L’église chaldéenne Mart Schmouni de Ar Aden

L’église Mart Schmouni se situe à Ar Aden à 37°06’33.1″N 43°19’05.2″E et  1143 mètres d’altitude. Elle se trouve au centre du village.

 

La christianisation de Ar Aden est comparable à celle des autres villages de la région : une présence confessionnelle juive préexistante et une évangélisation précoce sous l’impulsion des apôtres Thomas, Addaï (Thaddée) et Mari. L’hagiographie de Mart Schmouni et de ses sept Saints-Enfants est bien connue dans tout l’Orient chrétien mésopotamien. Le récit du martyre de cette famille juive, les Maccabées, figure au chapitre 7 du deuxième livre des Maccabées. Ce récit révèle les persécutions dont furent victimes les Juifs sous le règne du roi séleucide Antiochus IV Épiphane, parce qu’ils respectaient les Lois de Dieu et croyaient déjà en la résurrection et la vie éternelle… deux siècles avant l’avènement du christianisme.

L’église a été rénovée (reconstruite) en 1935. C’est un édifice en moellons de pierres naturelles liés au mortier.


Photo : Église chaldéenne Mart Schmouni de Ar Aden. Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Localisation

L’église Mart Schmouni se situe à Ar Aden à 37°06’33.1″N 43°19’05.2″E et  1143 mètres d’altitude, au cœur du village. Nous sommes ici au cœur de la vallée de Sapna, entre le mont Chamatine au nord qui s’élève jusqu’à 3000 mètres d’altitude et le mont Kara au sud tout aussi élevé. L’église Mart Schmouni se trouve à moins d’un kilomètre au nord de l’église Soultâne Mahdokht, Le site est à 21 km à l’ouest d’Amadia, 75 km à l’est de Zakho et 20 km au sud de la frontière turque. Ar Aden est donc un secteur géopolitiquement très sensible mais c’est aussi une terre magnifique, riche d’un grand nombre d’essences d’arbres fruitiers et forestiers, parsemée de pâturages, de jardins et de rizières irrigués par plusieurs sources d’eau[1]. Littéralement, Ar Aden signifie en syriaque le Jardin d’Eden, ce qui  en dit long sur la beauté des lieux.

De tous les villages chrétiens de la vallée de Sapna, Ar Aden est l’un des plus importants. Administrativement, il est attaché à la province de Dehok-Nouhadra et dépend du chef-lieu d’Amadia.

[1] Voir à ce propos l’étude de Habib Ishow, Ar Aden ou le Jardin du Paradis. La terre et les hommes dans un village chaldéen du nord de l’Irak. In Études rurales n°76, 1979, pp 97-112. À lire sur le site internet  http://www.persee.fr/doc/rural_0014-2182_1979_num_76_1_2535

L'église Mart Schmouni au bas du du village de Ar Aden.
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Fragments d’une histoire chrétienne

L’histoire chrétienne de Ar Aden est comparable à celle des autres villages de la région[1]. Une présence confessionnelle juive préexistante. Une évangélisation précoce sous l’impulsion des apôtres Thomas, Addaï (possiblement l’apôtre Thaddée également nommé Jude dans les Évangiles) et Mari. Un IVe siècle riche de vocations et peuplé de récits de martyrs persécutés par le perse Shapur II. Et tout au long de cette période paléochrétienne le développement d’ermitages et de sanctuaires primitifs sur les lieux mêmes où furent érigés progressivement les églises et monastères assyriens. Au long des siècles et jusqu’au déclin de l’empire ottoman, les vallées et montagnes qui longent cette partie de la Mésopotamie furent un lieu d’épanouissement et de refuge de l’Église de l’Orient de part et d’autre de l’actuelle frontière turco-irakienne, cependant qu’y fleurirent dès le XVIIe siècle et plus encore à partir du XVIIIe les missions catholiques. C’est ainsi qu’autrefois membres de l’église de l’Orient, les villageois d’Ar Aden devinrent tous chaldéens (catholiques). Le village devint même lieu de résidence épiscopale chaldéenne.[2] En 1913, on pouvait y recenser 650 Chaldéens[3]. Des 17 villages du diocèse d’Amadia, Ar Aden était ainsi le deuxième par importance démographique, derrière Manguesh, mais devant Téna et Amadia. Cet univers communautaire et confessionnel bascula à la fin XIXe et au début du XXe siècle avec les persécutions des Kurdes, la mise en œuvre de Seyfo[4] par l’administration Jeune-turque, puis le démembrement de l’Empire ottoman.

