L’église chaldéenne Al-Tahira de Mossoul
L’église chaldéenne Al-Tahira se situe à 36°21’12.69″N 43°07’24.29″E et 221 mètres d’altitude, au nord du vieux Mossoul autrefois délimité par les remparts ottomans, tout près de la rive occidentale du Tigre, face à l’antique Ninive.
Tout visiteur qui chercherait à Mossoul l’église chaldéenne Al-Tahira, doit savoir qu’il existe dans cette ville 6 églises ayant le même nom… mais appartenant à différentes confessions.
Sa partie inférieure, la plus ancienne, date du XVIIIe siècle, tandis que sa partie supérieure, son élévation, a été transformée jusqu’au tournant des XXe et XXIe siècles.
L’église Al-Tahira des Chaldéens est considérée comme un chef d’œuvre du XVIIIe siècle et comme l’une des plus belles églises de l’Orient. La partie interne de l’église semble avoir été relativement épargnée pendant l’occupation de daesh entre 2014-2017. Les bombardements intensifs ont surtout détruit la partie supérieure de l’édifice.
Plan de l’église chaldéenne Al-Tahira de Mossoul © In « Les chrétiens de Mossoul et leurs églises pendant la période ottomane de 1516 à 1815 », Fr. Jean-Marie Mérigoux, o.p. Mossoul-Ninive, 1983, p.138 A. |
Localisation
L’église chaldéenne Al-Tahira se situe à 36°21’12.69″N 43°07’24.29″E et 221 mètres d’altitude, au nord du vieux Mossoul autrefois délimité par les remparts ottomans, tout près de la rive occidentale du Tigre, face à l’antique Ninive, à 400 kilomètres au nord de Bagdad. On y accède par la rue de Nabi Ğurğis, près de la mosquée de l’Imam Muhsin.
De quelle Tahira parle-t-on ?
Tout visiteur qui chercherait à Mossoul l’église chaldéenne al Tahira, doit savoir qu’il existe dans cette ville 6 églises ayant le même nom… mais appartenant à différentes confessions.
L’église chaldéenne Al-Tahira, objet de cette étude, est également appelée Tahira « du bas », al-tahtaniyya. Les mossouliotes disent aussi al-gaweni. Sa partie inférieure, la plus ancienne, date du XVIIIe siècle, tandis que sa partie supérieure, son élévation, a été transformée jusqu’au tournant des XXe et XXIe siècles.
Tout près se trouve l’église Al-Tahira des Syriaques-Orthodoxes, également appelée Tahira du haut, al-fawqaniyya, parce que le terrain sur lequel elle est érigée domine l’église Al-Tahira des Chaldéens. Cette église Al-Tahira des Syriaques-Orthodoxes est également appelée « extérieure », al-harigiyya, parce qu’il en existe une autre, également syriaque-orthodoxe, dite « intérieure », al-dahiliyya, autrement nommée Tahira de Qala, qui se trouve sur une place entourée de deux églises syriaques-catholiques (ancienne et nouvelle) et arménienne…. et toutes appelées Al-Tahira !
Aux origines de l’église chaldéenne
L’Église chaldéenne est une église catholique née au XVIe siècle d’un schisme au sein de l’Eglise de l’Orient. En 1552, plusieurs évêques établis dans le nord de l’Irak, le sud de la Turquie et le nord de l’Iran[1] contestèrent la succession héréditaire du catholicos de l’Église de l’Orient Simon VIII. Ils élurent à Mossoul un autre patriarche, Yohanès Soulaqa, supérieur du monastère de Rabban Hormizd d’Alqosh, qui prit le nom de Jean VIII et qui se rendit à Rome pour y faire profession de foi catholique. Le 20 avril 1553, le pape Jules III le proclama patriarche de l’Église chaldéenne catholique « dont la naissance est dès lors officielle [2] ».
De retour dans l’Empire ottoman, il installa son patriarcat à Diyarbakır (sud-est de l’actuelle Turquie), à 400 kilomètres au nord-ouest du couvent de Rabban Hormizd. En conflit ouvert avec son rival Simon VIII, Yohanès Soulaqa fut arrêté, emprisonné et assassiné en 1555.
