La cathédrale chaldéenne Mariam Al Adra de Aqra
La cathédrale Mariam al Adra se situe à 36°45’38.2″N 43°53’42.5″E et 799 mètres d’altitude sur un replat au pied de la falaise qui domine la cité de Aqra.
La cathédrale Mariam al Adra a été construite à Aqra le haut, sur un replat de la falaise au flanc de laquelle habitaient les Chrétiens. On ne connaît pas sa date de construction initiale. Elle est attestée dans un manuscrit de 1695.
L’église Mariam al Adra de Aqra fait environ 100 m². Il s’agit d’une église basilicale à trois nefs, formée de quatre paires de piliers libres cylindriques, qui portent un plafond, dont la partie centrale est légèrement plus élevée que dans les bas-côtés. Le maître-autel à degrés, presque adossé au mur oriental, a été presque totalement détruit. L’autel de l’aile sud est également partiellement détruit. Dans l’aile nord, on ne trouve plus trace de l’autel.
Photo : La cathédrale Mariam al Adra de Aqra. Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Localisation
La cathédrale Mariam al Adra se situe à 36°45’38.2″N 43°53’42.5″E et 799 mètres d’altitude sur un replat de la falaise qui domine la cité de Aqra.
Aqra[1] à l’ouest du Grand Zab est adossée au massif montagneux de Chindar qui borde le Kurdistan d’Irak. La ville est également à 96 km à l’est de Dehok-Nouhadra et 80 km au nord d’Erbil.
Aqra est une très vieille cité, construite en terrasses à flanc de falaise et que surplombait son antique citadelle détruite en 1840. On y trouve de nombreux jardins et des chutes d’eau, ainsi que d’anciennes maisons traditionnelles en pierre et en terre.
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[1] Aqra est également orthographié Akra, Aqrah ou Akrê dans certaines sources.
Fragments d’une histoire chrétienne
La tradition attribue l’origine de l’Église de l’Orient aux apôtres et évangélisateurs Thomas, Addaï (certains voient en Addaï l’apôtre Thaddée autrement nommé Jude) et Mari. C’est notamment auprès des communautés juives locales qu’aurait été prêchée la nouvelle religion. La localité de Aqra est connue pour avoir été un important centre communautaire juif jusque dans les années 1940 où subsistent de nombreuses traces patrimoniales[1].
Née de cette tradition apostolique qui s’est répandue en Mésopotamie au cours des trois premiers siècles, c’est surtout à partir du IVe siècle et des nombreux martyrs persécutés par le roi de Perse Shapur II que l’Église assyrienne de l’Orient est véritablement entrée dans l’histoire régionale.
Au long des siècles, ces montagnes autrefois très difficiles d’accès, furent tout à la fois le lieu d’épanouissement et de refuge de l’Église de l’Orient. La région de Aqra, connue sous le nom de province de Margā, connut de très grands couvents de l’Église de l’Orient, comme le monastère Rabban Bar ‘Idtā, mais aussi le grand monastère Mar Ya’qōb de Bet ‘Ābe (Beth’ Abhé)[2], dont l’illustre moine et évêque du IXe siècle Thomas de Marga écrivit l’histoire et dont on sait qu’il fut édifié au plus tard à la fin du VIe siècle. On dispose d’ailleurs grâce au Livre des Supérieurs de Thomas de Margā d’une riche documentation historique sur l’Église de l’Orient entre les VIe et IXe siècles[3]. Au IXe siècle, il y avait plus de vingt monastères relativement peu connus dans la province de Margā. Seuls deux d’entre eux restèrent mentionnés dans les sources postérieures au Xe siècle. Au début du XVIIe siècle, seuls quatre monastères étaient mentionnés dans la région de Aqra avec une soixante de villages chrétiens de l’Église de l’Orient.