Le reste du XXe siècle, même sous administration irakienne depuis 1921, n’offrit aucun répit. Alors qu’en 1957 on recensait encore à Ar Aden 1049 personnes et qu’il exista avant 1961 dans le village 200 maisons pour plus de 350 familles[5], la zone fut évacuée et même officiellement interdite d’accès entre 1961 et 1970 en raison de la guerre. En 1971, quelque 80 familles[6] déplacées d’Ar Aden revinrent au village, mais en 1975 la guerre reprit, contraignant la plupart des villageois à un nouvel exode. Ce scénario se renouvela encore une fois dans les années 80. Pire encore, en 1988 Ar Aden fut l’un des très nombreux villages à avoir été complètement bombardé et détruit par le régime baasiste de Saddam Hussein. Heureusement les églises de Ar Aden, dont celle de Soultâne Mahdokht furent épargnées « grâce  aux efforts de quelques-uns qui sont parvenus à négocier avec les militaires »[7]. Il fallut ensuite la fin de la première du Golfe et les nouvelles persécutions islamico-mafieuses antichrétiennes pour voir revenir une énième fois à partir de 1998 les anciens d’Ar Aden avec leurs enfants et petits enfants. Ils reconstruisirent leur village sous les auspices du gouvernement régional du Kurdistan d’Irak, avec le soutien actif du grand mécène assyrien Sarkis Aghajan et la participation de plusieurs organisations de solidarité internationale. Les villageois qui demeurent aujourd’hui dans ce Jardin d’Eden sont néanmoins confrontés à des problèmes économiques et sociaux qui les incitent à l’exil, non plus à l’intérieur des frontières nationales mais à présent et exclusivement à l’étranger.

[1] Voir à ce propos sur ce site la notice sur le Centre spirituel Mar Quiriakos de Komané. Index C042.

[2] In L’Église chaldéenne catholique, autrefois et aujourd’hui, Abbé Joseph Tfinkdji, 1913, Extrait de l’Annuaire Pontifical Catholique de 1914.

[3] Id.

[4] Seyfo est le nom syriaque donné au génocide des assyro-chaldéo-syriaques de l’Empire ottoman en 1915-1918.

[5] http://www.ishtartv.com/en/viewarticle,35349.html

[6] Id. note 1

[7] Extrait d’un témoignage, in Chrétiens d’Orient, ombres et lumière, Pascal Maguesyan, éd.Thaddée, 2013, p.276.

Pierre à croix sur la façade nord de l'église chaldéenne Mart Schmouni de Ar Aden.
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Fragments d’une hagiographie

Dans le grand livre des martyrs de l’Église de l‘Orient, Mart Schmouni occupe une place importante. L’hagiographie de Mart Schmouni et de ses sept Saints-Enfants est bien connue dans tout l’Orient chrétien mésopotamien. Le récit du martyre de cette famille juive, les Maccabées, figure au chapitre 7 du deuxième livre des Maccabées. Ce récit révèle les persécutions dont furent victimes les Juifs sous le règne du roi séleucide Antiochus IV Épiphane, parce qu’ils respectaient les Lois de Dieu et croyaient déjà en la résurrection et la vie éternelle…deux siècles avant l’avènement du christianisme.