La fondation de l’église chaldéenne fut précédée un siècle plus tôt, en 1445, d’une déclaration d’union avec Rome des membres de l’Église d’Orient à Chypre, que le pape Eugène IV appelait déjà « Chaldéens ».
Jusqu’au XIXe siècle, ce schisme fut d’autant plus conflictuel qu’un grand nombre de fidèles de l’Église de l’Orient choisirent la communion avec Rome.
Le siège de l’église chaldéenne fut transféré de Diyarbakır à Mossoul en 1830 avec l’élection au trône patriarcal du métropolite de Mossoul, Jean VIII Hormez, puis à Bagdad en 1950, sous Mar Joseph VII Ghanima.
Incontestablement majoritaires parmi 1 200 000 chrétiens irakiens estimés avant la première guerre du Golfe en 1991, les Chaldéens étaient 750 000 au dernier recensement en 1987, contre 300 000 Assyriens (Église de l’Orient et Ancienne Église de l’Orient). Toutes communautés confondues, les Irakiens chrétiens représentaient ainsi 8 % de la population du pays. En 2018 combien sont-ils ? Les informations recueillies par les correspondants de l’association MESOPOTAMIA confirment l’effondrement démographique dont parlent les communautés visitées. Il resterait bien moins de 400 000 Chaldéens en Irak répartis entre Bagdad, le Kurdistan, la plaine de Ninive et Bassorah. En fait, les calamités auxquelles les communautés chrétiennes ont dû faire face n’ont jamais cessé en Irak depuis son indépendance en 1933. Le début du XXIe siècle n’offrit aucun répit avec l’invasion américaine en 2003, le terrible embargo décrété par l’ONU et les violences et persécutions islamico-mafieuses qui ont ciblé les communautés chrétiennes depuis la chute du régime de Saddam Hussein.
Aujourd’hui, l’Église Chaldéenne est constituée d’une importante diaspora éparpillée sur les cinq continents: aux États-Unis, en Europe, en Australie, au Canada, en Nouvelle-Zélande, en ex-URSS : notamment en Russie (Moscou, Rostov sur le Don), Ukraine, Géorgie (Tbilissi), Arménie (Erevan).
[1] Au XVIe siècle, l’Empire ottoman et la Perse.
[2] In « Histoire de l’Église de l’Orient », Raymond Le Coz, Cerf, septembre 1995, p. 328
Fragments d’histoire chrétienne de Mossoul[1]
Mossoul « reste une métropole chrétienne[2] », ce qu’atteste l’ensemble de son histoire et de son patrimoine ancien et contemporain, en dépit d’une actualité catastrophique.
Si le premier évêché y est attesté en 554[3], il faut aussi tenir compte de la tradition apostolique paléochrétienne. « C’est ainsi que trois églises se glorifient d’avoir eu chacune pour fondation une maison où un apôtre aurait séjourné. L’église Sham’ûn al-Safa’ [construite pendant la période atabeg XIIe-XIIIe siècles] serait bâtie sur le lieu habité par Saint Pierre lors d’une visite en Babylonie et l’église de Mâr Théodoros se rattacherait au passage de l’apôtre Barthélémy. Quant à l’apôtre Saint Thomas en route vers l’Inde, la maison où il aurait reçu l’hospitalité devint église[4] ». Cette église est précisément l’édifice syriaque-orthodoxe Mar Touma (objet de cette notice).
La première église attestée à Ninive (aujourd’hui Mossoul-Est) date de l’an 570. On en trouve la trace dans la « Chronique de Séert ». Il s’agit de l’église Mar Isha’ya. De fait cela confirme la préexistence d’une communauté chrétienne. Au VIIe siècle l’église Mar Touma de la communauté syriaque-orthodoxe était également connue. Le monastère Mar Gabriel fut dès le VIIe siècle le siège d’une grande école théologique et liturgique de l’Église de l’Orient. C’est sur l’emplacement de ce couvent que fut édifié au XVIIIe siècle l’église Al-Tahira des Chaldéens[5].
