Le couvent de Mar Behnām et Sārah
Le couvent de Mar Behnām et Sārah se trouve relativement isolé, à 35 km au sud-est de Mossoul, dans le village de Khidir, à 36°8’17.92″N 43°24’20.61″E et 232 mètres d’altitude.
La justification de sa fondation est toute entière contenue dans le récit du martyre de Behnām et de sa sœur Sārah, dans la deuxième moitié du IVe siècle (372). La « fosse » où ils vécurent le martyre constitue à cet égard le centre de gravité d’une intense dévotion populaire.
La « pièce-maîtresse » emblématique du couvent est le grand haut-relief finement ciselé représentant Mar Behnām à cheval terrassant le diable.
Plan du convent de Mar Behnām
© « Les églises et monastères du Kurdistan irakien à la veille et au lendemain de l’islam » Thèse de doctorat de Narmen Ali Amen. Université de Saint Quentin en Yvelines. Mai 2001.
Histoire
La justification de sa fondation est toute entière contenue dans le récit du martyre de Behnām et de sa sœur Sārah, dans la deuxième moitié du IVe siècle (372). La « fosse » où ils vécurent le martyre constitue à cet égard le centre de gravité d’une intense dévotion populaire.
De l’histoire, retenons l’analyse qu’en produit le savant Jean-Maurice Fiey, dans son œuvre monumentale « Assyrie Chrétienne » [Institut de lettres orientales, Beyrouth, 1965-1968 (3 vol.)] abondamment cité dans cette notice.
Le dominicain et très grand orientaliste semble acquis à l’éventuelle origine perse-sassanide de Behnām, qu’il situe possiblement aux IVe, Ve, ou VIe siècles. Plus que dubitatif sur l’historicité effective de Mar Behnām, le savant confronte l’impressionnante tradition populaire aux maigres sources documentaires. Il souligne volontiers ses nombreux aspects légendaires, « car, bien sûr, si l’on ne peut être saint quand on n’est ni moine ni martyr, on ne peut être un martyr intéressant si l’on n’est pas roi, ou au moins fils de roi (…) » ce qui est le cas de Mar Behnām, présenté comme le fils de Sennachérib, roi de la capitale assyrienne Nimrūd (Kāleh), en dépit des anachronismes bien connus d’une telle paternité et des incongruités géographiques que des archéologues de la British School of Archaeology ont relevées en 1949.
En réalité, la légende –la tradition (ndlr)- de Mar Behnām repose toute entière sur une seule source originelle et néanmoins critiquée, la Chronique d’un moine d’Edesse du XIIe – XIIIe siècle. Sa substance prodigieuse rapporte que Sārah, la sœur de Behnām, fut guérie de la lèpre par le moine Mar Matta que le prince lui présenta. La scène se déroula au lieu-dit d’une source miraculeuse, qui outre la guérison de la chair d’une princesse malade fut aussi la source d’une guérison spirituelle, c’est à dire le baptême des enfants du roi. Ce dernier, rendu fou de rage par cette conversion, se résolut à liquider ses propres enfants devenus ainsi martyrs de la foi, ainsi que les 40 compagnons qui composaient la suite princière de Behnām.
La conversion du roi Sennachérib n’aurait pas eu lieu sans l’intervention de la reine Širīn, qui, « pour pouvoir pleurer plus à son aise au tombeau de ses enfants [fit] creuser un tunnel, de 7 km de long, entre son palais et le martyrion élevé sur la « fosse » du martyre. Enfin, elle convertit son mari, exorcisé par Mār Matta, afin que tous soient réunis dans la gloire. » En rapportant ainsi la tradition, Jean-Maurice Fiey, note que « tout le monde, tant les Chrétiens qui vivent dans la mouvance du monastère, que les Arabes des environs de Nimrūd, croit dur comme fer à l’existence de ce tunnel, et la trouvaille du moindre trou est saluée comme la découverte de l’entrée du tunnel (…) ».
