L’église Mart Schmouni de Bartella

L’église syriaque-orthodoxe Mart Schmouni de Bartella se situe à 36°21’6.72″N 43°22’56.81″E et 337 mètres d’altitude.

Elle a été profanée et partiellement incendiée par les islamistes entre 2014 et 2016.

Communément nommée Mart Schmouni, en mémoire de la sainte femme, l’église est aussi connue sous le nom de Bney Schmouni, en hommage à ses Saints-Enfants. Le récit du martyre de cette famille juive, figure au chapitre 7 du deuxième livre des Maccabées. Ce récit révèle les persécutions dont furent victimes les Juifs sous le règne du roi séleucide Antiochus IV Épiphane, parce qu’ils respectaient les Lois de Dieu et croyaient déjà en la résurrection et la vie éternelle…deux siècles avant l’avènement du christianisme.

Localisation

L’église syriaque-orthodoxe Mart Schmouni se situe à 36°21’6.72″N 43°22’56.81″E et 337 mètres d’altitude dans la ville de Bartella.

À l’est du Tigre et l’ouest du Khazir, Bartella est à quelques kilomètres au nord de Karamlesse et de Qaraqosh.

Entre Erbil à 60 km au sud-est et Mossoul à 20 km au nord-ouest, Bartella se trouve au cœur de la plaine des Syriaques.

Le nom du village semble venir de Bét Bar Telli ou Bét Tarlaï, le « village connu sous la montagne », connu dès le VIe – VIIe siècle[1].

[1] In Assyrie chrétienne, vol.II, Jean-Maurice Fiey, Institut de Lettres Orientales, Beyrouth, 1965, p. 417

La ville de Bartella
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Bartella. Destructions constatées après l'occupation de la ville par Daesh
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Fragments d’histoire

Occupé sans doute dès l’Antiquité, Bartella compte un tell archéologique de 9 mètres de hauteur, 42 de long et 34 de large[1], que des historiens considèrent comme contemporain de l’époque d’Alexandre le Grand.

Bartella était un grand village mixte de chrétiens syriaques et  de musulmans shabaks de 15000 habitants[2] en 2014 avant l’offensive de Daesh, là où il y en avait « 4266, tous syriens »[3] en 1965, et 900 en 1891[4] dans une proportion de 2/3 orthodoxes et 1/3 catholiques.

Au début du VIIe siècle les Chrétiens de Bartella étaient membres de l’Église de l’Orient. Ils passèrent progressivement à l’Église syriaque-orthodoxe sous l’influence des prédicateurs du grand monastère Mar Matta, à seulement 15 km au nord, nord-est. Depuis lors Bartella n’a jamais cesser de donner nombre de maphriens, patriarches et évêques, tant et si bien que la cité est considérée comme la « capitale » syriaque-orthodoxe dans la plaine de Ninive. Cette situation engendra aussi au long des siècles nombre de querelles de gouvernance intestines.

Comme tous les villages chrétiens de la plaine des Syriaques, Bartella eût son lot de pillages, massacres et fléaux. Les troupes de Nadir Shah ravagèrent la localité en 1743. Au cours des années 1756-1758 une tribu bédouine, Albu Hamad, en fit tout autant. En 1789, un nouveau pillage y fut commis par l’émir yézidi, Tšōlō Bek[5]. En 1791, une terrible famine frappa toute la région entre Erbil et Mossoul et sévit également à Bartella.

Plus près de nous les sœurs dominicaines y avaient encore une école en 2014, avant l’invasion de Daesh.

L’ancien métropolite syriaque-orthodoxe Mar Severius Ishak Zakka naquit à Bartella en 1931. Consacré métropolite en février 1981 il décéda en décembre 2011.

Bartella comprenait au XIIe siècle  deux couvents, dont il ne reste presque rien de nos jours. Le premier est le couvent des Quarante Martyrs, où résida notamment le plus célèbre de tous les maphriens Grégoire Abū 1 Farağ Bar Haebraus, maphrien de 1264 à 1286, dont la célèbre Chronologie décrit l’arrivée des Mongols dans la région. Le second est le couvent de Yohannan Ben Nagéré où résidaient encore des moines à la fin du XVIe siècle.

