Le mausolée yézidi de Cheikh Suwar à Beban
Le mausolée yézidi de Cheikh Suwar à Beban se situe à 36°42’5.82″N 43° 9’13.56″E et 455 mètres d’altitude dans la province de Ninive, tout près de la grande cité chrétienne d’Alqosh.
Le mausolée de Cheikh (Shah) Suwar se trouve au cœur du village de Beban, dans une cour intérieure avec jardin, galeries et arcades. Les habitants de Beban ne savent pas exactement qui était Cheikh Suwar, mais lui vouent une ferveur traditionnelle. Ce mausolée fut détruit en 1893 puis transformé en mosquée avant de redevenir un lieu de culte yézidi.
Le mausolée de Cheikh Suwar est le seul édifice yézidi qui possède une décoration géométrique sur la surface interne de son dôme et de son tambour. En comparaison avec d’autres édifices de même style, le mausolée de Cheikh Suwar peut être daté du XIVe siècle.
Mausolée yézidi de Cheikh Suwar à Beban © Dr. Birgül Açikyildiz-Şengül, universités d’Oxford et de Montpellier III
Plan du mausolée yézidi de Cheikh Suwar à Beban © Dr. Birgül Açikyildiz-Şengül, universités d’Oxford et de Montpellier III
À propos de cette notice
Le texte de cette notice a été établi par le Dr. Birgül Açıkyıldız-Şengül, historienne de l’art, spécialiste de patrimoine et culture yézidis. Attachée à l’Université de Paul Valéry Montpellier III et l’IFEA Istanbul comme chercheuse associée, le Dr. Birgül Açıkyıldız-Şengül est l’auteure d’une thèse de doctorat : « Patrimoine des Yezidis : Architecture et sculptures funéraires en Irak, en Turquie et en Arménie »présentée en 2006 à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne(département de l’art islamique et de l’archéologie). Cette thèse dresse un inventaire documenté de 88 monuments (sanctuaires, mausolées, baptistaires, oratoires, caravansérails, ponts et grottes) et de 60 sculptures funéraires (en forme de cheval, de bélier, de brebis et de lion) en Irak du nord, en Turquie et en Arménie. Thèse publiée par I.B.Tauris (Londres, New York), 2010. Ce texte est complété par les observations et interviews de l’équipe de Mesopotamia [Pascal Maguesyan, Shahad al Khouri, Sibylle Delaître (KTO)] avec le concours de Mero Khudeada.
Localisation
Le mausolée yézidi de Cheikh Suwar[1] à Beban se situe à 36°42’5.82″N43° 9’13.56″E et 455 mètres d’altitude, dans la province de Ninive.
Le village de Beban se trouve à 8 km au sud-est de la grande cité chrétienne d’Alqosh, à 55 km au nord de la métropole de Mossoul et 30 km au sud-ouest du centre spirituel yézidi de Lalesh.
Beban est un des villages yézidis du district de Sheikhan, un grand centre administratif et spirituel et aussi la plus ancienne patrie de la communauté yézidie.
_______
[1] Localement, ce mausolée est également nommé Shah Suwar. Nous retiendrons cependant pour cette notice l’appellation employée par Dr. BirgülAçıkyıldız-Şengül, historienne de l’art et spécialiste de patrimoine et culture yézidis.
À propos des Yézidis d’Irak
Majoritairement implantés dans la région autonome du Kurdistan d’Irak et dans la plaine de Ninive, leur berceau géographique, les Yézidis sont également présents en Turquie, en Syrie et dans le Caucase, particulièrement en Arménie et en Géorgie. Généralement considérés comme des Kurdes non islamisés, ce qui est sans doute simpliste voire inexact si l’on se fie à leurs origines mythologiques, souvent diabolisés en raison de leur culte, les Yézidis constituent une communauté dont il est bien difficile d’estimer les sources historiques et le nombre.
Minorisés à l’extrême en Irak sous différents régimes, leur existence était presque niée. Avant 2003, Bagdad n’en comptait officiellement que quelques milliers alors qu’ils étaient plus vraisemblablement quelques centaines de milliers !
Les conditions d’une tentative de génocide étaient déjà réunies avant même que les djihadistes de daesh ne les massacrent et ne les enlèvent en août 2014 dans les montagnes du Sinjar de la province de Ninive.
Malgré la reprise de Sinjar en novembre 2015 par les forces irakiennes et par des groupes de résistants coalisés, une partie importante des 500 à 600 000 Yézidis irakiens reste encore déplacée. Les persécutions qu’ils ont subi leur font redouter l’avenir en dépit des garanties constitutionnelles qui leurs ont été accordées en 2005.