Ainsi fut instituée et transmise, de siècle en siècle et jusqu’à nos jours, la fabuleuse épopée de la conversion de l’Assyrie au christianisme et l’édification des célèbres monastères qui s’en suivit.
Le martyrion
Plus qu’un couvent, ce qu’il n’a « guère été au cours de son histoire » indique Jean-Maurice Fiey, le sanctuaire de Mar Behnām fut plus justement un martyrion, doublé d’une hôtellerie pour les pèlerins de passage.
Dans la tradition locale, la tombe de Mar Behnām est également visitée par nombre de Musulmans et de Yézidis, et particulièrement les femmes, qui viennent demander l’intercession du saint pour tout ce qui relève de l’abondance et de la fécondité (récolte, bétail, enfants).
Sur la localisation du tombeau « à un jet de pierres du couvent », Jean-Maurice Fiey formule une autre hypothèse, selon laquelle le tell (colline artificielle), au pied nord-est duquel est accolé le martyrion, pourrait abriter une église primitive, et si tel était le cas, alors probablement « la plus vieille église d’Irak ».
Au long des siècles
Au long des siècles, citons la restauration-reconstruction de l’église, de l’autel et des sculptures entre 1164 et 1295, le XIIIe siècle, « le siècle d’or de Mossoul et de Mar Behnām. Ses moines vont et viennent jusqu’en Égypte (…) », les vives controverses sur l’union avec Rome dès le XVIe siècle, et le déménagement des manuscrits au grand monastère syriaque-orthodoxe de Deir ul Zafaran aux portes de Mardin (sud-est de la Turquie).
C’est en 1839 que le couvent de Mar Behnām « passa définitivement aux Catholiques » souligne Jean-Maurice Fiey, sans pourtant connaître une quelconque activité monastique, bien que régulièrement visité par des orientalistes.
Le vingtième siècle s’ouvrit sur une campagne de restauration du site en 1901 et plus encore dans les années 30 sous l’autorité de Mgr Ephrem ‘Abdal, ancien supérieur du couvent, qui publia un grand nombres de brochures [Beyrouth (1954) et Bagdad (1964)] et autres œuvres sur l’histoire de ce site (Histoire du couvent de Mar Behnām, Mossoul, 1951) de ses richesses sculpturales et de ses saints fondateurs (Vie des deux grands princes Behnām et sa sœur Sārah, martyrs, Mossoul, 1949). Plus près de nous, c’est en 1986 qu’eut lieu l’une des dernières grande campagne d’embellissement de l’ensemble du site.
Magnifiée pour la richesse de sa décoration, le couvent de Mar Behnām porte encore de nos jours les traces de la grande rénovation et de l’embellissement de 1164. Sur les murs, les portes, les chambranles et les linteaux sont également inscrits les noms des donateurs et des artistes de l’époque.
Une présentation approfondie de cet ensemble architectural et décoratif mérite d’être présentée et le sera de manière progressive dans cette notice. C’est très précisément ce patrimoine exceptionnel qu’a ciblé Daesh, au cours de l’occupation du site, entre juillet 2014 et novembre 2016. Les profanateurs iconoclastes ont détruit au burin et au marteau-piqueur nombre de bas-reliefs et de haut-reliefs à l’extérieur et à l’intérieur du couvent (croix et figures principalement) constitutifs de cet ensemble décoratif exceptionnel et pluri-centenaire.
Le grand haut-relief
La « pièce-maîtresse » emblématique du couvent est le grand haut-relief finement ciselé représentant Mar Behnām à cheval terrassant le diable. Cette œuvre en stuc incrustée dans le mur a probablement été sculptée au XVe siècle, voire antérieurement plaide Jean-Maurice Fiey. Cette œuvre a été complétement ravagée par Daesh, tout comme le bas-relief de Mart Sārah sur le pilier qui lui fait face.
