KOKHÉ : PREMIER SIÈGE DE L’ÉGLISE DE L’ORIENT
À 32 km au sud de Bagdad, la ruine de l’église de Kokhé se situe sur la rive occidentale du Tigre à 33°05’56.9″N 44°33’07.1″E
Kokhé la syriaque a succédé à l’ancienne cité grecque de Séleucie, fondée par Séleucos Ier compagnon d’Alexandre le Grand. Au carrefour des influences hellénistique et perse, l’émergence et le développement à Kokhé d’un christianisme de langue syriaque constituèrent en leur temps un bouleversement culturel majeur.
Siège patriarcal de l’Église de l’Orient, Kokhé où résidèrent les catholicos de l’an 310 jusqu’en 780, fut aussi le point de départ de nombreuses missions d’évangélisation vers la Perse, l’Inde et la Chine, bien des siècles avant les missions catholiques et protestantes en Orient.
Au XXIe siècle le site de Kokhé demeure un haut lieu spirituel où sont encore visibles les ruines d’un édifice ainsi qu’une vingtaine de tombes de catholicos.
Ruines de l’église de Kokhé © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA. Mai 2019
Localisation
À 32 km au sud de Bagdad, la ruine de l’église de Kokhé se situe sur la rive occidentale du Tigre à 33°05’56.9″N 44°33’07.1″E . Aujourd’hui, le site fait partie du district de al Madain situé sur la rive orientale
Aux origines de Kokhé
Kokhé la syriaque a succédé à l’ancienne cité grecque de Séleucie, fondée par Séleucos Ier compagnon d’Alexandre le Grand. Tombée en décadence, Séleucie devint Kokhé (la nouvelle Séleucie) avant de passer sous la contrôle d’Ardashir Ier, fondateur de la dynastie perse-sassanide dans la première moitié du IIIe siècle. Kokhé fut alors nommée Veh-Ardashir.
Au carrefour des influences hellénistique et perse, l’émergence et le développement à Kokhé d’un christianisme de langue syriaque constituèrent en leur temps un bouleversement culturel majeur.
Plus tard, l’arabisation de la région fit évoluer son nom en Behrasir.
Histoire d’une évangélisation
Kokhé se trouve aujourd’hui sur la même rive que Séleucie, tandis que l’antique Ctésiphon se situe sur sa rive orientale. Cette localisation a changé en l’an 116, lors du changement de lit du Tigre. Auparavant Kokhé se situait sur la rive orientale, du côté de Ctésiphon[1].
Un texte ancien[2] raconte que lorsque le disciple Mari vint à Kokhé le faubourg se situait sur la même rive que Ctésiphon. Cela tendrait à prouver que Mari vint avant l’an 116 et que l’évangélisation de cette partie de la Mésopotamie daterait du début du IIe siècle.
À cette source s’ajoute la Tradition qui légitime le fondement apostolique de l’église de l’Orient. Cette Tradition dit que Saint Thomas, apôtre du Christ, vint à Séleucie-Ctésiphon au cours de son voyage vers l’Inde. Saint Thomas l’apôtre est de ce fait l’évangélisateur de la Mésopotamie. Fondateur et premier évêque de l’Église de l’Orient (son nom officiel est aujourd’hui Église Apostolique Assyrienne de l’Orient) Saint Thomas est aussi le premier titulaire du siège de Séleucie-Ctésiphon (Kokhé).
« La tradition attribue à Édesse un rôle central dans la diffusion du message chrétien en Orient, à travers l’histoire de trois figures apostoliques : Addaï, Mari et Thomas[3].» En effet, à la sa suite de Saint Thomas de nombreux disciples originaires d’Edesse, fidèles à la juridiction primitive de l’église d’Antioche, vinrent en Mésopotamie et notamment à Séleucie-Ctésiphon (Kokhé). C’et grâce à ces missionnaires que se constitua en Mésopotamie un christianisme de culture syriaque.
Un récit écrit en syriaque au IVe siècle, connu à la fois à travers l’historien grec Eusèbe de Césarée (260-340) et une version syriaque du Ve siècle, raconte comment le roi Abgar V (13-50), apprenant l’existence en Palestine d’un homme exceptionnel qui prêche et guérit les malades, le convie à sa cour et lui propose de partager son royaume avec lui. Jésus recevant sa lettre décline l’invitation mais lui répond en lui promettant de lui envoyer un disciple quand il sera ressuscité. C’est Addaï, un des soixante-douze disciples, que l’apôtre Thomas dépêche à Édesse après l’Ascension. Il descend chez un juif, Tobit, est reçu à la cour où il convertit le roi et ses nobles. Il baptise, construit des églises et organise la communauté d’Edesse avec son clergé.
À sa suite, Mari, un autre disciple du Christ, part d’Édesse, va à Nisibe et, de là, suit toute la vallée Tigre jusqu’au golfe Arabo-persique. Partout il prêche, convertit, baptise, fonde des communautés et bâtit des églises. Il fonde notamment à Kokhé, près de Séleucie-Ctésiphon, ce qui sera le siège patriarcal et le cœur de l’Église de l’Orient[4]. » Voilà qui situe bien la valeur symbolique et patrimoniale de l’église de Kokhé[5].
Siège patriarcal de l’Église de l’Orient, Kokhé où résidèrent les catholicos de l’an 310 jusqu’en 780, fut aussi le point de départ de nombreuses missions d’évangélisation vers la Perse, l’Inde et la Chine, bien des siècles avant les missions catholiques et protestantes en Orient. En l’an 780, le siège patriarcal de Kokhé fut transféré à Bagdad. L’église de Kokhé demeura néanmoins le lieu où les catholicos étaient consacrés.
Au XXIe, le site de Kokhé demeure un haut lieu spirituel où sont encore visibles les ruines d’un édifice ainsi qu’une vingtaine de tombes de catholicos.
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[1] Source Jean-Maurice Fiey, cité par Raymond le Coz, in « Histoire de l’Eglise de l’Orient », Le Cerf, septembre 1995, p.21
[2] Source Jean-Maurice Fiey, cité par Raymond le Coz, in « Histoire de l’Eglise de l’Orient », Le Cerf, septembre 1995, p.21
[3] Françoise Briquel Chatonnet, in « Chrétiens d’Orient, 2000 ans d’histoire », Gallimard, septembre 2017, p.34, Naissance et développement des églises en monde syriaque.
[4] Françoise Briquel Chatonnet, in « Chrétiens d’Orient, 2000 ans d’histoire », Gallimard, septembre 2017, p.34, Naissance et développement des églises en monde syriaque.
[5] Raymond le Coz, in « Histoire de l’Eglise de l’Orient », Le Cerf, septembre 1995, p.21
Le renouveau possible d’un haut lieu spirituel
Ces dernières années le site était inaccessible. Depuis la défaite militaire de daech, des groupes de pèlerins et visiteurs retournent à Kokhé.
En juin 2018, un groupe de chrétiens de Bagdad, accompagné du père Mansour al-Makhlissi (Centre d’études orientales, Bagdad), visita le site et fut invité par la communauté musulmane locale et notamment par le Sheikh Saad Thabit al-Jubouri. De cette rencontre est née un projet restauration du site, qui, pour les autorités irakiennes présente un intérêt culturel et touristique important.
Pour le père Maissar, de l’église chaldéenne Saint-Georges, proche du site de Kokhé serait un signe de renouveau entre chrétiens et musulmans après « la division générée par les atrocités et la violence de Daech (…). Rénover cette église est probablement un nouveau point de départ pour le rapprochement entre musulmans et chrétiens
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