La cathédrale chaldéenne du Sacré Cœur de l’archevêché de Kirkouk
La cathédrale du Sacré Cœur de l’archevêché de Kirkouk se situe à 35°27’39.69″N 44°22’46.47″E et 339 mètres d’altitude.
Les travaux de construction de la cathédrale du Sacré Cœur de l’archevêché de Kirkouk commencèrent le 1er juin 1997 et s’achevèrent le 22 juin 2001. Son édification permit de relocaliser la vie chrétienne locale dans un quartier moderne de la ville.
Le nom de cette cathédrale trouve sa source dans le culte du Sacré Cœur, inspiré par la mystique française du XVIIe siècle Sainte Marguerite Marie Alacoque.
La cathédrale emprunte à différents styles, ce qui lui confère sa propre identité : néo-classique en façade, néo-babylonien pour les créneaux et merlons décoratifs de la toiture, néo-traditionnel pour les tours-clocher.
Le baptistère de la cathédrale du Sacré Cœur ne se trouve pas dans l’enceinte de l’édifice, mais dans une petite chapelle isolée contiguë à l’archevêché. On la nomme la chapelle des martyrs (bēt sahdē, en langue syriaque), dont le culte est ancien et primordial dans les églises mésopotamiennes.
Photo : La cathédrale chaldéenne du Sacré Cœur de Kirkouk. Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Localisation
La cathédrale du Sacré Cœur de l’archevêché de Kirkouk se situe à 35°27’39.69″N 44°22’46.47″E et 339 mètres d’altitude, dans un quartier relativement récent.
Kirkouk, ville et capitale provinciale, se situe à l’est du Petit Zab. La ville est traversée par la rivière khasa, un affluent saisonnier du Tigre, sur son versant oriental. Au nord-est de l’Irak, la région où se situe l’actuelle Kirkouk est connue dans l’histoire ancienne sous le nom de Bét Garmaï, autrefois peuplée de Garaméens, peut-être issus d’une « peuplade persane montée dans cette région avant l’islam[1]», mais aussi peut-être Ninivites et Chaldéens et qui parlaient « certainement araméen[2] ».
_______
[1] In Assyrie Chrétienne, vol.III, p. 15, Jean-Maurice Fiey, Imprimerie catholique, Beyrouth, 1968.
[2] Id. p.16
Démographie et géopolitique
Les Kurdes constituent à Kirkouk la très grande majorité d’une population supérieure à 1,2 millions d’habitants. Le reste de la population est composée de Turcomans (chiites et sunnites), d’Arabes (sunnites) et de Chrétiens (essentiellement chaldéens et très faiblement arméniens). On comptait également autrefois une communauté juive aujourd’hui disparue. Il y avait en 2018, 5000 chrétiens chaldéens à Kirkouk pour 7000 dans l’ensemble du territoire diocésain[1].
En 1838, on ne comptait à Kirkouk que 300 Chaldéens pour 15000 habitants. Fin XIXe, les Chaldéens étaient 800 pour 30000 habitants[2]. Cette présence chrétienne chaldéenne, certes modeste, était en pourcentage cinq fois plus importante qu’elle ne l’était en 2018.
Grand centre pétrolier du nord de l’Irak, les rivalités communautaires se sont intensifiées à Kirkouk au tournant des XXe et XXIe siècles et ont été exacerbées par la guerre du Golfe dans les années 90 et par la chute du régime de Saddam Hussein en 2003. Revendiquée par Massoud Barzani, ancien président de la Région autonome du Kurdistan d’Irak, Kirkouk fut protégée par les peshmergas kurdes lorsqu’en juin 2014 daesh menaça de s’en emparer.
Le référendum d’autodétermination du Kurdistan d’Irak, le 25 septembre 2017, inclut la province de Kirkouk, mais se solda le 16 octobre par une reprise de contrôle militaire et politique de Kirkouk par les forces armées irakiennes et par des unités paramilitaires apparentées.
