L’église Mart Mariam de Bartella
L’église syriaque-orthodoxe Mart Mariam de Bartella se situe à 36°21’9.58″N 43°22’46.73″E et 289 mètres d’altitude.
La mémoire locale rapporte que l’église Mart Mariam (Mariam Azra) fut construite fin XIXe par les habitants de Bartella avec les pierres de deux églises qui avaient été détruites lors des invasions mongoles au XIIIe siècle. L’édification de l’église dura 6 ans. Les habitants y travaillaient de nuit après leur labeur quotidien, les jeunes garçons aidant leurs pères. Les familles qui ont participé à cette construction sont encore de nos jours très fières de cette œuvre.
Localisation
L’église syriaque-orthodoxe Mart Mariam (Mariam Azra) se situe à 36°21’9.58″N 43°22’46.73″E et 289 mètres d’altitude dans le souk de Bartella.
À l’est du Tigre et l’ouest du Khazir, Bartella est à quelques kilomètres au nord de Karamlesse et de Qaraqosh.
Entre Erbil à 60 km au sud-est et Mossoul à 20 km au nord-ouest, Bartella se trouve au cœur de la plaine des Syriaques.
Le nom du village semble venir de Bét Bar Telli ou Bét Tarlaï, le « village connu sous la montagne », connu dès le VIe – VIIe siècle[1].
[1] In Assyrie chrétienne, vol.II, Jean-Maurice Fiey, L’Institut de lettres orientales de Beyrouth, 1965, p. 417
Fragments d’histoire
Occupé sans doute dès l’Antiquité, Bartella compte un tell archéologique de 9 mètres de hauteur, 42 de long et 34 de large[1], que des historiens considèrent comme contemporain de l’époque d’Alexandre le Grand.
Bartella était un grand village mixte de chrétiens syriaques et de musulmans shabaks de 15000 habitants[2] en 2014 avant l’offensive de daesh, là où il y en avait « 4266, tous syriens »[3] en 1965, et 900 en 1891[4] dans une proportion de 2/3 orthodoxes et 1/3 catholiques.
Au début du VIIe siècle les chrétiens de Bartella étaient membres de l’Église de l’Orient. Ils passèrent progressivement à l’Église syriaque-orthodoxe sous l’influence des prédicateurs du grand monastère Mar Matta, à seulement 15 km au nord, nord-est. Depuis lors Bartella n’a jamais cesser de donner nombre de maphriens, patriarches et évêques, tant et si bien que la cité est considérée comme la « capitale » syriaque-orthodoxe dans la plaine de Ninive. Cette situation engendra aussi au long des siècles nombre de querelles de gouvernance intestines.
Comme tous les villages chrétiens de la plaine des Syriaques, Bartella eût son lot de pillages, massacres et fléaux. Les troupes de Nadir Shah ravagèrent la localité en 1743. Au cours des années 1756-1758 une tribu bédouine, Albu Hamad, en fit tout autant. En 1789, un nouveau pillage y fut commis par l’émir yézidi, Tšōlō Bek[5]. En 1791, une terrible famine frappa toute la région entre Erbil et Mossoul et sévit également à Bartella.
Plus près de nous les sœurs dominicaines y avaient encore une école en 2014, avant l’invasion de Daesh.
L’ancien métropolite syriaque-orthodoxe Mar Severius Ishak Zakka naquit à Bartella en 1931. Consacré métropolite en février 1981 il décéda en décembre 2011.
Bartella comprenait au XIIe siècle deux couvents, dont il ne reste presque rien de nos jours. Le premier est le couvent des Quarante Martyrs, où résida notamment le plus célèbre de tous les maphriens Grégoire Abū 1 Farağ Bar Haebraus, maphrien de 1264 à 1286, dont la célèbre Chronologie décrit l’arrivée des Mongols dans la région. Le second est le couvent de Yohannan Ben Nagéré où résidaient encore des moines à la fin du XVIe siècle.