Enracinement territorial du yézidisme
Le Yézidisme est né dans un territoire montagneux où ses habitants étaient protégés par ses hauteurs et ses cavernes. Considéré comme sacré par les Yézidis, ce territoire est globalement divisible en deux régions distinctes, à l’est et à l’ouest du Tigre le grand fleuve mésopotamien. À l’ouest Sindjar, sa ville, ses villages et son massif. À l’est le centre spirituel de Lalesh, auquel il convient d’ajouter les importants secteurs de Cheikhan, Bozan, Bashiqa et Bahzani. La très grande majorité de la population yézidie (clergé inclus) est originaire de ces régions, bien qu’il soitaussi possible de trouver des communautés yézidies éparpillées au-delà de ce territoire.
Des siècles durant, les Yézidis ont sauvegardé leurs coutumes et traditions dans ce pays, ce terroir. Cette survivance a été cruellement remise en cause à l’ouest du Tigre dans la région de Sindjar, par l’offensive dévastatrice de daesh en août 2014. Le niveau des destructions et la gravité des crimes génocidaires commis ont fragilisé à l’extrême les communautés yézidies des monts Sindjar qui formaient autrefois la très grande majorité de la population yézidie irakienne.
Territoire, histoire et patrimoine
C’est sur ce territoire, de part et d’autre du Tigre, que les Yézidis ont su préserver et développer les spécificités architecturales de leurs édifices religieux qui constituent les principaux lieux de culte des fidèles yézidis.
Ces édifices sont pour la plupart dédiés aux premiers disciples du réformateur du yézidisme au XIIesiècle, Cheikh ‘Adî, les membres de la famille de Chamsani, et à des familles comme Hasan Maman, Memê Rech et Cerwan, ainsi que les premiers chefs religieux de la communauté, descendants de Cheikh ‘Adî (les membres de la famille Adani) et quelques mystiques soufis importants qui ont influencé l’enseignement de Cheikh’ Adî, à savoir, Abd al-Qadîr al-Jilani, al-Hallaj et Qedib al-Ban (Qadî Bilban).
Il ne faudrait pourtant pas en conclure que le yézidisme est une religion d’origine médiévale. La rareté des sources théologiques et historiques disponibles est en effet compensée par une tradition et une mythologie anciennes, omniprésentes et évolutives. Ainsi, les yézidis voient en Noé l’un de leurs plus anciens et de leurs plus illustres patriarches. Ils soutiennent même qu’il vécut en Mésopotamie irakienne, à Aïn Sifni (Cheikhan), où il construisit son arche. Des historiens yézidis soutiennent que « la religion yézidie est très ancienne. Elle remonte à 3500 ans avant Jésus-Christ[1] ».
Les Yézidis disposent de lieux de culte et de prières assez hétéroclites, tels que des cimetières, des mausolées (mazar) dont certains plus importants que d’autres (khas / mêr), des oratoires de feu (nîshan), la maison d’un Cheikh ou d’un Pîr, un arbre, un buisson, une forêt d’oliviers, un pont, une arche, une grotte, une pierre sacrée (kevir), une source (…). Ces monuments, ces structures et ces sites, dédiés aux « saints » yézidis, constituent une partie importante de l’environnement culturel des zones yézidies et sont des signes matériels tangibles du système général de la spiritualité yézidie.
Il existe cependant un lieu fondamental vers lequel se tournent tous les Yézidis, y compris ceux de la diaspora, c’est la vallée de Lalesh au Kurdistan irakien. C’est l’endroit le plus sacré du yézidisme. C’est là que se trouve le sanctuaire de Cheikh ‘Adî, le grand réformateur du yézidisme au XIIe siècle. Cette vallée, ses mausolées et son environnement sont le centre de gravité de la vie mystique yézidie.
Les édifices yézidis ont été construits à différentes époques. Le manque d’inscriptions et de sources historiques rend difficile leur datation avec précision. La mauvaise qualité de certaines restaurations récentes ajoute à la complexité de l’analyse. D’autre part, il ne semble pas exister de styles architecturaux qui distingueraient différentes périodes de l’histoire yézidie et qui pourraient aider à dater ces édifices. Par ailleurs, le même style, dérivé d’un modèle particulier, a été utilisé à plusieurs reprises au cours des siècles et est toujours en vogue.
______
[1] Chamo Kassem, inspecteur des écoles yézidies, spécialiste de la religion et de l’histoire yézidie, responsable culture et médias au Centre Culturel et Social de Lalesh à Duhok.
