L’église Al Tahira de Bakhdida (Qaraqosh)
L’église al Tahira de Bakhdida (Qaraqosh) se situe à 36°16’13.74″N, 43°22’37.62″E et 275 mètres d’altitude.
C’est l’édifice chrétien le plus emblématique de Bakhdida (Qaraqosh), à 30 km au sud-est de Mossoul et 80 km à l’ouest d’Erbil.
C’est l’édifice chrétien le plus emblématique de Bakhdida (Qaraqosh), avec ses deux églises, « l’Ancienne » que l’on pense être du XIIIe siècle, et la « Nouvelle » construite dans la première moitié du XXe siècle.
Entre 2014 et 2016 Daesh utilisa l’église al Tahira comme un centre d’instruction et de maniement des armes.
Depuis la libération, la Nouvelle al Tahira, pourtant brûlée et pillée, est redevenue un très haut lieu spirituel et communautaire.
Localisation
L’église al Tahira de Bakhdida (Qaraqosh) se situe à 36°16’13.74″N, 43°22’37.62″E et 275 mètres d’altitude. C’est l’édifice chrétien le plus emblématique de Bakhdida (Qaraqosh), à 30 km au sud-est de Mossoul et 80 km à l’ouest d’Erbil.
Bakhdida (Qaraqosh) est la plus grande ville de la plaine de Ninive, à 40 km en amont de la confluence du Tigre et du Grand Zab. Au cœur de la plaine des Syriaques, à proximité de son phare spirituel, le grand monastère de Mar Behnam et Sarah, Bakhdida (Qaraqosh)était considérée comme la plus grande ville syriaque-catholique du monde, avant l’offensive de Daesh et la fuite de tous les habitants dans la nuit du 6 au 7 août 2014. Bakhdida (Qaraqosh) était en somme une « capitale » confessionnelle. Avec la libération de la ville en octobre 2016 et le retour progressif des habitants entamé en avril 2017, une nouvelle page de l’histoire de Bakhdida (Qaraqosh) s’ouvre sur un avenir encore incertain.
Démographie
Il serait bien hasardeux de présenter des statistiques démographiques fiables dans cette ville (et dans ce pays) où tout recensement est impossible du fait des guerres successives et des mouvements de population permanents. Néanmoins, on peut admettre qu’un minimum de 40 000 à 50 000 personnes vivaient à Bakhdida (Qaraqosh) avant l’offensive de l’organisation État Islamique (Daesh). Certaines estimations de Qaraqochiens, sans doute exagérées, portaient ces statistiques à 70 000 personnes.
Il faut ajouter des milliers de déplacés (entre 5 000 et 13 000 selon les périodes), chrétiens de Bagdad et de Mossoul, arrivés à Bakhdida (Qaraqosh) à partir de 2003, pour lesquels bien des efforts avaient été consentis en faveur d’une implantation durable.
Quelle que soit la réalité des données démographiques, près de 90 % des habitants de Bakhdida (Qaraqosh) étaient syriaques-catholiques, les autres se répartissant entre chaldéens (catholiques), syriaques-orthodoxes, ainsi qu’une toute petite communauté apostolique arménienne.
La ville qui passe pour avoir été exclusivement chrétienne avant 1980, a cependant vu arriver progressivement plusieurs dizaines de familles musulmanes, dans le cadre de la politique d’arabisation de la plaine de Ninive mise en œuvre par Saddam Hussein.
Toponymie
Le nom de Qaraqosh, encore employé aujourd’hui, vient du turc Qara Qosh, ce qui signifie littéralement l’Oiseau Noir. Cependant son nom ancien et originel est Baghdédé probablement « dérivé de Bet Khudaydad qui est à la fois sémitique (Bet) et perse (Khudaydad) [et qui] signifie « la place, la maison donnée par Dieu »[1].
[1] Source Jean-Marie Mérigoux, O.P., in « L’Orient chrétien dans l’empire musulman », Collection Studia Arabica III, Editions de Paris, 2005.
Fragments d'histoire
La tradition fait remonter la pénétration du christianisme dans la plaine de Ninive et la cité de Bakhdida (Qaraqosh) dès la fin du IVe siècle ou au début du Ve. Plus sûrement, les sources plaident pour une évangélisation au VIIe siècle. « Le village fut tout d’abord nestorien[1], puis vers 615, [il] devint monophysite[2]. Aux XIe et XIIe siècles beaucoup de Chrétiens de Tikrit qu’on voulait forcer à devenir musulmans, quittèrent leur ville et vinrent s’installer à Baghdédé. En 1743, les troupes de Nâdhir Shâh qui assiégèrent la région pillèrent Baghdédé et détruisirent les églises. C’est alors que les habitants du village se réfugièrent à Mossoul où ils participèrent à la défense de la ville »[3]. C’est vers la fin du XVIIIe siècle que le village devint catholique.
La ville de Bakhdida (Qaraqosh) compte encore de nos jours plusieurs anciennes églises syriaques-catholiques et orthodoxes. Toutes ont été profanées, souillées, saccagées, voire incendiées par l’organisation État islamique, tout au long des 24 mois que dura l’occupation de la ville.
