L’église chaldéenne Mar Guorguis de Tell Esqof
L’église Mar Guorguis de Tell Esqof se situe à 36°35’54.8″N., 43°06’17.1″E. et 340 mètres d’altitude. Tell Esqof est un très ancien village chaldéen.
Des siècles durant, malgré les turbulences de l’histoire, Tell Esqof et sa région demeurèrent un pôle chrétien de première importance. L’église principale de Tell Esqof est celle de Mar Guorguis. Ancienne, elle est attestée dans un lectionnaire de 1499. En 1943, Jean-Maurice Fiey la visita. Ce qu’il en vit a été détruit en 1955 ! En lieu et place a été édifié la nouvelle église Mar Guorguis. Cette église est un vaste édifice de type basilical à trois nefs, en béton armé, sans charme ni décoration.
Le vendredi 14 avril 2017, Monseigneur Emmanuel Gobilliard, évêque auxiliaire de Lyon, est venu célébrer la Passion du Christ à Tell Esqof. À la tête d’une délégation du diocèse de Lyon il accomplit le chemin de croix avec le père Salar, curé de Tell Escof et Baqofa, en présence de plusieurs centaines d’habitants.
Église chaldéenne Mar Guorguis de Tell Esqof. Avril 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Localisation
L’église Mar Guorguis de Tell Esqof (Telskuf en arabe/ Tesqopa en syriaque) se situe à 36°35’54.8″N., 43°06’17.1″E. et 340 mètres d’altitude.
Tell Esqof se trouve sur la rive orientale du Tigre à 32 km au nord du centre-ville de Mossoul, à 14 km au nord de Tell Kaif (Tell Kepe), à 7 km au nord de Batnaya et à 2 km au nord-ouest de Baqofa.
Toponymie, économie
Le nom du village de Tell Esqof viendrait du syriaque Tell Zqīpa qui signifie le tell élevé[1].
L’activité agricole est principalement tournée vers l’agriculture et l’élevage. Autrefois, Tell Esqof était connu pour son artisanat de poterie et de tissage.
[1] Source Jean-Maurice Fiey, in « Assyrie Chrétienne », vo.II, p. 381.
Démographie de Tell Esqof
Tell Esqof est une petite ville chaldéenne. Comme nombre de villes et de villages de cette région, les habitants de Tell Esqof passèrent de l’Église apostolique assyrienne de l’Orient (dite aussi Église de Perse ou Église nestorienne) à l’Église chaldéenne (unie à Rome) au XVIIIe siècle.
En 1852, George Percy Badger[1] y dénombra 110 familles. En 1891, le géographe Vital Cuinet y signala 1500 habitants[2]. Au siècle suivant, vers 1965, il y avait entre 3500 et 5705 habitants[3]. Avant l’irruption de daesh, en août 2014, Tell Esqof comptait environ 11 000 habitants.
Les habitants furent contraints de s’exiler au Kurdistan d’Irak lors de l’offensive de daesh sur la plaine de Ninive début août 2014. Ils y sont revenus prudemment et partiellement après la défaite de l’organisation islamico-mafieuse dans la plaine de Ninive en octobre 2016, dans un contexte d’instabilité persistante.
[1] Voir G.P.Badger « The Nestorians and their rituals », London, Joseph Masters, II. P.174
[2] In « La Turquie d’Asie », Vital Cuinet, Ernest Leroux éditeur, Paris, 1891, p.831
[3] Source Jean-Maurice Fiey, in « Assyrie Chrétienne », vo.II, p. 381.
Fragments d’une histoire chrétienne
La tradition fait remonter la pénétration du christianisme dans la plaine de Ninive dès la fin du IVe siècle ou au début du Ve. Plus sûrement, les sources plaident pour une évangélisation au VIIe siècle. C’est d’ailleurs au moine Abraham (Awrāha / Oraha), contemporain du patriarche de l’église de l’Orient Ishoʿyahb II (628-645) que l’on attribue la propagation de la foi dans les villages de la région. Son monastère, abandonné, se situe à 8 kilomètres, à la sortie de Batnaya.
Au long des siècles, les cités chrétiennes de Mésopotamie subirent toutes sortes de destructions. Ainsi en 1235, Bar Hebraeus, maphrien syriaque-orthodoxe, savant et écrivain, raconta le passage et les ravages des Mongols (Tatars). Les Mongols, encore eux, pillèrent à nouveau la ville en 1436. Ils y massacrèrent une partie des habitants, détruisirent les églises et les récoltes. Ils revinrent une dernière fois en 1508, avec leur chef Bar Yak qui sévit également à Tell Kaif, à Alqosh et au monastère de Rabban Hormizd[1].
En 1743 le persan Nâdir Châh attaqua, pilla et ruina également toute la région. On sait aussi que la peste sévit plus d’une fois à Mossoul et dans toute la plaine de Ninive, notamment en 1737/38, 1773, puis 1828.
[1] Voir le manuscrit de 1821 du père Gabriel, traduit en français par Mgr Addaï Scher ( mort martyr le 17 juin 1915) et publié dans le « Journal Asiatique ». Source Joseph Alichoran et sa contribution « Chrétiens d’Irak : ce n’est pas la fin ! », extraite du colloque « Vers un nouveau Moyen-Orient… La fin des chrétiens ? » de l’AED, le 5 décembre 2014
Histoire récente de Tell Esqof : 2014-2017
Les villageois de Tell Esqof furent contraints de se réfugier dans le Kurdistan irakien lorsque daesh pénétra dans la plaine de Ninive début août 2014. Les assaillants islamistes furent chassés de Tell Esqof par les peshmergas kurdes le 17 août. Neuf mois plus tard, le 3 mai 2016 daesh s’emparera à nouveau de Tell Esqof mais fut refoulé le soir même. Depuis la défaite de daesh dans la plaine de Ninive en octobre 2016, les villageois sont revenus progressivement, avec le soutien d’associations de solidarité internationales.