La destruction du martyrion
Plus grave encore est la destruction à l’explosif en mars 2015 du martyrion de Behnām et Sārah qui pourrait être daté de l’an 1300. Les ruines qui recouvrent le monument funéraire ne permettent pas de dire l’état de ce dernier. Reste également à vérifier l’état de la croix de pierre arménienne (khatchkar, en langue arménienne), qui se trouvait enchassée dans le mur du martyrion à droite de l’autel funéraire. Cette dentelle de pierre révèle les interpénétrations culturelles et spirituelles complexes qui pouvaient unir (et désunir) les églises et confessions de Mésopotamie, d’Asie Mineure et d’Arménie.
Note explicative concernant la reconstruction du mausolée de Mar Behnam
«L’état dans lequel le mausolée de Mar Behnam a été retrouvé fin 2016 au départ des troupes de « l’Etat Islamique » était à la fois terrible et rassurant. Alors que tout semblait détruit et irrécupérable, comme la première vue le laissait penser ainsi que les images de l’explosion qui avaient fuité dès mars 2015, le dégagement des gravats donna à voir que la plupart des éléments patrimoniaux importants pouvaient être sauvés.
On peut diviser le complexe en quatre éléments : le bâtiment d’entrée, qui était complètement rasé jusqu’aux fondations, les tunnels d’accès en partie détruits et trop fragilisés pour pouvoir être sauvés, la citerne ou martyrium, dont la coupole s’était effondrée, ainsi que l’arche ouvrant sur les tunnels ; et enfin une petite pièce voûtée donnant sur le martyrium, en partie écroulée mais dont l’essentiel pouvait être sauvée. Une vingtaine de bidons d’explosifs n’avaient pas même fonctionné, laissant saufs une bonne partie des murs de la citerne.
L’association Fraternité en Irak s’est engagée à sa reconstruction dès la libération. Les premières opérations de dégagement des gravats ont commencé en juin 2017. Un tri méticuleux de ceux-ci a permis de récupérer la plupart des éléments sculptés qu’on pensait irrémédiablement perdus. La bonne surprise fut que ces sculptures, présumées détruites par les démolisseurs dans l’explosion, n’avaient en bonne partie pas été méticuleusement bûchées comme l’ont été celles du monastère lui-même.
Après une démolition des parties dangereuses, en particulier les tunnels, les premières briques ont été posées à la mi-janvier 2018. L’ensemble de la reconstruction suit, avec un parti fondé sur une recherche documentaire et des relevés solides. Les matériaux utilisés sont les mêmes que dans le bâtiment ancien : briques récupérées dans des maisons en ruines de Qaraqosh, et chaux aérienne. La forme du dôme prévue n’est pas la même que celle visible en 2014.
En effet, cette forme était issue d’une superposition de coupoles, dont la dernière, en béton recouverte de pierres de parement, datait des années 1980. Cela provoquait d’un côté un changement de la forme originelle, et de l’autre un dangereux alourdissement de l’ensemble. Le choix s’est donc fait sur un retour à la forme constatée dans les années 1920, avec deux marches en contrebutement et une forme de coupole extérieure à rayon plus faible que l’intérieur. Ce problème a été résolu avec la mise en œuvre d’un système à deux coupoles superposées. Le bâtiment d’entrée, lui, sera rebâti en partant des fondations constatées au nettoyage du site.
Un grand soin est également apporté à la conservation et au replacement des éléments sculptés qui sont refixés dans les différentes niches de la citerne. Ce travail est accompli par une équipe de restaurateurs français.»
Actualité du mausolée de Mar Behnam
Les travaux de reconstruction du mausolée de Mar Behnam sont terminés depuis l’été 2019.
Ils ont été réalisés en deux ans, depuis juillet 2017.
Le 10 décembre 2018, a été célébré, pour la deuxième fois depuis la libération, la fête de Mar Behnam.
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Source : http://fraternite-en-irak.org/fin-travaux-mar-behnam-esperance-plaine-ninive/
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