Bartella a compté jusqu’à 6 églises. Les deux premières sont totalement ruinées et disparues. Dans la grande église Mar Ahūdemmeh, aujourd’hui impossible à localiser, se trouva longtemps la cellule maphrianale. Les pierres de l’église Sépna Sédé ont été réemployées pour construire Mar Guōrguis. L’église Mart Mariam, attestée dès le XVe siècle a été totalement rénovée en 1890. Enfin, l’ancienne et la nouvelle Mar Guōrguis des Syriaques-Catholiques construite en 1934 qui jouxtent l’ancienne Mart Schmouni, objet de cette notice.

[1] In La Turquie d’Asie, Vital Cuinet, Éd. Ernest Leroux, Paris, 1891, p.830-831 & Assyrie chrétienne, vol.II, L’Institut de lettres orientales de Beyrouth, 1965, p. 417

[2] In Qaraqoche ou la disparition des Chrétiens de la plaine de Ninive, Christian Lochon, directeur honoraire des études au CHEAM, Bulletin de l’Œuvre d’Orient, 2015, p. 138

[3] Id. note 1, p. 416

[4] In La Turquie d’Asie, Vital Cuinet, Éd. Ernest Leroux, Paris, 1891, p.830

[5] Id. p.428

L'église Mart Schmouni de Bartella. Croix sur le mur d'enceinte
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
L'église Mart Schmouni de Bartella. Le dôme au dessus du chœur
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
L'église Mart Schmouni de Bartella. Détail de l'architecture ornementale sur la partie supérieure de la façade
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Fragments d’une hagiographie

L’hagiographie de Mart Schmouni et de ses sept Saints-Enfants est bien connue dans tout l’Orient chrétien mésopotamien. Le récit du martyre de cette famille juive, les Maccabées, figure au chapitre 7 du deuxième livre des Maccabées. Ce récit révèle les persécutions dont furent victimes les Juifs sous le règne du roi séleucide Antiochus IV Épiphane, parce qu’ils respectaient les Lois de Dieu et croyaient déjà en la résurrection et la vie éternelle…deux siècles avant l’avènement du christianisme.

Les sept frères Maccabées furent ainsi « arrêtés avec leur mère et contraints à manger du porc »[1] afin d’apostasier. Tous refusèrent et périrent martyrs les uns après les autres sous les yeux de leur mère. Le premier fut ainsi « horriblement torturé, puis placé sur un gril (…) »[2]. Malgré sa détresse, leur mère, Mart Schmouni, les encouragea  un à un à  rester fidèles à la Loi de Dieu, jusqu’au cadet qu’elle supplia de ne pas craindre le bourreau « mais, te montrant digne de tes frères, accepte la mort, afin que je te retrouve avec eux dans la miséricorde. »[3]

[1] In La Bible rendue à l’histoire, Jean Potin, éditions Le Club, Juin 2000, p.616

[2] Id. p.616

[3] Id. p.617, Extrait : 2 Maccabées, 7, 29

L'église Mart Schmouni de Bartella. Bas-relief représentant le martyre des enfants de Mart Schmouni
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Description de l’église

Communément nommée Mart Schmouni, en mémoire de la sainte femme, l’église est aussi connue sous le nom de Bney Schmouni, en hommage à ses Saints-Enfants.

Située à l’est de Bartella, l’église Mart Schmouni se trouve près du tell archéologique. « Cette église fut fondée après la destruction de l’église de Mar Ahūdemmeh, à une date inconnue. Restaurée en 1807, elle fut démolie et reconstruite en 1869 »[1], ce qu’attestent à l’intérieur de l’édifice les inscriptions qui entourent la porte royale du sanctuaire[2]. La dernière grande phase de restauration eût lieu en 1922.

Le domaine religieux est ceint d’un haut mur construit avec des matériaux de plusieurs époques ; cailloux grossiers, mortier de terre, ciment et pierres de revêtement sculptées.  Ce mur est équipé d’un campanile à droite du portail. Au-dessus de celui-ci, une grande fresque sculptée sur pierre évoque le martyre de Mart Schmouni et de ses Saints-Enfants.

Une fois passé le mur d’enceinte, la cour intérieure est bordée à droite de cellules sous une galerie à arcades.  Dans l’axe du portail, au fond de la cour se dresse l’église. Elle est  équipée de trois portes. Au centre, la porte de Dieu, autrement nommée la porte de la miséricorde, et de part et d’autres les portes latérales. L’une est réservée aux hommes et l’autre aux femmes.

