L’église des Saints Serge et Bacchus (Mar Sirkis & Baccus) de Bakhdida (Qaraqosh)
L’église syriaque-orthodoxe des Saints Serge et Bacchus de Bakhdida (Qaraqosh) se situe à 36°16’03.4″N 43°22’31.9″E et 273 mètres d’altitude.
L’église syriaque-orthodoxe des Saints Serge et Bacchus (Mar Sirkis & Mar Baccus) est considérée comme l’une des toutes premières églises, sinon la première église bâtie à Bakhdida (Qaraqosh). Elle n’est cependant attestée que tardivement dans un manuscrit de la fin du XVIe siècle. Cette église mérite notamment d’être signalée pour ses céramiques et faïences décoratives datées du XVe ou XVIe siècle. Malheureusement saccagée et incendiée par daesh, d’importants travaux de nettoiement devront y être entrepris pour lui rendre son éclat.
Plan de l’église des Saints Serge et Bacchus de Bakhdida (Qaraqosh), d’après Suhayll Qasha, modifié, 1982 © « Les églises et monastères du Kurdistan irakien à la veille et au lendemain de l’islam », thèse de doctorat de Narmen Ali Amen. Université de Saint Quentin en Yvelines. Mai 2001, p.189
Localisation
L’église syriaque-orthodoxe des Saints Serge et Bacchus (Mar Sirkis & Mar Baccus) de Bakhdida (Qaraqosh) se situe à 36°16’03.4″N 43°22’31.9″E et 273 mètres d’altitude sur un promontoire.
On y accède par une rue perpendiculaire à la grande rue commerçante, au sud du centre ville.
Au cœur de la plaine des Syriaques, à 30 km au sud-est de Mossoul et 80 km à l’ouest d’Erbil, Bakhdida (Qaraqosh) est la plus grande ville chrétienne de la plaine de Ninive, à 40 km en amont de la confluence du Tigre et du Grand Zab. En somme une « capitale » communautaire et confessionnelle.
Toponymie de Bakhdida (Qaraqosh)
Si le nom de Qaraqosh, littéralement l’Oiseau Noir en langue turque, demeure encore abondamment employé, il ne faudrait surtout pas négliger son nom syriaque originel Baghdédé (Baghdeda) probablement « dérivé de Bet Khudaydad qui est à la fois sémitique (Bet) et perse (Khudaydad) [et qui] signifie « la place, la maison donnée par Dieu »[1] dont l’usage semble redevenir primordial.
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[1] Source Jean-Marie Mérigoux, O.P., in « L’Orient chrétien dans l’empire musulman », Collection Studia Arabica III, Editions de Paris, 2005.
Fragments d’histoire chrétienne de Bakhdida (Qaraqosh)
La tradition fait remonter la pénétration du christianisme dans la plaine de Ninive et la cité de Bakhdida (Qaraqosh) dès la fin du IVe siècle ou au début du Ve. Plus sûrement, les sources plaident pour une évangélisation au VIIe siècle. « Le village fut tout d’abord nestorien[1], puis vers 615, [il] devint monophysite[2]. Aux XIe et XIIe siècles beaucoup de Chrétiens de Tikrit qu’on voulait forcer à devenir musulmans, quittèrent leur ville et vinrent s’installer à Baghdédé. En 1743, les troupes de Nâdhir Shâh qui assiégèrent la région pillèrent Baghdédé et détruisirent les églises. C’est alors que les habitants du village se réfugièrent à Mossoul où ils participèrent à la défense de la ville »[3]. Ancien siège épiscopal syriaque-orthodoxe, c’est vers la fin du XVIIIe siècle que le village devint catholique.
La ville de Bakhdida (Qaraqosh) compte encore de nos jours plusieurs anciennes églises syriaques-catholiques et orthodoxes. Toutes ont été profanées, souillées, saccagées, voire incendiées par l’organisation État islamique, tout au long des 26 mois que dura l’occupation de la ville, d’août 2014 à octobre 2016. Malgré les dommages et destructions endurées, certaines de ces églises résistent encore au temps et aux envahisseurs et continuent de témoigner de ce lointain passé.
Depuis la libération Bakhdida (Qaraqosh) renoue progressivement avec son empreinte spirituelle originelle. Avec le retour des habitants depuis avril 2017, la cité redevient progressivement un pôle primordial pour le renouveau syriaque et chrétien de la plaine de Ninive et de la Mésopotamie.
