La cathédrale arménienne apostolique Sourp Krikor Loussavoritch de Bagdad
La cathédrale apostolique arménienne Sourp Krikor Loussavoritch (Saint Grégoire l’Illuminateur) se situe à 33°19’48.39″N 44°24’51.64″E et 39 mètres d’altitude, à Bagdad.
La cathédrale apostolique arménienne Saint Grégoire l’Illuminateur a été construite entre 1954 et 1957, sur un vaste domaine appartenant à l’église arménienne, où se trouve un vaste cimetière arménien depuis 1904 et où se mêlent les tombes anciennes et contemporaines.
C’est un édifice massif et élancé en béton armé, recouvert d’un enduit lisse blanc-cassé. Sa partie basse est recouverte d’un parement de pierres ocre-beige et ornée de croix arméniennes. D’un grand dépouillement ornemental extérieur, cette cathédrale est riche d’un mobilier rayonnant à l’intérieur.
Cet édifice est typique de l’architecture sacrée arménienne. Elle présente un plan cruciforme libre (les bras de la croix sont visibles de l’extérieur), monoconque (une seule abside à l’est) et longitudinal (l’axe est-ouest de la croix est plus long que l’axe nord-sud). Sa coupole octogonale est formée d’un tambour à fenêtres et d’une coiffe pyramidale.
Photo : Cathédrale apostolique arménienne Sourp Krikor Loussavoritch de Bagdad. Vue sud-ouest. Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Localisation
La cathédrale apostolique arménienne Sourp Krikor Loussavoritch (Saint Grégoire l’Illuminateur) se situe à 33°19’48.39″N 44°24’51.64″E et 39 mètres d’altitude, au centre de Bagdad, à moins d’un kilomètre de la rive orientale du Tigre, dans le quartier Al-Jadriya, place Al-Tayeran.
Sources de la présence arménienne en Irak
Les sources de la présence arménienne en Mésopotamie ont accompagné l’histoire des siècles dès l’Antiquité. Au Ier siècle avant J.-C. l’Adiabène (dont Arbelès / Erbil fut la « capitale ») fut partie intégrante du Royaume d’Arménie de Tigrane II le Grand. Au tout début du IVe siècle, l’Adiabène était encore la marche méridionale de l’Arménie, devenue en l’an 301 le tout premier royaume chrétien de l’histoire. « Probablement aussi, il y eut vers 328-329 une entrevue entre les deux seuls souverains chrétiens de l’époque : l’empereur romain Constantin Ier et l’Arménien Tiridate III. Constantin Ier confirma le rôle de Tiridate III pour l’évangélisation de l’Orient. C’est ainsi que des missionnaires arméniens participèrent à l’évangélisation de la Mésopotamie et du royaume sassanide, comme le relate l’historien grec Sozomène, vers 402 : « Ensuite, parmi les peuples voisins, la croyance progressa et s’accrut d’un grand nombre et je pense que les Perses se christianisèrent grâce aux importantes relations qu’ils entretenaient avec les Osroéniens[1] et les Arméniens (…) »[2] ».
Au XVIIe de nouvelles communautés arméniennes s’implantèrent en Mésopotamie irakienne après que le Perse Shah Abbas Ier eût conquis Bagdad en 1623. Dans les toutes premières années du XVIIe siècle, le roi perse déporta la population arménienne de Djougha (ancienne cité arménienne du Nakhitchevan sur la rive nord de l’Araxe). 12000 Arméniens furent ainsi réimplantés dans la Nouvelle Djougha, aux portes d’Ispahan, afin de participer au développement de la nouvelle capitale de l’Empire perse séfévide. À la mort du Shah, les Arméniens de Perse connurent une période de troubles. Nombre d’entre eux se déplacèrent en Mésopotamie et s’installèrent notamment à Bassorah (sud de l’actuelle Irak), tandis que d’autres poursuivirent leu chemin jusqu’en Inde.
