L’église Soultâne Mahdokht de Ar Aden

L’église Soultâne Mahdokht se situe à Ar Aden à 37°06’12.6″N 43°19’03.3″E et 1120 mètres d’altitude.

Elle se trouve dans un vallon boisé à 600 mètres au sud du village.

La christianisation de Ar Aden est comparable à celle des autres villages de la région : une présence confessionnelle juive préexistante et une évangélisation précoce sous l’impulsion des apôtres Thomas, Addaï et Mari. Dans le grand livre des martyrs de l’Église de l‘Orient, sainte Mahdokht occupe une place importante au IVe siècle, au temps du roi perse sassanide Shapur II, grand persécuteur de Chrétiens. La tradition rapporte que l’église Soultâne Mahdokht se dresse là où se réalisa le songe d’un pèlerin.

Localisation

L’église Soultâne Mahdokht se situe à Ar Aden à 37°06’12.6″N 43°19’03.3″E et 1120 mètres d’altitude, dans un vallon boisé à 600 mètres au sud du village. Nous sommes ici au cœur de la vallée de Sapna, entre le mont Chamatine au nord qui s’élève jusqu’à 3000 mètres d’altitude et le mont Kara au sud tout aussi élevé. Le site est à 21 km à l’ouest d’Amadia, 75 km à l’est de Zakho et 20 km au sud de la frontière turque. Ar Aden est donc un secteur géopolitiquement très sensible mais c’est aussi une terre magnifique, riche d’un grand nombre d’essences d’arbres fruitiers et forestiers, parsemée de pâturages, de jardins et de rizières irrigués par plusieurs sources d’eau[1]. Littéralement, Ar Aden signifie en syriaque le Jardin d’Eden, ce qui  en dit long sur la beauté des lieux.

De tous les villages chrétiens de la vallée de Sapna, Ar Aden est l’un des plus importants. Administrativement, il est attaché à la province de Dohok et dépend du chef-lieu d’Amadia.

[1] Voir à ce propos l’étude de Habib Ishow, Ar Aden ou le Jardin du Paradis. La terre et les hommes dans un village chaldéen du nord de l’Irak. In Études rurales n°76, 1979, pp 97-112. À lire sur le site internet  http://www.persee.fr/doc/rural_0014-2182_1979_num_76_1_2535

Ar Aden, dans la vallée de Sapna, au pied du mont Chamatine
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
L'église Soultâne Mahdokht de Ar Aden
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Fragments d’une histoire chrétienne

L’histoire chrétienne de Ar Aden est comparable à celle des autres villages de la région[1]. Une présence confessionnelle juive préexistante. Une évangélisation précoce sous l’impulsion des apôtres Thomas, Addaï (possiblement l’apôtre Thaddée également nommé Jude dans les Évangiles) et Mari. Un IVe siècle riche de vocations et peuplé de récits de martyrs persécutés par le perse Shapur II. Et tout au long de cette période paléochrétienne le développement d’ermitages et de sanctuaires primitifs sur les lieux mêmes où furent érigés progressivement les églises et monastères assyriens. Au long des siècles et jusqu’au déclin de l’empire ottoman, les vallées et montagnes qui longent cette partie de la Mésopotamie furent un lieu d’épanouissement et de refuge de l’Église de l’Orient de part et d’autre de l’actuelle frontière turco-irakienne, cependant qu’y fleurirent dès le XVIIe siècle et plus encore à partir du XVIIIe les missions catholiques. C’est ainsi qu’autrefois membres de l’église de l’Orient, les villageois d’Ar Aden devinrent tous chaldéens (catholiques). Le village devint même lieu de résidence épiscopale chaldéenne.[2] En 1913, on pouvait y recenser 650 Chaldéens[3]. Des 17 villages du diocèse d’Amadia, Ar Aden était ainsi le deuxième par importance démographique, derrière Manguesh, mais devant Téna et Amadia. Cet univers communautaire et confessionnel bascula à la fin XIXe et au début du XXe siècle avec les persécutions des Kurdes, la mise en œuvre de Seyfo[4] par l’administration Jeune-turque, puis le démembrement de l’Empire ottoman.