Au long des siècles, au fur et à mesure des conciles et des conflits s’est constituée à Mossoul une multiplicité d’églises de toutes confessions, y compris arménienne et latine.
Parmi ces fragments d’histoire, citons notamment la conquête musulmane. Mossoul tomba en 641 et ses chrétiens devinrent des dhimmis, soumis aux droits (limités) et devoirs (contraignants) qu’implique leur appartenance confessionnelle. Ce statut perdura jusqu’au XIXe et fut abolit dans l’Empire ottoman en 1855. Malgré cette abolition, la dhimmitude des Chrétiens (et des Juifs) détermine encore aujourd’hui de facto les rapports confessionnels dans la vie publique et dans les mentalités dans presque tous les pays musulmans. Il est encore appliqué de jure (en Iran).
Aux XIIe et XIIIe siècles, en pleine période turque-seldjoukide, les dynastes Atabegs s’imposèrent dans toute la Mésopotamie irakienne et firent de Mossoul un haut lieu de pouvoir. A cette époque les Syriaques-Orthodoxes persécutés à Tikrit s’implantèrent dans la plaine de Ninive ainsi qu’à Mossoul, où ils développèrent leur communauté et fondèrent l’église Mar Ahûdêmmêh (Hûdéni). « A la fin du XXe siècle, à cause de l’inondation des sous-sol du quartier, l’église Mar Hûdéni, située bien en dessous du niveau du sol fut inondée et dut être abandonnée. Une nouvelle fut construite juste au dessus de l’ancienne. On a fort heureusement transporté et mis en évidence dans la nouvelle église la Porte Royale de style atabeg que le père Fiey qualifie de ‘joyau de la sculpture chrétienne du XIIIe siècle’. »[6]
Succédant aux Atabegs, le Mongol Houlagou Khan prit Mossoul mais épargna la cité de la destruction et des massacres qu’il commit à Bagdad en 1258, grâce « au très habile gouverneur de la ville, Lû’lû’, d’origine arménienne[7] ». Le siècle suivant fut néanmoins tragique. « Les persécutions chrétiennes atteignent leur paroxysme sous Tamerlan, dont les armées ravagent le Moyen-Orient dans les premières années du XIVe siècle et y exterminent les populations chrétiennes. Aucune chrétienté orientale n’ayant dû subir une entreprise d’éradication comparable, celle d’Irak peut à bon droit revendiquer la palme du martyre »[8].
En 1516, Mossoul tomba une première fois aux mains des Turcs ottomans, mais c’est au siècle suivant qu’ils établirent durablement et pour 4 siècles leur domination sur la Mésopotamie irakienne après la conquête de Bagdad en 1638 par le sultan Murad IV.
Mossoul au XVIe siècle fut un grand centre de rayonnement chrétien. C’est là que se déroula le schisme de l’Église de l’Orient, avec l’élection de Yohanès Soulaqa en tant que premier patriarche de l’Église chaldéenne. Supérieur du monastère de Rabban Hormizd d’Alqosh, il prit le nom de Jean VIII et se rendit à Rome pour y faire profession de foi catholique. Le 20 avril 1553, le pape Jules III le proclama patriarche de l’Église chaldéenne catholique « dont la naissance est dès lors officielle [9] ». Après Diyarbakır (sud-est de l’actuelle Turquie) et avant Bagdad (en 1950), c’est à Mossoul, en 1830, que fut établit le siège de l’église chaldéenne, avec l’élection au trône patriarcal du métropolite de Mossoul, Jean VIII Hormez.
En 1743, les chrétiens de Mossoul participèrent activement à la défense de la ville pendant le siège de 42 jours que conduisit le Perse Nâdir Shâh qui avait au préalable pillé et ravagé la plaine de Ninive. Victorieux et reconnaissants le pacha de Mossoul Husayn Djalîlî, « obtint un firman de Constantinople en faveur des églises de Mossoul[10] ». En 1744 furent ainsi construites les deux églises al Tahira de Mossoul, l’une pour les Chaldéens, l’autre pour les Syriaques-Catholiques. D’autre part, les églises endommagées par les bombes furent restaurées.