Fragments de spiritualité et de théologie yézidies
Le yézidisme est une religion de tradition et de transmission orale, simple et complexe à la fois. Simple parce qu’il n’est pas réglé par une liturgie et des dogmes contraignants. Complexe parce qu’il n’existe pas de grand livre théologique fondamental, comme il existe la Torah, les Évangiles ou le Coran. Les Yézidis possèdent deux livres sacrés : le livre de la révélation « Kitêb-i Cilvê », et le livre noir « Mishefa Reş ».
Le yézidisme est une religion strictement communautaire (nationale). On naît yézidi, on ne le devient pas. Il n’y a donc ni évangélisation, ni inculturation, ni prosélytisme. Ceci étant, le yézidisme n’est pas sectaire. Bien au contraire, l’altruisme est une vertu cardinale, un fondement spirituel et théologique. Tout chercheur qui voudrait ainsi étudier le yézidisme serait accueilli avec bienveillance par cette communauté et son clergé[1].
Le yézidisme est monothéiste. Dieu est unique. Il est le créateur du cosmos et de la vie. Le yézidisme nourrit en cela la même croyance que les 3 religions du Livre : le judaïsme, le christianisme, l’islam. Et même le zoroastrisme[2].
Dieu est lumière. Il est tel le soleil qui rayonne sur la Terre. C’est pourquoi les yézidis prient systématiquement face au soleil. En cela, le yézidisme est comparable au zoroastrisme mésopotamien et persan.
Dieu est bon, infiniment bon. C’est pourquoi les yézidis cultivent l’altruisme et prient systématiquement d’abord pour le monde et ensuite pour eux-mêmes.
Dieu est en tout et partout. Le yézidisme fait corps et esprit avec l’ensemble de la Création :cosmique, humaine, animale, végétale, et minérale. C’est pourquoi les yézidis sacralisent les oliviers dont l’huile est nécessaire pour le feu sacré. De même, l’ange paon (tawus melek) est le plus important des 7 anges (melek) qui représentent Dieu sur terre.
Le yézidisme croit au jugement des âmes et au jugement dernier. Il se distingue toutefois du christianisme par sa croyance en la réincarnation. Les défunts sont mis en terre. Les âmes sont jugées, selon le bien accompli et le mal commis. Les âmes pures peuvent devenir des êtres de lumière. Les âmes impures peuvent se réincarner sous des formes humaines ou animales dépréciées ou belliqueuses.
_______
[1] « Jean-Paul Roux, décédé en juin 2009, ancien chercheur au CNRS et titulaire de la section d’art islamique à l’École du Louvre, considérait le yézidisme comme ‘’une religion à part, syncrétisme évident de traditions populaires et de réminiscences de dogmes des grandes religions’’ ». La croix, Claire Lesegretain, 26 avril 2010.
[2] Né en perse, fondé par Zarathoustra (Zoroastre), au Ier millénaire avant J.C., le zoroastrisme est monothéiste et reconnait en Ahura Mazdâ le Dieu unique. Le zoroastrisme constitue en cela une réforme fondamentale par rapport au mazdéisme dont il s’inspire. Le mazdéisme, polythéiste, considère Ahura Mazdâ, comme le dieu principal mais pas le Dieu unique. Cette religion persane se répandit jusqu’en Inde par l’intermédiaire du védisme.
Pratiques cultuelles yézidies
Les pratiques cultuelles yézidies ne semblent pas réglées par une « liturgie » stricte, mais par un ensemble de rites traditionnels et de pratiques votives transmises oralement de génération en génération
Les Yézidis prient en général individuellement, et se réunissent aussi en communautés devant leurs temples et sanctuaires pour écouter les qawals, tout à la fois musiciens, chantres et gardiens du culte yézidi, dont le savoir et les pratiques se transmettent de père en fils.
La prière quotidienne, toujours tournée vers le soleil, lumière de Dieu (Khoda), n’est pas une obligation et n’est pas non plus un signe pour être un « bon Yézidi ». Cependant, les personnes pieuses et âgées prient régulièrement, jusqu’à 5 fois par jour.
Embrasser les lieux saints et les mains des figures pieuses, offrir des cadeaux aux religieux, sacrifier des animaux, nouer et dénouer des étoffes sur des arbres à vœux, sont des signes de respect et de dévotion.
De tous les jours de la semaine, le mercredi est le plus important. Il est comme le dimanche pour les Chrétiens, le samedi pour les juifs ou le vendredi pour les musulmans. C’est le mercredi que sont organisées les grandes célébrations hebdomadaires au cours desquels les religieux yézidis allument le feu sacré dans les mausolées.