Toutefois, le 24 octobre 2017 les habitants de Tell Esqof quittèrent une fois de plus le village, à cause des accrochages entre les peshmergas kurdes et l’armée gouvernementale en raison des tensions nées du référendum d’indépendance du Kurdistan d’Irak. Tell Esqof est en effet situé dans une zone « grise » que contrôlait de facto le Kurdistan d’Irak et sur laquelle le gouvernement Bagdad a réaffirmé son autorité administrative.
Les églises de Tell Esqof
Des siècles durant, malgré les turbulences de l’histoire, Tell Esqof et sa région demeurèrent un pôle chrétien de première importance : « En 1607, 30 couvents nestoriens et 35 syriaques étaient en activité dans la région. En 1957 dix monastères jouaient encore un rôle socio-culturel important auprès des villageois et des citadins de Mossoul qui allaient y passer le week-end en famille, participer aux offices matinaux, consulter les moines, mais aussi danser et chanter dans les dépendances. Les érudits pouvaient consulter les manuscrits copiés d’une génération à l’autre (…)[1] ».
Les traces de nombreuses églises de la région de Tell Esqof étaient encore visibles au siècle dernier[2]. Citons le monastère d’Apnimaran, aujourd’hui couvert par un cimetière, à l’est Tell Esqof, Mar Sahdonna au nord-ouest, Mart Schmouni au sud, le puits des solitaires, lieu d’un ancien monastère, au nord (…).
Au cœur de Tell Escoff, demeure l’église Mar Yacoub al Mouqataa (Saint-Jacques l’Intercis). Son bas-côté gauche a été remplacé par une nouvelle église collée à l’ancien édifice.
L’église principale est celle de Mar Guorguis. Ancienne, elle est attestée dans un lectionnaire de 1499[3] avec l’église Saint-Jacques l’Intercis. En 1943, Jean-Maurice Fiey la visita. Ce qu’il en vit a été détruit en 1955 ! En lieu et place a été édifié la nouvelle église Mar Guorguis.
[1] In « Qaraqoche ou la disparition des chrétiens de la plaine de Ninive ». Christian Lochon,, directeur honoraire des études au CHEAM, Revue de l’Œuvre d’Orient, 2015, p.138
[2] Source Jean-Maurice Fiey, in « Assyrie Chrétienne », vo.II, p. 383-386
[3] British Museum, cod. Rich 7174, Catalogue V. Rosen-J. Forshall, n°XXX, cité par Jean-Maurice Fiey, in « Assyrie Chrétienne », vol. II. P.383
Description de l’église Mar Guorguis de Tell Esqof
L’église Mar Guorguis de Tell Escof est un vaste édifice de type basilical à trois nefs, en béton armé, sans charme ni décoration. Sa voute, plein cintre dans sa partie centrale et plane sur les bas-côtés, est portée par quatre paires de piliers libres et des piliers engagés. Une grande arche centrale et deux petites arches latérales sépare la nef du sanctuaire. Un rideau de velours rouge, floqué d’une grande croix chaldéenne dorée, ferme l’arche centrale. Un maître-autel à degrés est adossé au mur de l’abside. Au dessus du sanctuaire s’élève un tambour cylindrique percé de quatre puits de lumière. Les murs des cinq travées sont percés de larges fenêtres. Des puits de lumière sont également disposés en hauteur de part et d’autre du berceau de la voute. Une tribune qui occupe toute la largeur de l’édifice surmonte son extrémité ouest.
L’église Mar Guorguis de Tell Esqof a été vandalisée par daesh.
Solidarité avec les chrétiens de Tell Esqof
Le vendredi 14 avril 2017, Monseigneur Emmanuel Gobilliard, évêque auxiliaire de Lyon, est venu célébrer la Passion du Christ à Tell Esqof.
À la tête d’une délégation du diocèse de Lyon il accomplit le chemin de croix avec le père Salar, curé de Tell Escof et Baqofa, en présence de plusieurs centaines d’habitants.
Célébré en français et en arabe et parti du bas du tell, ce chemin de croix aboutit à l’intérieur de l’église Saint Georges.
Monseigneur Emmanuel Gobilliard en a témoigné en ces termes : « Je voyais Jésus présent dans chaque visage, dans chaque souffrance, dans les angoisses, les incertitudes. Dans ce village martyr on a le sentiment que la population est portée par Jésus. C’est Jésus lui-même qui porte la souffrance de ces gens. Je me sens très pauvre et humble face à ce qu’ils vivent. Je veux leur manifester le lien très profond que nous avons avec eux, par le jumelage Lyon Mossoul. Le Saint Chrême consacré par l’archevêque de Lyon et cardinal Philippe Barbarin, lors de la messe chrismale qu’il a célébré à Lyon, a été mélangé au Saint Chrême de Tell Esqof, en signe de communion, d’unité et de diversité. »
De nombreuses associations et organisations de solidarité internationale soutiennent les habitants de Tell Esqof à travers de multiples initiatives humanitaires, économiques, sociales et spirituelles.
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