Bartella a compté jusqu’à 6 églises. Les deux premières sont totalement ruinées et disparues. Dans la grande église Mar Ahūdemmeh, aujourd’hui impossible à localiser, se trouva longtemps la cellule maphrianale. Les pierres de l’église Sépna Sédé ont été réemployées pour construire Mar Guōrguis. L’église Mart Mariam (Mariam Azra), objet de cette notice, attestée dès le XVe siècle a été totalement rénovée en 1890. L’ancienne et la nouvelle Mar Guōrguis des Syriaques-Catholiques construite en 1934 qui jouxte l’ancienne Mart Schmouni
[1] In La Turquie d’Asie, Vital Cuinet, Éd. Ernest Leroux, Paris, 1891, p.830-831 & Assyrie chrétienne, vol.II, L’Institut de lettres orientales de Beyrouth, 1965, p. 417
[2] In Qaraqoche ou la disparition des Chrétiens de la plaine de Ninive, Christian Lochon, directeur honoraire des études au CHEAM, Bulletin de l’Œuvre d’Orient, 2015, p. 138
[3] Id. note 1, p. 416
[4] In La Turquie d’Asie, Vital Cuinet, Éd. Ernest Leroux, Paris, 1891, p.830
[5] Id. p.428
À propos de l’Église syriaque-orthodoxe
C’est à Antioche, en l’an 38 que nait l’Église et que les apôtres du Christ reçoivent pour la première fois le nom de chrétiens. Antioche est alors la capitale de la province de Syrie de l’Empire Romain. Les chrétiens de cette province romaine, qui s’étend de la Méditerranée à la Perse vont être appelés « syriaques » ou « syriens ». Antioche devient un lieu central du christianisme dans la Syrie Romaine et au Moyen-Orient, abritant une des trois écoles théologiques de la chrétienté les autres se trouvant à Alexandrie et Constantinople.
Toute cette province romaine était plutôt de langue et de culture grecque. Ses fondements théologiques reposaient essentiellement sur la philosophie d’Aristote, alors qu’Alexandrie avait plutôt développé le courant platonicien.
Au Ve siècle, l’Église recherche ses fondements théologiques et les écoles d’Alexandrie, Constantinople et Antioche fournissent aux responsables de l’Église matière à réflexion.
En 451, eût lieu le concile de Chalcédoine. Le précédent concile, à Éphèse, en 431 condamna le patriarche de Constantinople, Nestorius, qui défendit la doctrine des deux natures (hypostases) du Christ : l’une divine, l’autre humaine. Le nestorianisme distinguait en Jésus deux personnes, d’une part fils de Dieu et d’autre part fils de Marie qui ne pouvait être Mère de Dieu (Théotokos). Jugé hérétique, Nestorius fut banni de l’Église et fut contraint de s’exiler.
À Chalcédoine, une nouvelle controverse christologique fut mise en discussion. Les Églises syriaque, d’Egypte, d’Ethiopie et d’Arménie y furent accusées de soutenir la théorie monophysite : la nature divine du Christ a absorbé sa nature humaine. Le Christ n’a qu’une seule nature et elle est divine. Après études et débats, l’Église proclama l’unité de la personne du Christ et ces 4 Églises considérées comme schismatiques devinrent autocéphales.
Les Syriaques furent ensuite violemment persécutés par l’empereur byzantin qui voyait dans le monophysisme un refus de son autorité. En 533, il ne restait plus que 3 évêques syriaques dans cette Église.
Au VIe sciècle, Yaacoub Al-Bardaï (Jacques Baradée), moine syriaque, réorganisa l’Église syriaque. Après son ordination épiscopale, il entreprit un grand voyage dans toutes les régions syriaques pour ordonner des évêques, des prêtres et des diacres. Il ordonna 2 patriarches, 127 évêques et 100 000 clercs. C’est en son honneur qu’on appellera l’Église Syriaque, l’Eglise « Jacobite ».
Cette Église (orthodoxe) connut un schisme au XVIIIe siècle, en 1783, qui donna naissance à l’Église Syriaque-Catholique rattachée à Rome.