_______
[1] Source : Mgr Yousif Thomas Mirkis, archevêque de Kirkouk.
[2] Source Michel Chevalier, in « Les Montagnards Chrétiens du Hakkari et du Kurdistan septentrional », Université Paris-Sorbonne, 1985, cité par Mgr Yousif Thomas Mirkis, archevêque de Kirkouk, dans une note personnelle.
Fragments d’histoire chrétienne du Bét Garmaï et de Kirkouk
Le christianisme apparut probablement très tôt dans le Bét Garmaï, dans la foulée de l’évangélisation de la Mésopotamie par l’apôtre Saint Thomas et par ses disciples Addaï et Mari. La tradition rapporte que le premier évêque connu à Kirkouk se nommait Théocrite[1]. Vraisemblablement issu du monde gréco-romain, il put ainsi trouver refuge en Perse et exerça à Kirkouk, son apostolat au tout début du IIe siècle, entre 117 et 138[2].
Dans l’Histoire de Karka[3] « le plus ancien sanctuaire chrétien de la ville serait l’église édifiée sur l’emplacement de la maison de Joseph, le premier converti de Mār Māri[4] ». Ce sanctuaire, dont on a perdu toute trace, n’était pas situé à la citadelle de Kirkouk, mais à 2 kilomètres de là, à Koria, aujourd’hui un quartier de la métropole.
L’histoire chrétienne de Kirkouk est marquée au fer rouge par les persécutions du roi sassanide Yazdegerd II, en l’an 445, qui firent « non seulement 12000 morts, mais [aussi] toute sa hiérarchie[5] ». En guerre contre l’Empire romain d’Orient passé au christianisme, le roi perse considérait les Chrétiens comme des ennemis de l’intérieur et intensifia simultanément l’imposition du zoroastrisme dans son Empire. 6 ans après avoir martyrisé les Chrétiens de Kirkouk, il engagea ses troupes contre les Arméniens qu’il battit dans la plaine d’Avarayr. Dans ce cas comme dans le précédent, Yazdegerd II ne parvint pas à éliminer le christianisme de l’Empire perse, mais développa au contraire le culte des martyrs qui constitue encore de nos jours un ferment essentiel du christianisme mésopotamien.
L’église et le cimetière de Tahmazgerd, à Kirkouk, portent encore de nos jours le témoignage des persécutions commises par Yazdegerd II. Après la mort du roi perse, les Chrétiens de Kirkouk érigèrent en effet vers l’an 470 un grand martyrion et instituèrent une célébration commémorative afin de « perpétuer le souvenir du triomphe des victimes[6] ». Le site de Tahmazgerd, situé sur une colline à l’est de la citadelle, est de fait aujourd’hui le plus ancien site chrétien visible de Kirkouk (voir notice correspondante). Chaque année, le 25 septembre les Chrétiens de Kirkouk font mémoire des martyrs de Tahmazgerd.
Les Chrétiens monophysites (syriaques) du Bét Garmaï eurent ensuite à lutter contre l’intolérance du métropolite nestorien de Nisibe (Nusaybin), Barsaume, à la fin du Ve siècle, vers 484/485. Ceux qui refusèrent de passer au nestorianisme, résistèrent, périrent ou furent contraints de fuir. Au long des siècles et quelles qu’aient été les crises, le nestorianisme demeura primordial dans le Bét Garmaï jusqu’à la constitution de l’église chaldéenne, issue de l’église nestorienne mais unie à Rome en 1553, dont on dit qu’elle rencontra très tôt l’adhésion des Chrétiens de Kirkouk, même s’il fallut attendre le XVIIIe siècle pour voir émerger une véritable église chaldéenne locale.
_______
[1] Nom d’origine grecque, Théocrite / Theocritos / Tocriti signifie « La force de Dieu »
[2] Source : Mgr Yousif Thomas Mirkis, archevêque de Kirkouk.