Les missions catholiques et notamment dominicaines qui fleurirent en Mésopotamie à partir du XVIIIe siècle arrivèrent à convertir de nombreuses communautés chrétiennes locales au catholicisme, qui passèrent ainsi de l’Église de l’Orient à l’Église chaldéenne principalement au début du XIXe siècle. Jusqu’en 1850, Aqra, Zakho et Amadia ne formaient qu’un seul diocèse chaldéen sous le nom d’Amadia. C’est à cette date qu’ils furent divisés en trois évêchés distincts et que fut donc créé le diocèse de Aqra[4].
Au début du XXe siècle, à la veille de la première guerre mondiale, Aqra était le chef-lieu d’un caza ottoman dans le vilayet de Mossoul. La situation des Chrétiens de ces régions reculées de l’Empire empira au XIXe siècle, essentiellement du fait des razzias commises par les Kurdes et devint catastrophique lors du génocide des Arméniens et des Assyro-Chaldéo-Syriaques de l’Empire ottoman entre 1915-1918.
Le reste du XXe siècle ne fut guère plus heureux pour les Assyro-Chaldéens des montagnes du Kurdistan d’Irak. Entre 1961 et 1991, les différentes guerres qui opposèrent le régime irakien aux peshmergas kurdes eurent un impact très lourd sur les communautés chrétiennes et leur patrimoine dans ces régions souvent bombardées et notamment avec des armes chimiques, dont les populations ont été évacuées à plusieurs reprises et dont les accès ont longtemps été interdits.
Au XXIe siècle, l’offensive islamico-mafieuse de daesh dans la plaine de Ninive en août 2014, poussa des centaines de familles chrétiennes à venir chercher un refuge temporaire à Aqra.
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[1] Source : http://diarna.org
[2] Ce monastère était à côté de Aqra. À la fin du XIXe siècle, le géographe Vital Cuinet n’en vit que quelques ruines. Voir « La Turquie d’Asie. Géographie administrative. Statistique descriptive et raisonnée de chaque province de l’Asie-mineure », Tome deuxième. Ernest Leroux éditeur, Paris, 1891, p.844-845.
[3] In « The ecclesiastical organisation of the church of the east, 1318 – 1913 », David Wilmshurst, Éditions Peeeters (Louvain), 2000, p.155
[4] In « L’Église chaldéenne catholique, autrefois et aujourd’hui ». Extrait de l’Annuaire Pontifical catholique de 1914, Abbé Joseph Tfinkdji, prêtre chaldéen à Mardin, p.70
Démographie chrétienne de Aqra
À la fin du XIXe siècle, en 1890-1891, on comptait dans la cité de Aqra, 4700 habitants, dont 4150 Musulmans, 300 Israélites[1] et 250 Chrétiens (chaldéens et jacobites[2]). Les Chaldéens disposaient d’une petite école de 15 élèves : « Les écoles des montagnes sont tout ce qu’il y a de plus élémentaire en ce genre. La maison d’école est l’église. Les enfants sont assis le long des mur, sur des nattes et le maître est au milieu »[3]. Les Jacobites n’avaient ni école, ni prêtre. Ils se réunissaient et célébraient dans une « sorte de chapelle ou grotte creusée dans le roc[4]. » Il s’agit de l’église troglodytique Mar Guorguis au dessus de la cathédrale Mariam al Adra.
Au-delà de la ville, dans le caza de Aqra, on comptait 81 villages pour 11000 habitants : 10150 Kurdes musulmans, 550 Chrétiens chaldéens et jacobites et 300 Israélites.
En 1913, la situation démographique n’avait guère évolué. On trouvait encore à Aqra une communauté chrétienne de 250 personnes (chaldéenne pour l’essentielle), avec deux prêtres, une église et une école[5]. Cette statistique était la même en 1961[6] avant le début de la guerre entre les Kurdes et le régime de Bagdad. Les Chrétiens de Aqra quittèrent provisoirement la ville en 1963 sous le feu d’assaillants arabes. Ils furent rejoints dans les années 1980 par les familles chrétiennes assyriennes des hauts-plateaux de Nahla, dont les 7 villages furent détruits et brûlés par Saddam Hussein. Au début du XXIe siècle, on rencontre à Aqra une nouvelle communauté chrétienne formée par les déplacés de la plaine de Ninive arrivés en août 2014 en raison de l’offensive de daesh. Sur les 500 à 600 familles déplacées, il n’en restait que 100 en juillet 2017. Ce chiffre a dû continuer à décroître.