Le reste du XXe siècle, même sous administration irakienne depuis 1921, n’offrit aucun répit. Alors qu’en 1957 on recensait encore à Ar Aden 1049 personnes et qu’il exista avant 1961 dans le village 200 maisons pour plus de 350 familles[5], la zone fut évacuée et même officiellement interdite d’accès entre 1961 et 1970 en raison de la guerre. En 1971, quelque 80 familles[6] déplacées d’Ar Aden revinrent au village, mais en 1975 la guerre reprit, contraignant la plupart des villageois à un nouvel exode. Ce scénario se renouvela encore une fois dans les années 80. Pire encore, en 1988 Ar Aden fut l’un des très nombreux villages à avoir été complètement bombardé et détruit par le régime baasiste de Saddam Hussein. Heureusement les églises de Ar Aden, dont celle de Sultan Mahadokht furent épargnées « grâce  aux efforts de quelques-uns qui sont parvenus à négocier avec les militaires »[7]. Il fallut ensuite la fin de la première du Golfe et les nouvelles persécutions islamico-mafieuses antichrétiennes pour voir revenir une énième fois à partir de 1998 les anciens d’Ar Aden avec leurs enfants et petits enfants. Ils reconstruisirent leur village sous les auspices du gouvernement régional du Kurdistan d’Irak, avec le soutien actif du grand mécène assyrien Sarkis Aghajan et la participation de plusieurs organisations de solidarité internationale. Les villageois qui demeurent aujourd’hui dans ce Jardin d’Eden sont néanmoins confrontés à des problèmes économiques et sociaux qui les incitent à l’exil, non plus à l’intérieur des frontières nationales mais à présent et exclusivement à l’étranger.

[1] Voir à ce propos sur ce site la notice sur le Centre spirituel Mar Quiriakos de Komané. Index C042.

[2] In L’Église chaldéenne catholique, autrefois et aujourd’hui, Abbé Joseph Tfinkdji, 1913, Extrait de l’Annuaire Pontifical Catholique de 1914.

[3] Id.

[4] Seyfo est le nom syriaque donné au génocide des assyro-chaldéo-syriaques de l’Empire ottoman en 1915-1918.

[5] http://www.ishtartv.com/en/viewarticle,35349.html

[6] Id. note 1

[7] Extrait d’un témoignage, in Chrétiens d’Orient, ombres et lumière, Pascal Maguesyan, éd.Thaddée, 2013, p.276.

L'église Soultâne Mahdokht de Ar Aden. Façade est
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
L'église Soultâne Mahdokht de Ar Aden. Croix de pierre sur porche
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Fragments d’une hagiographie

Dans le grand livre des martyrs de l’Église de l‘Orient, sainte Soultâne Mahdokht occupe une place importante[1]. Ce récit remonte au IVe siècle au temps du roi perse sassanide Shapur II, grand persécuteur de Chrétiens. La tradition rapporte que le prince Bolar et trois ses enfants, Mahadokht, Atho-Barday et Mihr-Narsay rendirent visite au roi qui résidait alors à Kirkouk. Sur le chemin du retour, près du village d’Ahwan, Mihr-Narsay tomba de cheval et se brisa une jambe. Passant par-là, l’évêque de Karbat-Jalal, Mar Abda vint au secours de l’infortuné et le guérit miraculeusement. Mahadokht, Atho-Barday et Mihr-Narsay choisirent dès lors de se convertir au christianisme. Baptisés par Mar Abda, ils disparurent tout aussi miraculeusement dans une grotte de la vallée d’Ahwan. Informé de cette triple disparition, Shapur II ordonna des recherches qui toutes échouèrent. Ce faisant, les 3 frères et sœurs furent considérés comme des saints. Un jour, le cheval de Bolar s’enfuit, parvint à l’étrange grotte et découvrit les disparus que des cavaliers menèrent devant le roi. Sans doute séduit par sa grâce, Shapur voulut épouser Mahdokht qui refusa et fut décapitée le 2 octobre 318. Ses frères connurent le même destin, mais avant leur sœur. On raconte aussi que le bourreau, dont le bras fut comme paralysée par son geste, fut guérit de son traumatisme par Mahdokht en personne avant sa propre mise à mort.

De nos jours, l’église Soultâne Mahdokht de Ar Aden est considérée comme le tombeau des 3 saints. On y vient en pèlerinage le 2 octobre mais aussi le 12 décembre et même à l’Assomption, tandis qu’en septembre un jour de dévotion est organisé au tombeau de Mar Abda, près d’une source et d’un rocher au nord-ouest d’Ar Aden, où Mahdokht et ses frères auraient été baptisés.

[1] Les éléments présentés ci-après sont tirés d’une synthèse de l’hagiographie de Soultâne Mahdokht proposée par Narmen Ali Muhamad Amen, dans sa thèse de doctorat, Les églises et monastères du « Kurdistan irakien » à la veille et au lendemain de l’islam, sous la direction de Georges Tate et la codirection de Jean-Michel Thierry, Mai 2001, p.171-174.