La structure intérieure de l’église est typique de l’architecture religieuse syriaque-orthodoxe à triple nef. La nef centrale mène à une magnifique porte royale sculptée en marbre gris de Mossoul, ornées de colonnades, équipée de deux fenêtres à barreaux et décorée de terminaisons florales. Au-delà, dans le Saint des Saints (le bêma) trône un splendide maître-autel de bois peint, placé sous l’arche de l’abside, presque adossé au mur et derrière lequel on peut emprunter un étroit déambulatoire. Au milieu du sanctuaire, en élevant le regard, on peut apercevoir une très belle voûte élancée et ouvragée. Naturellement, de part et d’autre de la porte royale deux portes latérales beaucoup plus basses et sans décoration, mènent aux autels latéraux.

Les murs de l’église Mart Schmouni comportent nombre de niches reliquaires enrichies d’inscriptions et motifs en langue syriaque. Cette floraison de dédicaces révèle l’importance de cet édifice dans l’histoire communautaire syriaque-orthodoxe.

On trouve également sous un escalier dans la cour de l’édifice la très ancienne cuve baptismale octogonale de l’église. Datée de 1343, elle provient du village, autrefois chrétien, de  Bar Sakhra (1343). On peut y découvrir des inscriptions syriaques sur son usage et sa création[3].

À gauche de l’église, derrière un portail se trouve un cimetière. À droite, au-delà du mur d’enceinte, un vaste complexe communautaire a été construit au début du XXIe siècle.

L’ensemble du domaine, église comprise, a été souillé, profané et partiellement incendié par les occupants islamistes de Daesh entre 2014 et 2016.

L’église Mart Schmouni posséda également des manuscrits anciens que le savant dominicain Jean-Maurice Fiey  consulta en son temps.

[1] In Assyrie chrétienne, vol.II, Jean-Maurice Fiey,L’Institut de lettres orientales de Beyrouth, 1965, p430

[2] « In the year of 1869 of Christ this Church was built through the care of the honourable community of the blessed village Bartellī (…) », in Recueil des Inscriptions Syriaques, Tome 2, Amir Harrak, texte p.193, photo p.72, index AB.01.07

[3] « This font was fashioned in the year (1-5) 1654 of the Greeks during the days of our Father Mōr Grīgōriōs Mattai Hānō the First », in Recueil des Inscriptions Syriaques, Tome 2, Amir Harrak, texte p.187, photo p.69, index AB.01.01 A & B.

Conformément à l’ancien calendrier syriaque, la fête des saints patrons de l’église, Mart Schmouni et ses enfants, est célébrée le 15 octobre.

L'église Mart Schmouni de Bartella. Vue d'ensemble
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
L'église Mart Schmouni de Bartella. Façade
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
L'église Mart Schmouni de Bartella. Cour intérieure et clocher (la croix a été détruite par Daesh)
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
L'église Mart Schmouni de Bartella. Intérieur (nef, porte royale et maître-autel)
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
L'église Mart Schmouni de Bartella. Porte royale
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
L'église Mart Schmouni de Bartella. Le maître-autel dégradé par Daesh
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
L'église Mart Schmouni de Bartella. Coupole
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
L'église Mart Schmouni de Bartella. Extérieur (angle gauche de la façade) : stèles funéraires dégradées par Daesh
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
L'église Mart Schmouni de Bartella. Extérieur (angle droit de la cour intérieure). Ancien baptistère (1343)
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
L'église Mart Schmouni de Bartella. Baptistère dans l'église
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
L'église Mart Schmouni de Bartella. Cimetière, profané par Daesh
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
L'église Mart Schmouni de Bartella. Salle des fêtes incendiée par Daesh
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
L'église Mart Schmouni de Bartella. Rénovation après Daesh
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer / MESOPOTAMIA
L'église Mart Schmouni de Bartella. Porte royale et voûte rénovées après Daesh
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer / MESOPOTAMIA
L'église Mart Schmouni de Bartella. Détail des frises rénovées sur la porte royale
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer / MESOPOTAMIA
L'église Mart Schmouni de Bartella. Le maître-autel rénové et ses célébrants
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer / MESOPOTAMIA
L'église Mart Schmouni de Bartella. Détail sur maître-autel rénové après Daesh
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer / MESOPOTAMIA
L'église Mart Schmouni de Bartella. La communauté revenue après la libération de la ville
Janvier 2018 © Pauline Bouchayer / MESOPOTAMIA

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