[3] Karka est l’ancien nom syriaque de l’actuelle Kirkouk
[4] In Assyrie Chrétienne, vol.III, p. 49, Jean-Maurice Fiey, Imprimerie catholique, Beyrouth, 1968
[5] In Assyrie Chrétienne, vol.III, p. 17, Jean-Maurice Fiey, Imprimerie catholique, Beyrouth, 1968.
[6] Id.
Histoire de la cathédrale du Sacré Cœur de Kirkouk
Les travaux de construction de la cathédrale du Sacré Cœur de l’archevêché de Kirkouk commencèrent le 1er juin 1997 et s’achevèrent le 22 juin 2001, sous le pontificat de Jean-Paul II, le patriarcat de Raphaël Ier Bidawid, à l’époque de Monseigneur André Sana, archevêque de Kirkouk. Une inscription arabe à l’intérieur de l’édifice, sur le mur à droite de la porte d’entrée en porte témoignage.
Son édification permit de relocaliser la vie chrétienne locale dans un quartier moderne de la ville.
Le nom de cette cathédrale trouve sa source dans le culte du Sacré Cœur, inspiré par la mystique française du XVIIe siècle Sainte Marguerite Marie Alacoque. Cette vénération s’est propagée en Irak par les missionnaires catholiques et participe du « Mystère de l’Incarnation qui est très important en Orient[1] ».
_______
[1] Source Mgr Yousif Thomas Mirkis, archevêque de Kirkouk, le 15 février 2018
Description de la cathédrale du Sacré Cœur de Kirkouk
La cathédrale du Sacré Cœur de l’archevêché de Kirkouk emprunte à différents styles ce qui lui confère sa propre identité : néo-classique en façade, néo-babylonien pour les créneaux et merlons décoratifs de la toiture, néo-traditionnel pour les tours-clocher et l’architecture sacrée intérieure.
À l’entrée, de part et d’autre d’une porte centrale en bois sobrement décorée, sont disposées des colonnes cannelées d’allure ionique qui supportent un fronton orné de croix cerclées en forme de motif géométrique répétitif. Aux angles de cette façade se dressent les deux tours-clocher de base carrée et surmontées de lanternons.
Édifiée en béton armé, couverte partiellement d’un parement de pierre à l’extérieur et revêtue de pierres marbrées à l’intérieur, la cathédrale du Sacré Cœur de Kirkouk est une église basilicale en forme de halle à triple nef, soutenue par des piliers libres à section carrée. Une tribune surplombe la porte d’entrée. Le sanctuaire, légèrement surélevé, est ouvert par un chancel en pierre. Une arche de pierre domine l’espace sacré. Elle est orné d’un extrait d’évangile en langue arabe[1] et contient quatre médaillons qui représentent les évangélistes. Le maître-autel est en marbre à piètements sculptés d’anges. Derrière, sur le mur de l’abside est installée une grande croix de bois de Saint Thomas. Il s’agit d’une croix glorieuse sans crucifix, typique de la tradition de l’Église de l’Orient.
Les bas-côtés de l’église conduisent à deux autels latéraux, l’un consacré à la Vierge Marie et l’autre à Saint Joseph.
_______
[1] Extrait de l’Évangile de Jésus-Christ selon Saint Matthieu, 11, 28-30 : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger ».
Le baptistère
Le baptistère de la cathédrale du Sacré Cœur ne se trouve pas dans l’enceinte de l’édifice, mais dans une petite chapelle isolée contiguë à l’archevêché. On la nomme la chapelle des martyrs (bēt sahdē, en langue syriaque), dont le culte est ancien et primordial dans les églises mésopotamiennes.
La chapelle est sans intérêt architectural. Il s’agit d’une petite structure rectangulaire mononef, tapissée au sol et revêtue de panneaux décoratifs en matériaux composites.