Les sept frères Maccabées furent ainsi « arrêtés avec leur mère et contraints à manger du porc »[1] afin d’apostasier. Tous refusèrent et périrent martyrs les uns après les autres sous les yeux de leur mère. Le premier fut ainsi « horriblement torturé, puis placé sur un gril (…) »[2]. Malgré sa détresse, leur mère, Mart Schmouni, les encouragea  un à un à  rester fidèles à la Loi de Dieu, jusqu’au cadet qu’elle supplia de ne pas craindre le bourreau « mais, te montrant digne de tes frères, accepte la mort, afin que je te retrouve avec eux dans la miséricorde. »[3]

[1] In La Bible rendue à l’histoire, Jean Potin, éditions Le Club, Juin 2000, p.616

[2] Id. p.616

[3] Id. p.617, Extrait : 2 Maccabées, 7, 29

Tableau de Mart Schmouni et ses enfants martyrs dans l'église de Ar Aden.
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Histoire et description de l’église Mart Schmouni de Ar Aden

L’église Mart Schmouni de Ar Aden se trouve dans un espace religieux à l’intérieur duquel se trouve un petit jardin avec des arbres fruitiers.

L’église a été rénovée (reconstruite) en 1935 au temps du pape Pie XI, du patriarche de Babylone des Chaldéens Joseph Emmanuel II et de l’évêque Francis Dawid du diocèse d’Amadia, dont dépend le village de Ar Aden.

L’église Mart Schmouni de Ar Aden est un édifice en moellons de pierres naturelles liés au mortier. Les moellons sont visiblement érodés. Les inscriptions sur pierres également dégradées ont été heureusement déchiffrées par Amir Harrak[1]. Les joints ont été refaits.

La porte murée en arc plein cintre sur la façade nord de l’édifice est l’une des dernières pièces d’architecture notable de l’époque de sa reconstruction. La clé de voûte de l’arc est sculptée d’une pierre à croix de type assyrienne. Des inscriptions gravées en syriaque sont encore partiellement visibles sur les piédroits et les voussures. Au-dessus de cette porte une plaque de marbre très dégradée est également gravée d’inscriptions syriaques.

Une petite salle paroissiale a été construite récemment contre le mur nord-est de l’église Mart Schmouni.

On pénètre dans l’église par une porte au centre de la façade sud. L’église Mart Schmouni de Ar Aden est constituée de deux salles mononef parallèles, séparées par un mur et communicant entre elles par une porte en arc plein cintre. Les deux nefs sont quasiment identiques. Elles sont surmontées de voûtes en berceau plein cintre. Chaque pièce est équipée d’un sanctuaire et d’un autel à degrés, séparé de la nef par une porte royale en pierres naturelles qui en occupe toute la hauteur. La première chambre est sans doute employée comme un narthex. La deuxième chambre est l’église proprement dite. On y trouve une plaque de marbre, gravée d’une inscription funéraire en syriaque et en arabe, en hommage à Monseigneur Francis Dawid, l’évêque du diocèse d’Amadia, né à Ar Aden en octobre 1870 et décédé en octobre 1939.

 

[1] Voir « Recueil des inscriptions syriaques », Tome 2, Amir Harrak, Académie des Inscriptions et Belles Lettres. Textes p. 544-546 + photographies.

Église chaldéenne Mart Schmouni de Ar Aden.
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Porte murée sur la façade nord de l'église Mart Schmouni de Ar Aden.
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Arc, pierre à croix et inscriptions syriaques. Porte murée sur la façade nord de l'église Mart Schmouni de Ar Aden.
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Inscriptions syriaques sur la façade nord de l'église Mart Schmouni de Ar Aden.
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Entrée de l'église Mart Schmouni de Ar Aden.
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Première salle de l'église Mart Schmouni de Ar Aden.
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Deuxième salle de l'église Mart Schmouni de Ar Aden.
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Plaque avec inscriptions funéraires en mémoire de Mgr Francis Dawid, dans l'église Mart Schmouni de Ar Aden.
Septembre 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

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