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[1] Israélite était le qualificatif employé pour désigner les Juifs
[2] Les Jacobites sont les membres de l’Église Syriaque-Orthodoxe
[3] In « La Turquie d’Asie. Géographie administrative. Statistique descriptive et raisonnée de chaque province de l’Asie-mineure », Tome deuxième, Vital Cuinet. Ernest Leroux éditeur, Paris, 1891, p.843.
[4] Id. p.844
[5] In L’Église chaldéenne catholique, autrefois et aujourd’hui, Abbé Joseph Tfinkdji, 1913, Extrait de l’Annuaire Pontifical Catholique de 1914, p. 51
[6] In « Assyrie chrétienne », Volume I, Jean-Maurice Fiey, Imprimerie catholique, Beyrouth, 1965, p.266
Histoire de la cathédrale Mariam al Adra de Aqra
Propriété de l’Église de l’Orient avant d’être transférée à l’Église chaldéenne, la cathédrale Mariam al Adra a été construite à Aqra le haut, sur un replat de la falaise au flanc de laquelle habitaient les Chrétiens. On ne connaît pas sa date de construction initiale. Elle est attestée dans un manuscrit de 1695. Vers 1890-1891, elle était « presque entièrement ruinée[1] ». Les offices étaient célébrés dans une « maison privée[2] ». L’évêque d’Aqra, Monseigneur Paulos Cheikho (le futur patriarche chaldéen) la fit reconstruire en 1955. Il fit également édifier un nouvel archevêché, une nouvelle école, ainsi qu’un couvent pour les Sœurs de Sainte Catherine.
La cathédrale fut abandonnée en 1963, après le départ des Chrétiens, à cause de la guerre. Elle n’a plus jamais été réhabilitée.
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[1] Id.
[2] Id.
Description de la cathédrale Mariam al Adra de Aqra
Pour visiter la cathédrale Mariam al Adra de Aqra, il faut solliciter le gardien du cimetière musulman[1] qui possède en possède la clé.
L’église Mariam al Adra de Aqra fait environ 100 m². Il s’agit d’une église basilicale à trois nefs, formée de quatre paires de piliers libres cylindriques, qui portent un plafond, dont la partie centrale est légèrement plus élevée que dans les bas-côtés.
Les murs de l’édifice sont épais. Vu de l’extérieur, ils sont formés de pierres de taille. Vu de l’intérieur, ils sont constitués de moellons de pierres recouverts d’un enduit épais.
Dans les façades nord et sud, on discerne deux plaques de marbres sur lesquelles sont gravées des inscriptions syriaques, ainsi qu’une plaque de marbre ornée d’un blason.
La nef est séparée du chœur par une marche sans porte royale, ni chancel apparent. Le sanctuaire est également séparé du chœur par une simple marche.
Le maître-autel à degrés presque adossé au mur oriental a été presque totalement détruit. L’autel de l’aile sud est également partiellement détruit. Dans l’aile nord, on ne trouve plus trace de l’autel.
Dans le mur sud on trouve un blason ainsi qu’une plaque de marbre gravée avec des inscriptions syriaques. Dans le mur nord, on trouve une autre plaque gravée. Sur l’une de ces plaques brisée on peut lire en syriaque strangelo « Soultanat al Wardina al moukadasa » ce qui signifie « Notre Dame du Saint Rosaire ».
Le dallage de la cathédrale a disparu, sans doute volé.
Devant l’église se trouve un parvis en contrebas duquel on trouve les restes d’un mur d’enceinte en moellons de pierres, dont la porte d’entrée au sud-ouest, en pierres de taille et en arc plein cintre, porte également des inscriptions syriaques.
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[1] Le gardien se nommait Mohammed Rejab, au jour de la visite de Mesopotamia, le 16 juillet 2017
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