Le sanctuaire de la chapelle des martyrs est orné de deux icônes byzantines à mosaïques, la première représente le Christ, la seconde la Vierge et l’Enfant. Un troisième tableau, contemporain, réalisé par un prêtre allemand, revisite la symbolique de la Cène. Elle ne montre pas le Christ vivant, mais ses mains avec les stigmates de sa crucifixion après sa résurrection. Le visage du Christ apparaît comme le Suaire dans la coupe de vin. Les personnages autour ne sont pas les apôtres mais les peuples du monde, tandis que la table est garnie d’aliments et de plats traditionnels.
Témoignage de Monseigneur Yousif Thomas Mirkis, archevêque de Kirkouk et Suleymanieh.
Monseigneur Yousif Thomas Mirkis est le 53e évêque de Kirkouk. Le premier, Téocrite, vécut en l’an 130. Né à Mossoul le 21 juin 1949, issu d’une famille originaire de Zakho à l’extrême nord de l’Irak, il a été formé au séminaire œcuménique Saint Jean de Mossoul. Dominicain, il a étudié la théologie, l’histoire, l’anthropologie et la linguistique en France. Ancien directeur de la célèbre revue arabe « La Pensée Chrétienne », il devint en 2014 archevêque de Kirkouk et Suleymanieh, succédant ainsi à Louis Raphaël Sako, devenu patriarche de l’Église chaldéenne. Il a notamment fait traduire en langue arabe les remarquables travaux du père Jean-Maurice Fiey et notamment les trois volumes d’Assyrie Chrétienne, sa grande œuvre historique et patrimoniale.
Voici ses réflexions sur le patrimoine spirituel et monumental en Irak :
Patrimoine spirituel : « Le patrimoine chrétien en Irak ne peut pas être séparé de toute l’histoire sainte. La terre de l’Irak est une terre sacrée. Jésus est l’héritier de la lancée spirituelle des Juifs des deux diasporas : celle du nord en 721 av. J.C., où beaucoup de Juifs vinrent habiter au nord de l’Irak et celle du milieu de l’Irak, avec l’exil à Babylone, en 587 avant J.C. Les communautés juives qui vinrent en Irak, vécurent sans temple, sans roi, mais ils avaient la Loi, la Torah. Leurs prophètes ont donc joué un grand rôle dans la naissance du christianisme. Après le retour des exilés, les écoles juives de Mésopotamie développèrent une réflexion prophétique et biblique décisive. On peut même dire que les 2/3 de l’Ancien Testament ont été écrits en Irak. »
Patrimoine monumental : « L’Irak est riche d’un million de sites archéologiques. 10 000 seulement ont été explorés. Imaginez ce que la prospérité nous permettrait de regarder sous nos pieds ! Dès les VIIIe et VIIe millénaires avant J.C. il y a des traces humaines en Irak, avec de grandes civilisations comme les Sumériens, les Akkadiens, les Assyriens, les Babyloniens, les Araméens, les Chrétiens, les Musulmans (…)
Le fanatisme de daesh est inutilement meurtrier. On ne peut pas cacher le soleil. Le patrimoine de toutes les cultures irakiennes ne peut pas être détruit par une bande de fanatiques en 3 ans.
Les conséquences des destructions du patrimoine monumental chrétien sont très graves, mais cela pourrait aussi se retourner en une prise de conscience de la valeur de ce que nous avons perdu.
Ils ont détruit la mosquée de Jonas (Nabi Younès) à Mossoul qui était avant un monastère et auparavant un château assyrien à Ninive. Ils ont essayé d’effacer l’existence chrétienne, mais je crois que ça va rebondir. L’indifférence serait plus grave que le fanatisme. La génération actuelle et les générations à venir vont devoir guérir de cette indifférence dans laquelle ont vécu plusieurs générations précédentes. »
La galerie du monument
les monuments
à proximité
Contribuez à la sauvegarde de la mémoire des monuments.
Photos de famille, vidéos, témoignages, partagez vos documents pour enrichir le site.
Je participe