La reprise de Bagdad en 1638 par le sultan ottoman Mourad IV avec l’aide de soldats arméniens ottomans ouvrit un nouvel épisode de l’implantation arménienne à Bagdad. Tout au long de la domination ottomane et jusqu’au déclin de l’Empire au début du XXe siècle, les Arméniens développèrent leurs institutions, tant et si bien qu’au début du XIXe siècle ils étaient dit-on près de 90 000 en Irak[3].
Le génocide des Arméniens de l’Empire ottoman en 1915-1917 constitua une ultime et dramatique source migratoire des Arméniens vers la Mésopotamie irakienne. Déportés des provinces orientales de l’Empire, venant du nord (Diyarbakır) le long du Tigre, de l’ouest (Ras-al-Aïn) le long de la ligne de chemin de fer allant d’Alep à Bagdad, mais aussi de Van en passant au préalable par la Perse, les Arméniens parvinrent dans certaines zones de relégation à Zakho, Havresk, Avzrok, mais aussi Mossoul, Bakouba et Kirkouk. À cet égard, il faut évoquer un tragique épisode. En janvier 1916 en 2 nuits seulement, 15000 déportés arméniens à Mossoul et dans ses environs furent exterminés, attachés 10 par 10, et jetés dans les eaux du Tigre. Déjà, bien avant ce carnage, dès le 10 juin 1915, le consul allemand à Mossoul, Holstein, télégraphia à son ambassadeur des scènes édifiantes :
«614 arméniens (hommes, femmes, enfants) expulsés de Diarbékyr et acheminés sur Mossoul ont tous été abattus en voyage pendant le voyage en radeau (sur le Tigre). Les kelek sont arrivés vides hier. Depuis quelques jours le fleuve charrie des cadavres et des membres humains (…)[4]»
Aujourd’hui, les Arméniens d’Irak sont pour la plupart des descendants des rescapés du génocide de 1915. Politiquement effacés, connus pour leur loyauté, ils développèrent leurs infrastructures éducatives, sociales et religieuses.
Très majoritairement membres de l’église apostolique arménienne (autocéphale depuis son origine en l’an 301), les Arméniens d’Irak comptent également nombre de catholiques[5] ainsi qu’une petite communauté évangélique.
Après le renversement de Saddam Hussein en 2003, la situation s’est considérablement dégradée. Les attaques islamico-mafieuses contre les Chrétiens irakiens ont également visé les Arméniens et leurs églises. Le 1er août 2004, la cathédrale arménienne catholique Notre Dame du Rosaire, à Bagdad, dans le quartier de Karada, a été ciblée par un attentat à l’explosif. Une église arménienne en construction à Mossoul a également été visée le 4 décembre 2004. Depuis près de 20 ans, l’émigration des Arméniens d’Irak est rythmée par ces différentes vagues de violence. La bataille de Mossoul au cours de l’été 2017 et l’intensité des bombardements a également affecté le patrimoine arménien. Avant 2003, il y avait vraisemblablement plus de 25 000 Arméniens en Irak, aujourd’hui les responsables communautaires parlent de 10000 à 13000 Arméniens en Irak. La moitié habiterait encore Bagdad. Les autres vivent au Kurdistan d’Irak, à Kirkouk, à Suleymanié ainsi qu’à Bassorah. Il n’y a plus d’Arméniens à Mossoul.
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[1] Les Osroéniens sont les habitants d’Édesse. De son nom antique Osroé, Édesse fut une grande cité-capitale de l’Antiquité, avant de devenir un des plus grands centres de diffusion du christianisme dès l’époque paléochrétienne. La tradition arménienne rapporte que le roi d’Édesse et d’Arménie, Abgar V, voulut accueillir le Christ en son royaume, et lui fit parvenir un message à cet effet. Ce n’est pas le Christ qui vint à Édesse mais un de ses apôtres Thaddée (Jude). Édesse fut ensuite nommée Ourfa et demeura le siège d’une principauté. Aujourd’hui la ville est nommée Şanlıurfa depuis 1984 (en Turquie).
[2] In « Arménie, un atlas historique », p.22 et carte p.23. Édition Sources d’Arménie, 2017.