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[1] Nda : l’Eglise de l’Orient.
[2] Nda : syriaque-orthodoxe
[3] Source Jean-Marie Mérigoux, O.P., in « L’Orient chrétien dans l’empire musulman », Collection Studia Arabica III, Editions de Paris, 2005.
Démographie qaraqoshienne
Il serait bien hasardeux de présenter des statistiques démographiques fiables dans cette ville (et dans ce pays) où tout recensement est impossible du fait des guerres successives et des mouvements de population permanents. Néanmoins, on peut admettre qu’un minimum de 40 000 à 50 000 personnes vivaient à Bakhdida (Qaraqosh) avant l’offensive de l’organisation État Islamique (daesh). Certaines estimations de Qaraqoshiens, sans doute exagérées, portaient ces statistiques à 70 000 personnes.
Il faut ajouter des milliers de déplacés (entre 5000 et 13 000 selon les périodes), chrétiens de Bagdad et de Mossoul, arrivés à Bakhdida (Qaraqosh) à partir de 2003, pour échapper aux crimes et délits des groupes islamico-mafieux nés de l’effondrement des structures de l’État irakien et pour lesquels biens des efforts avaient été consentis en faveur d’une implantation durable.
Quelque soit la réalité des données démographiques, près de 90 % des habitants de Bakhdida (Qaraqosh) étaient syriaques-catholiques, les autres se répartissant entre syriaques-orthodoxes, chaldéens (catholiques), ainsi qu’une toute petite communauté apostolique arménienne.
La ville qui passe pour avoir été exclusivement chrétienne avant 1980, a cependant vu arriver progressivement plusieurs dizaines de familles musulmanes, dans le cadre de la politique d’arabisation de la plaine de Ninive mise en œuvre par Saddam Hussein.
Histoire de l’église des Saints Serge et Bacchus de Bakhdida (Qaraqosh)
La date de la fondation de l’église syriaque-orthodoxe des Saints Serge et Bacchus de Bakhdida (Qaraqosh) n’est pas connue, cependant, elle est considérée comme « la première bâtie à Qaraqōš, selon la légende fabuleuse de Jean de Dailam[1] ». Il s’agirait en tout cas selon Jean-Maurice Fiey d’une des premières églises syriaque-orthodoxe de la ville. Elle est historiquement et tardivement attestée dans un manuscrit liturgique de 1582[2]. L’archéologue et historienne du christianisme irako-kurde Narmen Ali Amen note que « selon une inscription courant sur le chambranle de la porte, elle fut reconstruite en 1744 par l’évêque Īwānīs[3] et subit une restauration partielle en 1843. [4] »
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[1] In « Assyrie chrétienne », , Jean-Maurice Fiey, Beyrouth, 1965, p.458
[2] Id. p.459
[3] Jean-Maurice Fiey indique que l’évêque Īwānīs Kārés était pasteur du couvent de Mar Behnam, enterré en ce lieu, était aussi et surtout chef du village de Qaraqosh.
[4] In « Les églises et monastères du Kurdistan irakien à la veille et au lendemain de l’islam », thèse de doctorat de Narmen Ali Amen. Université de Saint Quentin en Yvelines. Mai 2001, p.187. Source citée : Jean-Maurice Fiey, in « Assyrie chrétienne », Beyrouth, 1965, p.458-460
Description de l’église des Saints Serge et Bacchus de Bakhdida (Qaraqosh)
On y accède côté rue, au nord, par un portail moderne en arc légèrement brisé. En pénétrant dans le domaine religieux on constate que l’église des Saints Serge et Bacchus est de petite taille. Elle est « agrémentée d’une cour orientée à l’est qui semble aussi grande voire plus grande que l’église[1] ». Vue de l’extérieur, cette église ancienne a été restaurée avec des matériaux modernes, parpaings, béton et autres parements de pierres blanches, caractéristiques des rénovations de la fin du XXe siècle.
