Le site archéologique de Bazyan et son patrimoine chrétien
Le site archéologique de Bazyan se situe à 35°38’21.26″N 44°58’24.02″E et 948 mètres d’altitude, sur l’axe route routier Kirkouk- Souleimaniye. Il se trouve tout près de la ville de Takiyah, au débouché ouest de la passe dite de Bazyan Derbendi.
Le site de Bazyan est sans doute le seul exemple de site patrimonial chrétien irakien ayant fait l’objet de fouilles archéologiques menées par une mission scientifique franco-irakienne au début du XXIe siècle. L’église du site archéologique de Bazyan a été identifiée par les scientifiques comme étant l’œuvre de chrétiens de langue syriaque vers le VIe siècle. Ce site est tout à fait exceptionnel. Les archéologues ont en effet trouvé dans la nef « une structure souvent mentionnée dans les textes mais rarement retrouvée sur le terrain, un bèma demi-circulaire avec des gradins pour s’asseoir, tourné vers le sanctuaire, et relié à ce dernier par un petit couloir délimité par des barrières basses, le shqaquna[1] ».
[1]Source Vincent Déroche, directeur de recherche au CNRS, UMR 8167 Orient & Méditerranée, Paris.
Plan du site archéologique de Bazyan. Fouilles de 2012 © Mission archéologique franco-irakienne de Bazyan sous la direction de Vincent Déroche (CNRS,UMR 8167) et Pr. Narmen Ali Muhamad Amen (univ. Salaheddine d’Erbil, Kurdistan d’Irak). |
Localisation
Le site archéologique de Bazyan se situe à 35°38’21.26″N 44°58’24.02″E et 948 mètres d’altitude, sur l’axe route routier Kirkouk- Souleimaniye, à 65 km à l’est de Kirkouk et 47 km à l’ouest de Souleimaniye.
Il se trouve tout près de la ville de Takiyah, au débouché ouest de la passe dite de Bazyan Derbendi, à 18 km à l’ouest de la ville de Bazyan[1].
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[1]Bazyan est l’ancienne Babitu assyrienne. Source Vincent Déroche, directeur de recherche au CNRS, UMR 8167 Orient & Méditerranée, Paris. V. Déroche a codirigé la mission archéologique franco-irakienne de Bazyan en 2011 et 2012 avec le Dr. Narmen Ali Muhamad Amen, archéologue de l’université Salaheddine (Erbil, Kurdistan d’Irak).
Intérêt patrimonial
Le site de Bazyan est sans doute le seul exemple de site archéologique patrimonial chrétien irakien ayant fait l’objet de fouilles scientifiques menées par une mission franco-iraquienne.
Les caractéristiques de son architecture ecclésiastique en font un exemple unique en raison de son bèma semi-circulaire (plateforme employée pour la liturgie de la parole) au milieu de la nef et de son shqaquna (couloir menant du bèmaau sanctuaire), qui, de surcroît et de manière tout à fait exceptionnelle, sont en pierre.
Fragments d’histoire chrétienne
La tradition attribue l’origine de l’Église de l’Orient aux apôtres et évangélisateurs Thomas, Addaï (certains voient en Addaï l’apôtre Thaddée autrement nommé Jude) et Mari. C’est notamment auprès des communautés juives locales qu’aurait été prêchée la nouvelle religion.
C’est surtout à partir du IVe siècle et des nombreux martyrs persécutés par le roi de Perse Shapur II que l’Église assyrienne de l’Orient est véritablement entrée dans l’histoire régionale, trois siècles avant la conquête arabe de la Mésopotamie en 637.
Découverte du site du Bazyan
L’église du site archéologique de Bazyan a été identifiée par les scientifiques comme étant l’œuvre de chrétiens de langue syriaque vers le VIesiècle.
L’explorateur et archéologue britannique anglais, Claudius James Rich, repéra le site dans la première moitié du XIXesiècle, mais l’identifia à tort à un caravansérail.
Le site fut ensuite fortuitement retrouvé dans le dernier ¼ du XXesiècle au cours de travaux de génie civil d’adduction d’eau, qui l’exhumèrent et malheureusement l’éventrèrent. À la faveur de cette découverte, une première fouille irakienne fut conduite à la fin des années 80 et fut interrompue par la guerre du Golfe. C’est au cours de cette fouille que fut révélée l’église.
Les fouilles conduites à partir de 2011 sous la direction conjointe de Vincent Déroche (CNRS, UMR 8167 Orient & Méditerranée, Paris) et Narmen Ali Muhamad Amen (université Salaheddine d’Erbil, Kurdistan d’Irak), permirent de préciser le plan, la chronologie et les fonctions des structures.
Description globale du site
Les caractéristiques générales de l’édifice ne permettent pas d’arbitrer entre un monastère ou une simple église, mais la présence de ce bâtiment fortifié ne fut« possible qu’avec l’accord de l’Etat sassanide, qui à l’époque utilise couramment les Églises nestorienne et monophysite comme moyen d’encadrer ses nombreux sujets chrétiens[1] ».