[3] Source : Ambassade d’Arménie en Irak
[4] In « L’extermination des déportés arméniens ottomans dans les camps de concentration de Syrie-Mésopotamie ». N° spécial de la Revue d’Histoire Arménienne Contemporaine, Tome II, 1998. Raymond H.Kevorkian. p.15
[5] Sur le site web de l’ambassade d’Arménie en Irak, on peut lire : « En 1914, les Arméniens catholiques d’Irak étaient 300. Après la première guerre mondiale et jusqu’en 2003, la communauté est parvenue à 3000 membres. De nos jours, les Arméniens catholiques en Irak comptent 200 à 250 familles. Les Arméniens catholiques ont deux églises. L’une nommé Notre Dame des Fleurs bâtie en 1844, l’autre nommée Sacré Cœur de Jésus bâtie en 1937. En 1997 la principale église catholique arménienne a été restaurée et est considérée comme la plus grande église de Bagdad. L’archevêque Emmanuel Dabaghian est le Primat des Arméniens catholiques d’Irak. »
Histoire de la cathédrale apostolique arménienne Sourp Krikor Loussavoritch
La cathédrale apostolique arménienne Saint Grégoire l’Illuminateur a été construite entre 1954 et 1957, sur un vaste domaine appartenant à l’église arménienne, où se trouve un vaste cimetière arménien depuis 1904 et où se mêlent les tombes anciennes et contemporaines.
La construction de cette cathédrale a été rendue possible grâce à d’importantes donations de deux grands philanthropes arméniens, Simon M. Gharibian et Calouste Gulbenkian.
D’autres bâtiments civils ont été progressivement construits dans cet impressionnant domaine religieux, à côté de la cathédrale et du cimetière, tout au long du XXe siècle. On y trouve une école, un auditorium, deux mémoriaux dédiés aux martyrs du génocide des Arméniens, ainsi qu’un grand musée ouvert en novembre 1997.
Qui était Sourp Krikor Loussavoritch (Saint Grégoire l’Illuminateur) ?
La tradition attribue à deux apôtres du Christ, Thaddée et Barthélémy, l’évangélisation de l’Arménie et la genèse des premières communautés chrétiennes arméniennes, mais c’est à Grégoire de Césarée, dit l’Illuminateur, que l’on doit la création en l’an 301 de l’Église d’Arménie. L’Arménie devint ainsi le premier état (royaume) chrétien du monde.
Le récit fondateur[1] rapporte que le roi d’Arménie Tiridate IV, intronisé par l’empereur romain Dioclétien, grand persécuteur de Chrétiens, serait tombé amoureux d’une vierge chrétienne romaine, Hripsimé, qui s’exila en Arménie avec sa communauté de femmes dirigée par l’abbesse Gayané. D’une prodigieuse beauté, Hripsimé résista à Tiridate. De rage, il la supplicia à mort et la supprima avec sa communauté. Après le martyre des quarante vierges chrétiennes, Tiridate IV fut frappé d’une maladie grave que les médecins et les mages ne parvenaient pas à soigner. C’est alors que la sœur du roi eut la vision que seul Grégoire pouvait vaincre ce mal.
Né vers l’an 257, Grégoire qui était chrétien et membre de la cour rejetait le paganisme de Tiridate. Il avait aussi dissimulé au roi d’Arménie qu’il était le fils de Anag, assassin de Khosrov, le père de Tiridate. Jeté dans une fosse profonde (Khor Virab), Grégoire y aurait survécu miraculeusement durant près de treize ans. Tiré de son cachot, il guérit Tiridate qui accepta le baptême et l’imposa à son royaume.
Saint Grégoire l’Illuminateur, devint ainsi le premier catholicos de l’Église Arménienne. Il reçut aussi en songe la vision de l’emplacement de la cathédrale d’Etchmiadzin, qui signifie littéralement « Fils unique est descendu » et qui est devenu le siège de cette église autocéphale.