Malgré les dommages et destructions endurées, certaines de ces églises résistent encore au temps et aux envahisseurs et continuent de témoigner de ce lointain passé.
[1] Nda : l’Eglise de l’Orient.
[2] Nda : syriaque-orthodoxe
[3] Source Jean-Marie Mérigoux, O.P., in « L’Orient chrétien dans l’empire musulman », Collection Studia Arabica III, Editions de Paris, 2005.
Al Tahira la nouvelle, Al Tahira l’ancienne
Parmi tous ces édifices, le plus emblématique est celui d’Al Tahira (l’Immaculée Conception), avec ses deux églises tout simplement appelées l’Ancienne et la Nouvelle.
Situé dans le centre ancien de Bakhdida (Qaraqosh), on y accède en empruntant une petite rue qui monte en pente douce.
C’est par la nouvelle Al Tahira que l’on pénètre dans l’enceinte religieuse. Sa construction commença en 1932 et se poursuivit jusqu’en 1948, année de sa consécration.
Ses proportions sont impressionnantes. Longue de 54 mètres et large de 24, la Nouvelle Al Tahira est la plus grande église syriaque-catholique du Moyen-Orient. Elle fait la fierté des Qaraqochiens, non seulement par sa stature, mais aussi par la mobilisation de tous les habitants au cours des 16 années que dura sa construction.
Son dôme imposant et visible de loin est surmonté d’une croix. Le clocher carré situé au dessus de la porte principale était à lui seul le symbole des habitants de la ville. Il contenait une grande horloge surmontée d’un toit, dont chacun des quatre angles était doté d’un crucifix.
Constituée de trois nefs, la Nouvelle Al Tahira repose sur 22 piliers très imposants en marbre de Mossoul. La nef centrale, trois fois plus large que les nefs latérales, était éclairée par de très grands lustres aujourd’hui noircis par les flammes.
L’intérieur de l’édifice était d’une éclatante blancheur avant que les murs, le plafond et surtout la magnifique voûte ne soient totalement noircis par la suie de l’incendie criminel provoqué par les profanateurs islamistes qui mirent le feu aux bancs avant leur retraite.
Les traces de cet immense incendie et du saccage réalisé sont encore aujourd’hui très nettement visibles. À mesure que l’on se rapproche du chœur et de l’autel, apparait avec horreur l’odieuse profanation. Certains piliers de marbre, sous l’effet de la chaleur sont endommagées et effritées. Nombre de ces piliers ont été souillés d’inscriptions islamistes et d’insultes envers les chrétiens.
Au bout de cette grande nef centrale, on pouvait atteindre après quelques marches un autel de marbre, détruit par les occupants et remplacé par un autel en bois. Derrière celui-ci, à l’abri d’un dais en arc de pointe se trouve l’ancien autel en marbre et le tabernacle profanés. La voute extérieure de cet arc est sculpté d’un motif en feuilles d’acanthe très commun à de nombreuses églises de la plaine de Ninive.
Lors de la libération de Bakhdida (Qaraqosh) en octobre 2016, le sol était jonché de douilles d’armes à feu. Durant l’occupation du site, Daesh utilisa en effet l’église comme centre d’instruction et de maniement des armes.
En sortant, au bout de la nef latérale droite de la Nouvelle Al Tahira, on accède à la grande cour intérieure. Elle abrite sous ses dalles le cimetière de la paroisse. Cette cour était devenue un centre de tir. Au centre de celle-ci, on pouvait observer encore 9 mois après la libération, les cendres d’un autodafé de livres et d’objets liturgiques. Certains des piliers extérieurs criblés de balles ne laissant parfois entrevoir que l’armature métallique.
La cour est bordée de salles paroissiales ainsi que d’une petite chapelle dédiée à la Vierge sur sa gauche, et à droite par une réplique de la grotte de Lourdes et la chapelle Saint Dominique.
Parallèle à la grande église et fermant la cour, l’Ancienne Al Tahira est accessible par une dizaine de marches descendantes. Église à trois nefs et trois autels de proportion modeste, l’Ancienne Al Tahira a plusieurs fois été restaurée, notamment en 1745, après avoir été brûlée lors de l’agression perse de Nadir Shah, qui en son temps brûla également les livres qui s’y trouvaient. Une inscription ancienne « porte la date de 1832 de l’ère grecque, soit 1521 (…) Une date plus ancienne se trouvait, il y a quelques années encore, dans la chambre des tombeaux. Malheureusement le mur qui séparait cette salle de la chapelle a été abattu, et les pierres tombales qu’il portait ont disparu », écrivit déjà en 1961 Jean-Maurice Fiey[1], ajoutant « l’une des tombes était celle d’un prêtre mort en 616 de l’Hégire, soit 1219 de notre ère. » Ce qui en dit tout de même assez long sur l’ancienneté d’Al Tahira, sans pour autant pouvoir être plus précis.
En dépit du saccage commis à l’intérieur par les islamistes de Daesh, l’église comporte encore des éléments très anciens parmi lesquels un vieux baptistère sculpté de forme hexagonale.
[1] Jean-Maurice Fiey, in Assyrie Chrétienne, page 447-448.
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