4 grandes fêtes annuelles rythment le calendrier religieux yézidi. La première est celle du Nouvel An (ser sal) le premier mercredi du mois d’avril. Cette fête symbolise la création de la vie à partir du chaos initial et la venue de Tawus melek. À cette occasion, les œufs, symbole de la terre originelle et sans vie, sont bouillis et teintés. Certains de ces œufs sont écrasés au dessus des portes des maisons et des mausolées en y joignant des petites fleurs rouges.
Une autre grande fête annuelle est celle du Printemps (towaf), dont la date est mobile entre le 12 et le 20 avril. Enfin, le pèlerinage sur la tombe de Cheikh Adî, au sanctuaire de Lalesh (djamaiya) a lieu le 6 octobre.
Le mausolée à dôme conique : une architecture yézidie typique
Le mausolée à dôme conique et à rayons est un monument emblématique de l’art sacré yézidi. D’une grande sobriété architecturale et ornementale, ce type d’édifice est fondé sur une structure cubique qui contient la sépulture ou le cénotaphe, couverte par une dalle que porte un tambour au dessus duquel se dresse un dôme conique à multiples arêtes. Cette voûte symbolise les rayons du soleil qui illuminent la terre et l’humanité.
La pointe de ce dôme est systématiquement rehaussée d’une flèche de bronze, formée d’une ou plusieurs boules, surmontée d’un anneau, d’un croissant de lune, d’un astre voire d’une main, où sont nouées des étoffes de couleurs. La flèche représenterait le monde cosmique, les planètes, le soleil et les étoiles créés par Dieu. Les étoffes de couleur figureraient celles de l’arc en ciel[1].
L’intérieur d’un mausolée yézidi est souvent constitué d’une chambre séparée où repose un sarcophage recouvert de soieries. On peut aussi y trouver une ou plusieurs niches percées dans le mur pour y brûler l’encens et allumer le feu sacré. On y trouve également souvent des étoffes nouées par les pèlerins pour formuler leurs vœux.
L’espace sacré de tout mausolée yézidi inclut la dalle qui le précède ou qui l’entoure. C’est pourquoi tout visiteur et tout pèlerin doit y être déchaussé.
_______
[1] Cette interprétation peut varier d’une communauté à l’autre.
Histoire récente et démographie yézidie de Beban
Beban, attaché au district de Sheikhan, est un village exclusivement yézidi.
L’activité économique y est essentiellement agricole avec une prédominance de l’élevage. Les infrastructures sont, aux dires des habitants, très mauvaises. Aux problèmes d’eau et d’électricité, s’ajoutent des problèmes sanitaires. Il n’y a pas de centre de soins à Beban.
Le village de Beban, comme la plupart des autres villages yézidis de la province de Ninive, a été évacué en toute hâte le 9 août 2014, en raison de la progression des combattants islamiques de daesh. Beban n’a heureusement pas été envahi. Le retour des villageois s’est fait de manière progressive sur plusieurs mois, mais beaucoup ne sont pas revenus.
Ainsi, en 2014, avant daesh, il y avait 2000 habitants à Beban. Malgré la défaite militaire de l’organisation islamiste fin 2016, 1000 habitantsétaient revenus à Beban en Juin 2018.
Beban possède deux mausolées sacrés pour les Yézidis : le plus important est le mausolée de Cheikh Suwar. Le deuxième est celui de Melik Cheikh Sîn[1].
_______
[1] Localement, ce mausolée est également nommé Fakhral-Dîn.
Le mausolée yézidi de Cheikh Suwar à Beban :
Le mausolée de Cheikh (Shah) Suwar se trouve au cœur du village de Beban, dans une cour intérieure avec jardin, galeries et arcades.
Les habitants de Beban ne savent pas exactement qui était Cheikh (Shah) Suwar, mais lui vouent une ferveur traditionnelle. Ainsi, en ouvrant la porte du mausolée et en embrassant la pierre de seuil, tout yézidi récite cette prière : « Oh Shah Suwar, priez pour nous, protégez-nous du mal. » D’après le Pr. Philipp G. Kreyenbroek, Cheikh Suwar est le seigneur de la guerre et des cavaliers[1].
Bien que deux épigraphes arabes soient inscrites sur ce monument, elles ne révèlent pasde date de fondation. Les représentants yézidis de Beban savent que ce mausolée fut détruit en 1893 puis transformé en mosquée avant de redevenir un lieu de culte yézidi. Une inscription ancienne gravée sur une pierre en marbre juste au dessus de la porte d’entrée fait était d’une restauration en 1922[2]. Juste au dessus, sur la seconde plaque de marbre, on peut lire que ce mausolée fut restauré en 1985. Cette plaque donne également les noms des contributeurs.