Le XVIIe siècle marqua l’ouverture des missions latines en Mésopotamie irakienne. Les Frères Capucins ouvrirent leur première maison à Mossoul en 1636. Les Dominicains de la Province de Rome arrivèrent en 1750, suivis de ceux de la Province de France en 1859. Sous leur impulsion est construite la grande église latine Notre-Dame de l’Heure, « de style romano-byzantin, entre 1866 et 1873[11] », à qui l’impératrice Eugénie de Montijot, épouse de Napoléon III, offrit en 1880 la célèbre horloge qui fut installée dans le premier clocher-campanile construit sur le sol irakien. Depuis presque trois siècles, les membres de la Mission dominicaine de Mésopotamie, de Kurdistan et d’Arménie sont des acteurs, des experts et des témoins essentiels de l’histoire chrétienne irakienne et des périls auxquels font face les chrétiens du Proche-Orient.
Un point de rupture eût lieu en 1915-1918 lors du génocide des Arméniens et des Assyro-Chaldéens de l’Empire ottoman. Nombre de rescapés s’installèrent en Mésopotamie irakienne et notamment à Mossoul où préexistaient des communautés chrétiennes. Au cours de période, en janvier 1916 en 2 nuits seulement, 15000 déportés arméniens à Mossoul et dans ses environs furent exterminés, attachés 10 par 10, et jetés dans les eaux du Tigre. Déjà, bien avant ce carnage, dès le 10 juin 1915, le consul allemand à Mossoul, Holstein, télégraphia à son ambassadeur des scènes édifiantes: « 614 arméniens (hommes, femmes, enfants) expulsés de Diarbékyr et acheminés sur Mossoul ont tous été abattus en voyage pendant le voyage en radeau (sur le Tigre). Les kelek sont arrivés vides hier. Depuis quelques jours le fleuve charrie des cadavres et des membres humains (…)[12]»
La chute de Saddam Hussein en 2003 et le développement du fondamentaliste islamico-mafieux eurent un impact considérable sur l’effondrement démographique des communautés chrétiennes d’Irak, tout particulièrement à Mossoul. Le 1er août 2004, les attaques simultanées contre 5 églises de Mossoul et de Bagdad constituèrent le point de départ de l’exode des Chrétiens de Mossoul vers les zones protégées de la plaine de Ninive, vers le Kurdistan d’Irak et vers l’étranger. Les années qui suivirent à Mossoul furent terribles. Les assassinats et kidnappings ciblés des Chrétiens accentuèrent l’exode. Le 6 janvier 2008, jour de l’épiphanie, puis le 9 janvier des actions criminelles visèrent plusieurs édifices chrétiens de Mossoul et de Kirkouk.
C’est dans ce climat terrifiant que fut enlevé Monseigneur Paulos Faraj Rahho, archevêque chaldéen de Mossoul. « Le 13 février 2008, alors qu’il accueillait la délégation de Pax Christi, dans l’église de Karemlesse, tout près de Mossoul, le prélat révélait avoir été menacé par un groupe terroriste quelques jours plus tôt : – ‘Ta vie ou cinq-cent-mille dollars, lui dirent les terroristes’. – ‘Ma vie ne vaut pas ce prix !’ leur a-t-il répondu. Un mois plus tard, le 13 mars, Monseigneur Rahho était retrouvé mort aux portes de la ville[13]. »
Entre juin 2014 et juillet 2017, Mossoul tomba aux mains des combattants islamistes de daesh. Les quelques 10 000 chrétiens qui résidaient encore dans la cité, virent leurs maisons frappées du signe Nazrani (Nazaréen, c’est à dire disciples de Jésus). Ainsi stigmatisés, ils furent sommés de se convertir à l’islam, de payer la djizia (l’impôt des dhimmis), ou de mourir. Ils fuirent la métropole massivement et en toute hâte, mais durent abandonner leur patrimoine chrétien qui fut en grande partie pillé, vandalisé et profané. La bataille de Mossoul et les bombardements de la coalition internationale qui écrasèrent les combattants de daesh sous un déluge de feu, réduisirent en poussière certains des plus grands édifices chrétiens (et musulmans) de Mossoul.