Le monastère de Khor Virap où Grégoire fut écroué a été construit au dessus de la fosse profonde. Ce monastère se trouve au pied de l’Ararat, en République d’Arménie, à une heure au sud de la capitale Erevan.
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[1] Le récit du chroniqueur du Ve siècle Agathange, constitue le fondement historique doctrinaire de l’Église Arménienne.
Description de la cathédrale apostolique arménienne Sourp Krikor Loussavoritch (Saint Grégoire l’Illuminateur) de Bagdad.
La cathédrale apostolique arménienne Sourp Krikor Loussavoritch se dresse à l’intérieur d’un domaine religieux clos par un haut mur d’enceinte.
C’est un édifice massif et élancé en béton armé, recouvert d’un enduit lisse blanc-cassé. Seule la partie basse est recouverte d’un parement de pierres ocre-beige et ornée de croix arméniennes. D’un grand dépouillement ornemental extérieur, cette cathédrale est riche d’un mobilier rayonnant à l’intérieur.
Cet édifice est typique de l’architecture sacrée arménienne. Elle présente un plan cruciforme libre (les bras de la croix sont visibles de l’extérieur), monoconque (une seule abside à l’est) et longitudinal (l’axe est-ouest de la croix est plus long que l’axe nord-sud). Sa coupole octogonale est formée d’un tambour à fenêtres et d’une coiffe pyramidale surmontée d’une croix arménienne métallique.
L’entrée de l’édifice, à l’ouest, est précédée d’un grand porche clocher à rotonde à trois niveaux avec dôme à tambour octogonal, surmonté d’une croix arménienne métallique. À l’intérieur, une large tribune réservée aux chœurs regarde le sanctuaire que surmonte une peinture murale du baptême du Christ par Jean-Baptiste. Un chancel sépare la nef du Saint-des-Saints dont la partie basse est ouverte aux fidèles pour la communion eucharistique et la tribune haute, le bèm, est réservée aux prêtres et aux diacres. C’est sur ce bèm que ferme un rideau, que se dresse un haut maître-autel à degrés en forme d’arche, revêtu de marbre, orné d’une icône glorieuse de la Vierge et l’Enfant et surmonté de trois petits dômes à tambour. Derrière le maître-autel se trouve un déambulatoire qui longe le mur de l’abside. De part et d’autre de l’autel se trouvent le baptistère à gauche et la sacristie à droite. Les murs sont ornés de quelques tableaux de maîtres et de reproduction d’œuvres. Six grands lustres délivrent une lumière fastueuse dans la nef.
À l’extérieur, sur l’esplanade, se trouvent deux mémoriaux dédiés aux martyrs du génocide des Arméniens, au centre de chacun desquels se trouve un khatckar (pierre à croix arménienne finement ciselée). Le premier mémorial, érigé en 1990, contient des reliques des martyrs prélevées à Deir Zor (Syrie). Le second qui lui fait face en a été bâti en 2015, à l’occasion du centenaire du génocide.
Signalons aussi dans le bâtiment au sud de l’église, une grande salle, où sont exposées cent tableaux du peintre Antranik Ohanessian. Réalisées en seulement deux ans, ces œuvres d’un réalisme saisissant révèlent le drame et l’horreur de l’extermination des Arméniens des provinces orientales de l’Empire ottoman en 1915-1917.
Mgr Avak Assadourian, primat de l’église arménienne d’Irak
Monseigneur Avak Assadourian[1] est l’archevêque et le primat de l’église apostolique arménienne de l’Irak depuis 1980. Cette longévité et cette stabilité sont remarquables dans ce pays qui a subi tant de turbulences et de catastrophes. Monseigneur Avak Assadourian a traversé toutes les crises contemporaines de l’Irak : les trois guerres du Golfe, le déclin et la chute de Saddam Hussein, l’occupation américaine et l’embargo économique, l’émergence du fondamentalisme islamico-mafieux et les persécutions anti-chrétiennes et l’exil des chrétiens d’Irak.
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[1] En fonction lors de la visite de Mesopotamia en Février-Mars 2018
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