L'église Soultâne Mahdokht de Ar Aden. Portail d'entrée
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
L'église Soultâne Mahdokht de Ar Aden. Inscription
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
L'église Soultâne Mahdokht de Ar Aden. Scène de la vie de Mahdokht (impression sur bâche)
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Description de l’église

La tradition rapporte que l’église Soultâne Mahdokht se dresse là où se réalisa le songe d’un pèlerin, qui avant son sommeil ramassa sans le savoir un os du bras de la sainte. Au cours de sa nuit, la sainte lui apparut et lui demanda de laisser aller son cheval. Là où il s’arrêterait, là devrait être construit le sanctuaire. Ainsi fut fait le lendemain.

Du bâti originel, il est dit qu’il fût érigé « en pisé mélangé à du lait de brebis »[1].

L’église actuelle n’est évidemment plus l’église primitive. Différentes étapes de rénovation ont été opérées jusque tout récemment. La dernière en date a été conduite par Monseigneur Rabban al Qas, l’évêque chaldéen du diocèse de Dohok.

L’église Soultâne Mahdokht se dresse aujourd’hui au bord d’un jardin à gradins bordé par un  mur d’enceinte percé de trois portiques d’accès, à côté d’un cimetière dans un petit bois où des tombes centenaires sont encore visibles.

Un petit porche surmonté d’une pierre à croix fleurie ouvre sur l’espace sacré.

L’église elle-même est composée de deux chambres en enfilade, longues de 24 mètres[2]. La première chambre est une simple nef formée de pierres de taille avec une voûte en berceau, dans les parois de laquelle des niches semblent indiquer la présence de sépultures anciennes. Au fond de celle-ci trône un baptistère.

La deuxième chambre est l’église proprement dite. Sa structure est comparable à la première. Toutefois, au fond de celle-ci un double autel se dresse. Le premier est placé sous l’arc plein cintre d’une porte royale. Il s’agit d’un autel typique de la tradition liturgique catholique, face au peuple, héritée de Vatican 2. Le second est un autel à degrés, adossé au mur oriental, typique de la tradition liturgique originelle, dos au peuple et face au Levant,  des églises orientales.

L’ensemble de l’édifice est doté d’une couverture en terrasse, faite en béton armé et surmonté d’une croix latine.

« Au delà de l’église, il faut signaler la grotte de  Sultan Mahadokht sur la route d’Ar Aden. Il s’agit d’une salle, taillée dans le roc d’une hauteur d’environ 2 m et autant en largeur. Le plafond est courbe. Au pied de chaque mur se trouve de petits bats-flancs d’une hauteur d’environ 75 cm.  À la tête de chacun d’eux, il y a des reliefs ressemblant à des oreillers. Chaque banc est cre

[1] In Les églises et monastères du « Kurdistan irakien » à la veille et au lendemain de l’islam, Narmen Ali Muhamad Amen, thèse de doctorat sous la direction de Georges Tate et la codirection de Jean-Michel Thierry, Mai 2001, p.173.

[2] La côte est de Narmen Ali Muhamad Amen et n’a pas été vérifiée après la dernière étape de rénovation.

L'église Soultâne Mahdokht de Ar Aden. Façade ouest et entrée du domaine
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Soultâne Mahdokht de Ar Aden. Le jardin
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Soultâne Mahdokht de Ar Aden. Le jardin
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Soultâne Mahdokht de Ar Aden. Le jardin et le porche d'entrée de l'église
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Soultâne Mahdokht de Ar Aden. Façade est
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Soultâne Mahdokht de Ar Aden. Angle nord-est
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Soultâne Mahdokht de Ar Aden. Toiture en béton armé reposant sur mur de pierres
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Soultâne Mahdokht de Ar Aden. Le porche d'entrée
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Soultâne Mahdokht de Ar Aden. Intérieur. Première chambre
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Soultâne Mahdokht de Ar Aden. Intérieur. Première chambre. Niches funéraires
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Soultâne Mahdokht de Ar Aden. Intérieur. Première chambre. Stèle funéraire (en syriaque et en arabe)
Juillet 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Soultâne Mahdokht de Ar Aden. Intérieur. Première chambre. Cuve baptismale
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Soultâne Mahdokht de Ar Aden. Intérieur. Première chambre. Façade ouest
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Soultâne Mahdokht de Ar Aden. Intérieur. Deuxième chambre. L'église
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Église Soultâne Mahdokht de Ar Aden. Intérieur. Deuxième chambre. Vue depuis le Saint des Saints
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

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