Le mausolée est un petit bâtiment cubique de 3,50 mètres sur 3,50 mètres. Une porte basse et voûtée dans le mur ouest donne accès à l’intérieur. La chambre du tombeau carré est recouverte d’un dôme hémisphérique surélevé. À l’intérieur, les murs nord et est sont percés d’une niche à arcades rondes. Deux cénotaphes sont présents devant le mur sud. À l’extérieur le dôme conique et côtelé est monté sur un tambour à deux niveaux, octogonal et circulaire.
Le mausolée de Cheikh Suwar est le seul édifice yézidi qui possède une décoration géométrique sur la surface interne de son dôme et de son tambour ainsi que sur les deux niches superficielles dans les murs. La décoration est appliquée sur le mortier. L’hémisphère des niches comprend dix nervures fines rayonnant du centre et qui rappellent une coquille. La surface du dôme est décorée par onze branches d’une étoile. L’étoile est formée par le croisement des bras qui rayonnent à partir d’un point central dans différentes directions. Entre les bras, de petits et grands polygones fermés apparaissent avec une fleur à huit pétales au centre. La surface du niveau circulaire du tambour est marquée par une frise de onze arcs de panier montés sur des stores[3], tandis que chaque côté du tambour octogonal est marqué d’une frise de motifs en méandre qui encadrent les trompes dans l’arc rond.
La décoration à la surface du dôme s’inscrit dans la continuité d’une tradition qui commence avec le mausolée du Sultan Sandjar à Merv[4] (1157) au Turkménistan, se poursuit en Anatolie sur le portail de la Mosquée de Huant Hatun à Kayseri (XIIIe siècle) et en Irak le mausolée de l’Imam Yahya Abû’l Qasim de Mossoul, daté du XIVe siècle. Le même décor trouve sa correspondance sur la brique appliquée sur la surface du dôme de la mosquée du Sultan Suleyman à Hisn Keyfe[5] en Turquie, datée de la fin du XIVe et du milieu du XVe siècle. Cependant, la surface du dôme de cette mosquée est décorée de seize branches d’une étoile. La niche en forme de coquille est également visible dans la mosquée Suleymania et dans le mausolée de l’imam ‘Avnal-Din à Moussoul. De plus, les arcades en panier sont très souvent représentées sur les façades des mausolées du XIVe siècle à Ahlat et Gevash autour du lac de Van en Anatolie[6]. Ces preuves comparatives permettent de dater le mausolée de Cheikh Suwar au XIVe siècle.
Signalons également l’existence d’un grand diwan sur le côté nord-ouest du mausolée, sur le mur duquel est peint une grande fresque de Saint Georges terrassant le dragon. Figure emblématique de l’Orient chrétien, Saint Georges est ici prié par les Yézidis.
________
[1] Il faut compléter et vérifier cette référence. En effet Cheikh (Shah) Suwar était semble-t-il au XVe siècle le chef de la dynastie turkmène des Dulkadirides en Anatolie. Or, le mausolée Cheikh (Shah) Suwar est un édifice daté du XIVe siècle par Dr. Birgül Açıkyıldız-Şengül. Il y a donc à ce stade une incohérence historique.
[2] Et non pas 1923 comme l’indique Dr. Birgül Açıkyıldız-Şengül
[3] Où sont ces frises ? Les photographies prises ne permettent pas de les voir.
[4] Merv est aujourd’hui nommée Mary. La cité déjà bien connue dans l’antiquité fut le siège de la satrapie perse de Margiane. Conquise et refondée par Alexandre le Grand, elle prit le nom d’Alexandrie de Margiane. La cité fut aussi un important centre religieux de l’église de l’Orient dès le VIesiècle.
[5]Hisn Keyfa correspond à la ville de Hasankeyf dans la province de Batman au sud-est de la Turquie. La ville fut édifiée en partie sur une falaise au dessus du Tigre, ce qui justifie son syriaque originel : Hesn Keyfo signifie citadelle de pierres. La ville et ses vestiges archéologiques menacent d’être engloutis par la construction et la mise en eau du barrage d’Ilisu en 2019.
[6] Cette région connue sous le nom de plateau arménien est située à l’extrême-est de la Turquie.
La galerie du monument
les monuments
à proximité
Contribuez à la sauvegarde de la mémoire des monuments.
Photos de famille, vidéos, témoignages, partagez vos documents pour enrichir le site.
Je participe