L’église chaldéenne du Sacré Cœur de Jésus de Deraboune

L’église du Sacré Cœur de Jésus de Deraboune se situe à 37°05’07.3″N 42°25’18.9″E et 523 mètres d’altitude, près de la frontière turco-syrienne

Le village de Deraboune a été recréé en 2005 avec des familles chaldéennes venues de Bagdad, de Mossoul et de la plaine de Ninive. En février 2017, 80 familles chaldéennes vivaient à Deraboune. Le nom du village, Deraboune signifie Le Couvent (Der) du Père (Aboun) en langue syriaque. Cela confirme l’existence autrefois d’un monastère, vraisemblablement construit au XIe ou XIIe siècle, où exista aux XIIIe et XIVe siècles « une importante communauté de moines », mais dont il ne reste plus de trace visible. Il est probable que l’église du Sacré Cœur de Jésus ait été construite en 1937 en lieu et place du couvent disparu.


Photo : Église chaldéenne du Sacré Cœur de Jésus de Déraboune. Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Localisation

L’église du Sacré Cœur de Jésus de Deraboune[1] se situe à 37°05’07.3″N 42°25’18.9″E et 523 mètres d’altitude, près de la frontière turco-syrienne.

Deraboune se trouve à l’extrémité nord-ouest de l’Irak, près des frontières turque et syrienne. La petite cité n’est qu’à 5 km à l’est de Feshkhabour où le Tigre marque la frontière entre l’Irak et la Syrie.  Elle est 19 km à l’ouest du point de passage frontalier Ibrahim Khalil avec la Turquie, près de la grande ville de Zakho qui n’est que 6 km plus à l’est.

[1] Deraboune est également orthographiée Dayrabun et parfois Der Bin

Église chaldéenne du Sacré Cœur de Jésus de Déraboune
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Fragments d’une histoire chrétienne

L’histoire paléochrétienne de Deraboune est sans doute comparable à celle des autres villages de la région. Une présence confessionnelle juive préexistante. Une évangélisation précoce sous l’impulsion des apôtres Thomas, Addaï (possiblement l’apôtre Thaddée également nommé Jude dans les Évangiles) et Mari. Un IVe siècle riche de vocations et peuplé de récits de martyrs persécutés par le perse Shapur II. Et tout au long de cette période le développement d’ermitages et de sanctuaires primitifs sur les lieux mêmes où furent érigés progressivement églises et monastères. Au long des siècles et jusqu’au déclin de l’Empire ottoman, les vallées et montagnes qui longent cette partie de la Mésopotamie furent un lieu d’épanouissement et de refuge de l’Église de l’Orient de part et d’autre de l’actuelle frontière turco-irakienne, cependant qu’y fleurirent dès le XVIIe siècle et plus encore à partir du XVIIIe les missions catholiques. Le village de Deraboune passa ainsi à l’église chaldéenne (catholique) sans doute au XIXe à la même époque que le grand village frontalier de Feshkhabour[1].

Cet univers communautaire et confessionnel s’effondra à la fin XIXe et au début du XXe siècle avec la multiplication des razzias commises par les tribus kurdes contre les villages chrétiens, le génocide des Arméniens et des Assyro-Chaldéo-Syriaques de l’Empire ottoman en 1915-1918, puis le démembrement de l’Empire. Pendant cette période génocidaire la petite localité de Deraboune, qui faisait partie du vilayet ottoman de Mossoul, fut un point de passage et de fixation des déportés. C’est la raison pour laquelle les habitants de Deraboune sont originaires de Turquie.

Le reste du XXe siècle, même sous administration irakienne depuis 1921, n’offrit aucun répit. Entre 1961 et 1991, des combats et bombardements répétitifs eurent lieu entre les séparatistes kurdes et le régime de Bagdad, entrainant des déplacements de populations incessants, allant des villages vers les grandes villes et inversement, ce qui incluait évidemment les localités et communautés chrétiennes, avec des conséquences très lourdes sur le patrimoine chrétien. Des dizaines de villages chrétiens aux frontières de la Syrie, de la Turquie et de l’Iran ont été bombardés et rasés. « Des églises très anciennes, certaines de plus de dix siècles, ont été détruites[2]». Dans le gouvernorat de Dehok-Nouhadra, dans lequel se trouve Deraboune, « si cent églises ont été dynamitées (le chiffre réel est bien plus élevé) au moins deux-cents inscriptions ont sans doute été détruites[3] ». Certes daesh n’a pas atteint le Kurdistan d’Irak, mais « le bilan des années Saddam est terrible pour la communauté chrétienne du Kurdistan[4] ». Dans la seconde moitié des années 1990, après la guerre du Golfe et l’émergence progressive d’un Kurdistan autonome, les Chrétiens du Kurdistan revinrent dans leurs villes et villages d’origine. Ce mouvement s’accéléra à partir de 2003, avec la chute de Saddam Hussein et l’émergence des persécutions islamico-mafieuses antichrétiennes. C’est ainsi que le village de Deraboune fut repeuplé avec des familles chaldéennes venues de Bagdad, de Mossoul et de la plaine de Ninive. 150 maisons y ont été construites avec le soutien du gouvernement régional du Kurdistan d’Irak. En février 2017, 80 familles chaldéennes vivaient à Deraboune.[5]

[1] Feshkhabour est également orthographiée Faysh Khabur

[2] In « Croissance », 1995, Chris Kutschera. https://www.chris-kutschera.com/chretiens_irak.htm. Notons que l’église de Beidar (Bidar) a été rénovée et a retrouvée son usage liturgique.

