pierres tombales qui s’y trouvaient ont été encastrées dans le mur nord-ouest de l’église, à l’occasion des travaux de rénovation de l’église et de réaménagement des espaces.
[1]In « Les églises et monastères du « Kurdistan irakien« à la veille et au lendemain de l’islam », p. 226.Thèse de doctorat de Narmen Ali Muhamad Amen à l’université de Saint Quentin en Yvelines, sous la direction de George Tate et la codirection de Jean-Michel Thierry. Mai 2001.
[2]Id. p.229
[3]In « Les églises et monastères du « Kurdistan irakien« à la veille et au lendemain de l’islam », p. 229.Thèse de doctorat de Narmen Ali Muhamad Amen à l’université de Saint Quentin en Yvelines, sous la direction de George Tate et la codirection de Jean-Michel Thierry. Mai 2001. L’auteure cite HANA ABD AL-AHAD, Lamha an Ankawa mathiha wa hathirha (Ankawa dans le passé et au présent), Arbil, 1996, p91.
[4] La mention de l’an 927 qui figure dans la thèse de doctorat de Narmen Ali Muhamad Amen est une erreur. Après vérification effectuée le 18 décembre 2017, la date effectivement gravée sur la pierre est l’an 925.
[5]In « Les églises et monastères du « Kurdistan irakien« à la veille et au lendemain de l’islam », p. 230.Thèse de doctorat de Narmen Ali Muhamad Amen à l’université de Saint Quentin en Yvelines, sous la direction de George Tate et la codirection de Jean-Michel Thierry. Mai 2001.
[6]À cette époque l’église Mar Guorguis appartenait encore à l’Église de l’Orient. Ce n’est qu’ensuite qu’elle passa à l’Église chaldéenne, c’est à dire catholique, reconnaissant ainsi la primauté du pape de Rome. C’est la raison pour laquelle les reconstructions, restaurations et rénovations ultérieures furent placées sous le double patronage du souverain pontife et du patriarche chaldéen.
La galerie du monument
les monuments
à proximité
Contribuez à la sauvegarde de la mémoire des monuments.
Photos de famille, vidéos, témoignages, partagez vos documents pour enrichir le site.
Je participe