Les fidèles de l’Église syriaque-orthodoxe étaient très implantés dans la moitié est de l’empire Ottoman (l’est de l’actuelle Turquie, la Syrie et l’Irak). En 1915, ils furent massacrés massivement lors du génocide assyro-arménien. Les fidèles originairement installés en Turquie, Liban, Syrie et Irak recréèrent des communautés en Europe, aux États-Unis et en Australie.
Histoire de l’église Mart Mariam de Bartella
Il y a plus de 50 ans Jean-Maurice Fiey, dans son œuvre Assyrie Chrétienne n’écrivit que quelques lignes sur l’église Mart Mariam (Mariam Azra). « L’Église de la Vierge (Mart Mariam) n’a rien d’intéressant non plus de son état actuel. Elle est neuve, avec portes latérales, et fut terminée en 1890, aux temps de l’évêque Qurillos Eliās Qudso de Mār Matta [décédé en 1921]. Cependant l’existence de cette église est attestée par les manuscrits, au moins dès le XVe siècle[1]. »
On sait aussi, de source locale, que l’église a été érigée sur un terrain offert par un chrétien nommé Hanno Tchan.
La mémoire locale rapporte que l’église Mart Mariam (Mariam Azra) fut construite par les habitants de Bartella avec les pierres de deux églises qui avaient été détruites lors des invasions mongoles au XIIIe siècle. Ces deux églises étaient appelées Mar Nagoré et Saida el Sedé. L’édification de l’église dura 6 ans. On rapporte également que les habitants y travaillaient de nuit après leur labeur quotidien, les jeunes garçons aidant leurs pères. Les familles qui ont participé à cette construction sont encore de nos jours très fières de cette œuvre.
La première messe y fût célébrée le 22 février 1890 avec pour premier prêtre, le père Benno. En 1916 servirent à Mart Mariam le père Elias puis ensuite le père Matti Shemoun, tous enterrés à droite de l’autel. Les noms des prêtres de l’église sont inscrits sur deux stèles situées sur le mur droit de l’autel.
[1] In Assyrie Chrétienne, vol.II. Beyrouth, 1965, p. 429
Description de l’église Mart Mariam de Bartella
L’église Mart Mariam est un édifice de type basilical à triple nef, porté par trois paires de colonnes centrales surmontées de chapiteaux sculptés en tulipe en marbre de Mossoul.
Une très belle porte en bois à deux battants ouvre sur le Saint des Saints découvrant un autel à degré en marbre surmonté d’un dais.
L’arc d’ouverture est décoré de feuilles d’acanthes tout comme le dais de l’autel.
Au-dessus de la porte sainte un panneau de marbre est sculpté de motifs floraux et en son centre d’une croix.
La porte qui sépare les fidèles de l’espace réservé aux célébrants est composée de trois niveaux. Le premier est constitué de la porte centrale et des deux arcs latéraux. Le second, de trois niches dont celle du milieu est évidée. Elle était ornée d’une croix détruite par daesh. Le troisième étage comporte trois arcs en ogive décorés de feuilles d’acanthe et posés sur deux colonnes.
L’église comporte deux portes latérales et une porte dans le fond de l’église.
Un baptistère en pierre est situé dans le fond de l’église.
On découvre trois plaques gravées dans l’église. La première sur le mur gauche en regardant l’autel est la pierre tombale de Hanno Tchan, le donateur qui a offert le terrain et permit ainsi de construire l’église.
Les deux autres sont côte à côte sur le mur opposé et indiquent les différents prêtres de la paroisse, leur date d’ordination et leur date de décès.
La croyance populaire rapporte que de temps en temps, les paroissiens voient une lumière particulière et entendent des chants. Des paroissiens affirment avoir vu ce phénomène pour la dernière fois en 2003.
Actualité de l’église
Lors de l’occupation de la ville, les combattants de daesh ont fait exploser le clocher de l’église qui datait semble-t-il des années 80.
Ils ont également mis le feu à une croix extérieur mais n’ont pas trop endommagé l’intérieur de l’église.
La première messe dans l’église Mart Mariam après la libération de la ville a été célébrée le 18 octobre 2017.
Depuis lors la vie paroissiale a repris.
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