[3] In « Recueil des inscriptions syriaques », tome 2, Amir Harrak, Académie des inscriptions et belles lettres, 2010, p.533

[4] In « Le livre noir de Saddam Hussein », Chris Kutschera, Oh Éditions, 2005, p.398

[5] Données collectées par Mesopotamia le 18 février 2018 auprès du père Madhat Issac Bidawid, curé de Deraboune.

Église chaldéenne du Sacré Cœur de Jésus de Déraboune
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Histoire de l’église du Sacré Cœur de Jésus de Deraboune

Le nom du village, Deraboune signifie Le Couvent (Der) du Père (Aboun) en langue syriaque. Cela confirme l’existence autrefois d’un monastère, vraisemblablement construit au XIe ou XIIe siècle[1], où exista aux XIIIe et XIVe siècles « une importante communauté de moines[2] », mais dont il ne reste plus de trace visible. Une discussion entre chercheurs a porté sur le nom du Père  à qui fut consacré ce monastère. La tradition l’attribue au patriarche mythologique Noé[3]. Il est toutefois probable que l’église du Sacré Cœur de Jésus ait été construite en lieu et place du couvent disparu. La mémoire locale n’en fait pas mention, mais cette hypothèse ne peut être écartée. Elle serait conforme aux pratiques patrimoniales chrétiennes de Mésopotamie.

La construction de l’église du Sacré Cœur de Jésus a commencé en 1934 et s’est achevée en 1937. Abandonnée et réemployée au fur et à mesure de l’évolution historique, l’église fut rénovée en 2005-2007 lorsque s’y implantèrent les nouvelles familles chaldéennes.

Le prêtre titulaire de l’église du Sacré Cœur de Jésus de Deraboune se nomme Abouna Madhat Issac Bidawid. Originaire de Bagdad, il vit à Zakho et sert trois paroisses locales, Feshkhabour, Badgéda[4] et Deraboune.

[1] In « Les églises et monastères du Kurdistan au lendemain à la veille et au lendemain de l’islam », Thèse de doctorat de Narmen Ali Muhamad Amen, à l’université de Saint-Quentin-en-Yvelines, sous la direction de George Tate et la codirection de Jean-Michel Thierry, Mai 2001. P.213.

[2] In « Assyrie chrétienne », Volume II, Jean-Maurice Fiey, Imprimerie Catholique, Beyrouth, 1965, p.749-755.

[3] Id.

[4] Badgeda est également nommée Bajid

Église chaldéenne du Sacré Cœur de Jésus de Déraboune
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Description de l’église du Sacré Cœur de Jésus de Deraboune

L’église du Sacré Cœur de Jésus de Deraboune est légèrement en contrebas par rapport au niveau de la rue. Elle est entourée de jardins au sud et au nord et d’un presbytère au nord-est.

L’église d’environ 23 mètres de long sur 6 de large est surmontée d’un toit en berceau. Un clocher sommaire et très récent s’élève à l’ouest. À l’est, au dessus du sanctuaire, un dôme hémisphérique aplati repose sur un tambour octogonal sans fenêtres.

L’église est entourée d’une galerie au sud, au à l’est et au nord.  Au nord-est de l’édifice  a été édifiée une reproduction de la grotte de Lourdes avec, à l’intérieur, une statue de la Vierge Marie.

Les deux portes d’entrée de l’église se trouvent côté sud sous la galerie. À l’intérieur, l’église mononef est particulièrement sobre et dépouillée. L’ancienne voûte en berceau a été transformée en plafond. Au sol, la nef est carrelée et le sanctuaire est couvert d’une moquette. Les murs sont recouverts d’un enduit blanc.

Une porte en arc plein cintre sépare la nef du sanctuaire où se trouve un modeste autel. Les murs du sanctuaire sont recouverts de panneaux préfabriqués. À l’opposé du sanctuaire, à l’ouest, une tribune a été ajoutée pour les chœurs.

Nef de l'église chaldéenne du Sacré Cœur de Jésus de Déraboune
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Livre liturgique en langue syriaque sur l'autel de l'église chaldéenne du Sacré Cœur de Jésus de Déraboune
Février 2018 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

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