[1] Chapitre fondé en grande partie sur les travaux de Fr. Jean-Marie Mérigoux, o.p. qui vécut 14 ans en Irak, de 1968 à 1983, dans le cadre de la Mission dominicaine de Mésopotamie, de Kurdistan et d’Arménie, dont le centre était à Mossoul. Voir notamment deux des livres de Fr. Jean-Marie Mérigoux : « Va à Ninive ! Un dialogue avec l’Irak », Éditions du Cerf, Octobre 2000 ; et « Entretien sur l’Orient chrétien », Éditions La Thune, Marseille, Juillet 2015.
[2] In « Entretien sur l’Orient chrétien », Jean-Marie Mérigoux. Éditions La Thune, Marseille, 2015, p.88
[3] In « Assyrie Chrétienne », vol.II, Jean-Maurice Fiey. Beyrouth, 1965. P. 115-116. Voir aussi « Mossoul chrétienne » de Jean-Maurice Fiey.
[4] In « Entretien sur l’Orient chrétien », Jean-Marie Mérigoux. Editions La Thune, Marseille, 2015, p. 89
[5] In « Entretien sur l’Orient chrétien », Jean-Marie Mérigoux. Editions La Thune, Marseille, 2015, p. 92-93
[6] In « Entretien sur l’Orient chrétien », Jean-Marie Mérigoux. Editions La Thune, Marseille, 2015, p. 94
[7] In « Entretien sur l’Orient chrétien », Jean-Marie Mérigoux. Editions La Thune, Marseille, 2015, p. 95
[8] In « Vie et mort des chrétiens d’Orient », Jean-Pierre Valogne, Fayard, Mars 1994, p.740
[9] In « Histoire de l’Église de l’Orient », Raymond Le Coz, Cerf, septembre 1995, p. 328
[10] In « Entretien sur l’Orient chrétien », Jean-Marie Mérigoux. Editions La Thune, Marseille, 2015, p. 97
[11] In « Entretien sur l’Orient chrétien », Jean-Marie Mérigoux. Editions La Thune, Marseille, 2015, p. 102
[12] In « L’extermination des déportés arméniens ottomans dans les camps de concentration de Syrie-Mésopotamie ». N° spécial de la Revue d’Histoire Arménienne Contemporaine, Tome II, 1998. Raymond H.Kevorkian. p.15
[13] In « Chrétiens d’Orient : ombres et lumières », de Pascal Maguesyan, Éditions Thaddée, septembre 2013, réédité janvier 2014, p. 260
Histoire de l’église chaldéenne Al-Tahira de Mossoul
L’église Al-Tahira des Chaldéens, dans sa partie inférieure, fut édifiée au XVIIIe siècle, tandis que son élévation a évolué jusqu’au XXe siècle.
L’église a été bâtie sur l’emplacement d’un ancien couvent, Mar Gabriel, « qui connut son apogée aux IXe –Xe siècles » et qui abrita dès le VIIe siècle « une école de théologie célèbre : ‘La Mère des Vertus’ »[1]. Ce couvent disparut au milieu du XIIIe siècle. L’emplacement de la construction de l’église al Tahira au XVIIIe siècle est sans doute explicable par l’existence préalable d’un « lieu de pèlerinage, autour d’une chapelle où église dédiée à Notre Dame Marie, église qui nous est connue par un manuscrit de 1693 et qui donnera son nom à l’église de Tāhirā »[2]. Selon toute vraisemblance, l’église al Tahira dût être construite (renouvelée) en 1744, c’est à dire un an après le siège de Mossoul par les troupes du Perse Nâdir Shâh. Pour prix de leur résistance les chrétiens de Mossoul obtinrent, grâce au pacha de Mossoul Husayn Djalîlî, un firman du sultan ottoman les autorisant à restaurer bâtir plusieurs églises. C’est ainsi que fut édifiée l’église chaldéenne Al-Tahira de Mossoul, ce que révèle une inscription syriaque gravée au dessus de la porte des hommes[3].