À l’intérieur, une fois passée les portes des hommes et des femmes sur la façade sud, l’église est de forme basilicale à trois nefs et quatre travées, à l’est de laquelle le chevet, pourvu d’une abside saillante, est surmonté d’une coupole. Il s’agit d’un édifice tout à fait typique des églises dites syriennes-occidentales (syriaques-orthodoxes et catholiques), dont le Saint-des-Saints (le sanctuaire), orienté vers l’Orient, est tripartite. Au centre, contre l’abside, se dresse le maître-autel à degrés. Il communique avec ses deux annexes, le martyrion (bēt sōhdē, en syriaque) au nord, la sacristie (bēt diāqōn) et le baptistère (bēt ma’mudītō) au sud.
La nef et les deux bas-côtés sont séparés du sanctuaire par trois portes sculptées. La porte royale, au centre, est ornée d’un « linteau timbré d’une croix trifoliée sous un triple arc de décharge.[2] »
Des céramiques et faïences décoratives méritent également d’être signalées sur les parois de l’église. De couleur jaune, ornées de croix datées des XVe – XVIe siècles, elles ont été inventoriées et décrites par l’archéologue Narmen Ali Amen comme des « exemples rares que l’on trouve seulement dans deux églises de Qaraqōš [3]». On pouvait encore les voir avant les dévastations de daesh.
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[1]Observations faites par Pauline Bouchayer (Mesopotamia) fin décembre 2017.
[2] In « Les églises et monastères du Kurdistan irakien à la veille et au lendemain de l’islam », thèse de doctorat de Narmen Ali Amen. Université de Saint Quentin en Yvelines. Mai 2001, p.187. Source citée : PREUSSER, 1911.
[3] In « Les églises et monastères du Kurdistan irakien à la veille et au lendemain de l’islam », thèse de doctorat de Narmen Ali Amen. Université de Saint Quentin en Yvelines. Mai 2001, p.188
Actualité de l’église des Saints Serge et Bacchus de Bakhdida (Qaraqosh)
Ravagée par daesh, l’église des Saints Serge et Bacchus « semble comme figée depuis la libération[1] » d’autant plus que « moins de 150 familles syriaques-orthodoxes seraient revenues[2] » et qu’il n’y a pas (encore) de prêtre syriaque-orthodoxe pour cette communauté confessionnelle.
Avant même de pénétrer dans l’église, la cour révèle un spectacle de désolation. Au milieu, un olivier aux branches vertes éparses tient encore debout, tandis que le sol est encore jonché de débris et objets épars en tous genres (janvier 2018). Une épaisse couche de poussière ocre, propre aux tempêtes de la région, recouvre le tout.
Après avoir descendu trois marches en marbre recouvertes de débris calcinés, l’église apparaît comme totalement noircie et très endommagée. Plusieurs incendies y ont probablement été allumés. Le marbre de parement a explosé çà et là sous l’effet de la chaleur. Des armoires de bureau en fer ont été jetées au sol, des sièges de bureau au métal déformé s’entassent avec des morceaux de claviers d’ordinateur fondus.
En avançant vers le chœur, on peut apercevoir un peu de lumière qui provient des ouvertures de la coupole. Il faut monter deux marches pour atteindre le sanctuaire réservé aux servants et célébrants.
Par chance, la porte sainte sculptée de motifs anciens n’a fait l’objet d’aucune destruction. Tous les bas-reliefs sont en revanche recouverts d’une épaisse couche de suie, stigmate des incendies.
Au-delà de cette porte, on peut encore voir le maître-autel à degrés en pierre et le calice posé sur la table.
Dans le bas-côté droit, le pan de mur à droite de l’autel est partiellement détruit à l’endroit où étaient encastrées les plaques en céramique de couleur jaune représentant des croix (voir le chapitre précédent). Elles devaient encore sans doute gésir sous les décombres, au cours de la visite réalisée par MESOPOTAMIA[3] et KTO[4] en Janvier 2018.
Cette église est très ancienne, elle a été construite au 6e siècle.
Au 23 juillet 2019, près de trois ans après la libération de la plaine de Ninive, l’église des Saints Serge et Bacchus n’a toujours pas été nettoyée ni même restaurée.
Le père Theophilos curé Syriaque-orthodoxe de Bakhdida lance un à appel à l’aide pour la restauration de cet important édifice patrimonial.
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[1] Pauline Bouchayer (Mesopotamia).
[2] Id.
[3] Pauline Bouchayer
[4] Astrid Raudot de Chatenay
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