L’édifice visible sur le site archéologique fut bâti en moellons liés au djouss, « une sorte de gypse local durci aussi résistant qu’un mortier[2] ».
Le site de Bazyan se présente comme « un fort quadrilatère de petite taille de 36 m de côté »[3]. Le plan établi par la mission française de Bazyan de 2011 est simple : « 4 tours d’angles, et une tourelle au point médian de chaque rempart[4] ».La fortification modeste rendait le site sensible aux attaques.
La plupart des entrées donnent sur une cour au sud ; le chevet de l’église est plat, entouré d’un déambulatoire, et le prolongement à l’est, qui pourrait ressembler à une abside est semble-t-il un espace autonome. La mission française de Bazyan privilégie l’hypothèse d’une chapelle funéraire en raison des niches qui s’y trouvent.
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[1]Source Vincent Déroche, directeur de recherche au CNRS, UMR 8167 Orient & Méditerranée, Paris
[4]Source Vincent Déroche, CNRS, UMR 8167 Orient & Méditerranée, Paris.
Description de l’église
Le sanctuaire rectangulaire surélevé de plusieurs marches par rapport à la nef est classique dans l’architecture religieuse de l’Église de l’Orient et des églises en monde syriaque.
Pourtant, ce qui rend cette église exceptionnelle se situe dans la nef. Les archéologues y ont en effet trouvé « une structure souvent mentionnée dans les textes mais rarement retrouvée sur le terrain, un bèma demi-circulaire avec des gradins pour s’asseoir, tourné vers le sanctuaire, et relié à ce dernier par un petit couloir délimité par des barrières basses, le shqaquna.
Pendant la liturgie de la Parole, le clergé quittait le sanctuaire par le shqaquna pour prendre place sur le béma, puis revenait au sanctuaire pour la liturgie eucharistique[1]. »
Dans la plupart des églises en monde syriaque, ces structures fondamentales devaient être en bois. C’est pourquoi, elles ont disparues. Or, à Bazyan cette structure est en pierre. Vincent Déroche parle à ce propos d’une « attestation émouvante », mais l’archéologue français relève toutefois que cette structure a été « fortement restaurée par la première fouille », tout en certifiant que « la présence ancienne du dispositif a pu être vérifiée ».
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Autres traces chrétiennes sur le site de Bazyan
Des plaques de pierre ornées de croix avec un décor végétal à la base furent retrouvées par la fouille irakienne entre 1987 et 1990. On peut y voir des croix typiques des chrétiens de l’Église de l’Orient. Toutefois, il n’est pas exclu qu’il puisse s’agir également de croix de type monophysite.
D’autre part, des lampes à huile ont été trouvées dans la pièce de stockage et révèlent un usage au moins jusqu’au XIesiècle.
Il manque cependant des sources capables d’attester la durée de fonctionnement du site de Bazyan.
Hors de l’église
Les autres espaces avaient des usages ordinaires, plus complexes parfois à identifier, notamment « dans la partie sud-ouest très endommagée par des canalisations modernes[1] ». Au centre du fort se trouve un puits (citerne). Au nord-ouest, « une longue pièce accolée au rempart contenait une série de grandes jarres, et servait donc de stockage pour un habitat collectif ou un entrepôt commercial[2] ».
Les logements sont situés au nord-est du fort, juste au nord de l’église, autour d’une cour. Le fort devait probablement disposer d’un étage avec « un escalier accédant au sommet du rempart nord[3] », mais aussi quelques activités artisanales (un bas-fourneau).
Plusieurs épaisseurs de remparts, double et même triple, ont été révélées par les archéologues. En revanche, l’église et les autres bâtiments sont contemporains de la première phase de la muraille.
Les archéologues et chercheurs formulent en conséquence l’hypothèse scientifique que « ce n’est donc pas une église et/ou un monastère qui ont reçu une fortification, mais un habitat normal auquel s’est ajoutée une église et/ou un monastère, avec une fortification (…) et donc la conversion de membres de l’élite sassanide au christianisme qui les amenait à faire don de propriétés privées à l’Église [4] ».
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[1]Source Vincent Déroche, CNRS, UMR 8167 Orient & Méditerranée, Paris.
[4]Source Vincent Déroche, CNRS, UMR 8167 Orient & Méditerranée, Paris.
Actualité du site de Bazyan
L’état du site de Bazyan se dégrade. Des pans de murs se sont effondrés depuis la dernière fouille. Le site normalement clos par une barrière est néanmoins fréquenté par les bergers et leurs troupeaux de moutons, ce que nous avons pu observer le 31 mai 2018[1]. Certes le site est sous la protection d’un gardien. Il y a néanmoins urgence à tenter de limiter les dégâts additionnels.
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[1]Observations faites par Dr. Narmen Ali Muhamad Amen et l’équipe de l’association MESOPOTAMIA.
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