L’église chaldéenne Al-Tahira de Mossoul est un lieu important où chrétiens et musulmans viennent remercier la Vierge pour avoir protégée la ville à contre les Perses en 1743. Un poème a été « composé par CAbdal-Ğammal C Hassan Abd al-Bāqī dès le temps de Hussayn Pacha Ğalili et célébrant cette victoire. De nos jours encore on chante, surtout au mois de Mai pendant le mois de Marie, un cantique de 13 couplets célébrant « Le Miracle » : « La Vierge Marie a brisé les Perses, et les soldats de Tāmas Hān ont tremblé devant Elle[4] ».
Monseigneur Georges Garmou, archevêque chaldéen de Mossoul de 1980 à 1999 fit de l’église Al-Tahira de Mossoul sa cathédrale. Il fit bâtir à côté son archevêché. Son successeur, Monseigneur Paulos Faraj Rahho s’y établit jusqu’à son assassinat en mars 2008. L’archevêché fut ensuite transféré en zone kurde à Mar Youssef d’Ankawa.
[1] In « Les chrétiens de Mossoul et leurs églises pendant la période ottomane de 1516 à 1815», Fr. Jean-Marie Mérigoux, o.p. Mossoul-Ninive, 1983, p.131
[2] In « Les chrétiens de Mossoul et leurs églises pendant la période ottomane de 1516 à 1815», Fr. Jean-Marie Mérigoux, o.p. Mossoul-Ninive, 1983, p.131-132
[3] In « Les chrétiens de Mossoul et leurs églises pendant la période ottomane de 1516 à 1815», Fr. Jean-Marie Mérigoux, o.p. Mossoul-Ninive,1983, p.132. L’inscription est ainsi traduite : « Que la prière de la Vierge Marie, Mère du Christ, soit pour nous un rempart, et qu’elle nous garde du Mauvais ; cette église a été « faite neuve (tağaddadat) en l’an « 2055 des Grecs » Cette année calendaire grecque correspond à l’an 1744.
[4] In « Les chrétiens de Mossoul et leurs églises pendant la période ottomane de 1516 à 1815», Fr. Jean-Marie Mérigoux, o.p. Mossoul-Ninive, 1983, p.137
Description de l’église chaldéenne Al-Tahira de Mossoul
Les dégradations et les pillages commis entre 2014 et 2017 pendant l’occupation de Mossoul par les islamistes de daesh, mais aussi et surtout les bombardements intensifs lors de la bataille de Mossoul en juin – juillet 2017 ont sévèrement endommagé les murs, la toiture et le clocher de l’église, c’est à dire sa partie la plus moderne. En revanche, l’église interne, celle de 1744, semble avoir été relativement épargnée.
L’église Al-Tahira des Chaldéens est considérée comme admirable. Elle « donne un rare exemple d’unité de style et d’époque ; c’est tout simplement un chef d’œuvre du XVIIIe siècle[1](…) L’harmonie de cette église vient de sa très grande unité et de son élégance extrême. Il est possible que cette église puisse être classée parmi les plus belles de l’Orient[2] ».
L’église Al-Tahira est organisée autour d’une cour intérieure, à ciel ouvert, véritable espace liturgique, autour de laquelle rayonnent les différentes parties de l’édifice. Au jour de notre visite[3], le 19 avril 2018, cette cour était encore encombrée des gravats consécutifs aux bombardements. Sous la galerie nord de cette cour, on pouvait encore voir distinctement la porte des hommes et la porte des femmes, magnifiquement ornées et enrichies d’inscriptions syriaques, qui semblent ne pas avoir subi de dommages. À l’est de cette cour se trouvent le bēt slōta (oratoire sous arcades pour y prier) et l’iwān (la niche de prière). Le baptistère est également accessible depuis l’extrémité nord-est de cette cour, à côté de la porte des hommes, ou encore depuis l’intérieur de l’église sur le côté est.
On entre dans l’église proprement dite après avoir passé les deux portes de la galerie nord. À l’intérieur, le visiteur[4] d’avant guerre était « immédiatement frappé par l’imposant mur de pierre sculpté qui sépare le sanctuaire de la nef. Mur centré sur la Porte Royale. Cette porte étant surmontée de deux arches en ogive, remplies de décorations géométriques et d’inscriptions syriaques ; sur le côté droit, la porte qui donne sur le baptistère, et sur la gauche, tout d’abord la porte de la sacristie et ensuite celle du Martyrium. Plusieurs niches ou « maison des martyrs » se trouvent également sur ce mur. La Porte Royale comporte rideau et belle porte de bois, fort ancienne, et ouvre sur le sanctuaire où se trouve l’autel surmonté d’un jubé en pierre. Au fond de l’église les restes du Bema, avec de belles pièces de marbre sculptées. Au centre de la nef, quatre piliers portent les voûtes de forme très élégante et revêtues de motifs sculptés, discrets mais très gracieux. »[5]
L’église chaldéenne Al-Tahira est riche de très nombreuses inscriptions qui ont toutes été traduites et interprétées[6]. On peut les découvrir sur la porte des hommes et la porte des femmes, sur la porte royale et le jubé, ainsi que dans l’iwan du bēt slōta (la niche de prière de l’oratoire). Elles constituent des sources d’information historiques essentielles. « En l’an 1744 de l’ère chrétienne, a été rénovée l’église de la Bienheureuse Vierge Marie, avec l’aide de Dieu et grâce aux soins du Père des Pères, bâtisseur des églises, c’est-à-dire Mār’ Īliyā et Mar ĪšōCyāb, l’évêque de la vénérable région de l’Orient[7] ». On peut aussi y lire les noms des bienfaiteurs, des dédicaces, des éloges, des plaidoyers, « en toi, nous vaincrons nos ennemis[8] », des prières d’adoration et d’action de grâce « Sanctifiez, Seigneur, dans votre miséricorde votre église et mettez votre grâce dans le Temple consacré à votre gloire, et faites de lui votre autel très pur, et qu’on y consacre votre corps et votre sang très saints ; ô Prêtres Saints, purifiez vos pensées des souillures du péché[9] ».
[1] In « Les chrétiens de Mossoul et leurs églises pendant la période ottomane de 1516 à 1815», Fr. Jean-Marie Mérigoux, o.p. Mossoul-Ninive,1983, p.132
[2] In « Les chrétiens de Mossoul et leurs églises pendant la période ottomane de 1516 à 1815», Fr. Jean-Marie Mérigoux, o.p. Mossoul-Ninive,1983, p.134
[3] Délégation de l’association Mesopotamia et de la Fondation Saint Irénée.
[4] Jean-Marie Mérigoux
[5] In « Les chrétiens de Mossoul et leurs églises pendant la période ottomane de 1516 à 1815», Fr. Jean-Marie Mérigoux, o.p. Mossoul-Ninive,1983, p.134
[6] Les traductions des inscriptions ont été faites par Fr. Jean-Marie Mérigoux et présentées dans son étude « Les chrétiens de Mossoul et leurs églises pendant la période ottomane de 1516 à 1815», Fr. Jean-Marie Mérigoux, o.p. Mossoul-Ninive,1983, p.135-137.
[7] Sur la porte des femmes.
[8] Sur la porte royale
[9] Sur le jubé
Nouveau reportage de la série Mesopotamia (coproduction KTO). Episode 47. Décembre 2021
Détruite par Daesh, pendant l’occupation entre 2014 et 2017, la cathédrale chaldéenne Al-Tahira de Mossoul porte encore aujourd’hui les stigmates des combats qui ont fait rage dans la ville. Nous la découvrons avec son archevêque, Mgr Najeeb Mikhaeel.
Un reportage réalisé par Maxime Kgozien, pour MESOPOTAMIA et KTO.
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