Le centre spirituel yézidi de Lalesh et le mausolée de Cheikh Adi
Le centre spirituel de Lalesh où se trouve le mausolée de Cheikh Adi se situe à 36°46’18.4″N 43°18’09.8″E et 861 mètres d’altitude dans la province de Ninive.
À Lalesh, la nature et l’architecture composent un espace sacré unique, dans lequel chaque pierre, chaque édifice, chaque plante a un sens spirituel. Pôle spirituel fondamental, la vallée de Lalesh est devenue la qibla, la direction de prière des fidèles yézidis.
Lalesh grouille de vie. À Lalesh se retrouvent et se ressourcent tous les yézidis d’Irak et de diaspora. On y croise des familles sur trois générations qui y passent la journée et pique-niquent dans les bois, des jeunes couples nouvellement unis, de jeunes parents qui viennent y faire baptiser leur enfant.
La tombe de Cheikh ‘Adî est le point focal de tout pèlerinage. Son sanctuaire est entouré sur trois côtés par le baptistère de Kanîya Spî au sud-ouest, les mausolées d’Êzdîna Mîr et de Cheikh Chams à l’ouest.
Plan du mausolée de Cheikh Adi au Centre spirituel yézidi de Lalesh. © Dr. Birgül Açikyildiz-Şengül, universités d’Oxford et de Montpellier III.
À propos de cette notice
Le texte de cette notice a été établi par le Dr. Birgül Açıkyıldız-Şengül, historienne de l’art, spécialiste de patrimoine et culture yézidis. Attachée à l’Université de Paul Valéry Montpellier III et l’IFEA Istanbul comme chercheuse associée, le Dr. Birgül Açıkyıldız-Şengül est l’auteure d’une thèse de doctorat : « Patrimoine des Yezidis : Architecture et sculptures funéraires en Irak, en Turquie et en Arménie »présentée en 2006 à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne(département de l’art islamique et de l’archéologie). Cette thèse dresse un inventaire documenté de 88 monuments (sanctuaires, mausolées, baptistaires, oratoires, caravansérails, ponts et grottes) et de 60 sculptures funéraires (en forme de cheval, de bélier, de brebis et de lion) en Irak du nord, en Turquie et en Arménie. Thèse publiée par I.B.Tauris (Londres, New York), 2010. Ce texte est complété par les observations et interviews de l’équipe de Mesopotamia [Pascal Maguesyan, Shahad al Khouri, Sibylle Delaître (KTO)] avec le concours de Mero Khudeada.
Localisation
Le centre spirituel yézidi de Lalesh[1]se situe à 36°46’18.4″N 43°18’09.8″Eet 861 mètres d’altitude, dans une zone montagneuse et boisée à l’orée du Kurdistan d’Irak.
Centré autour du sanctuaire de Cheikh ‘Adî, Lalesh se trouve à 10 km au sud-est de Dohuk, à 12 km au nord-ouest de la cité yézidie de Aïn Sifni (Cheikhan), à 58 km au nord de la mégapole de Mossoul et 38 km à l’est de la cité chaldéenne d’Alqosh.
[1]Il existe plusieurs toponymes pour Lalesh. On écrit aussi Lalich ou Laliş (en tuc).
À propos des Yézidis d’Irak
Majoritairement implantés dans la région autonome du Kurdistan d’Irak et dans la plaine de Ninive, leur berceau géographique, les Yézidis sont également présents en Turquie, en Syrie et dans le Caucase, particulièrement en Arménie et en Géorgie. Généralement considérés comme des Kurdes non islamisés, ce qui est sans doute simpliste voire inexact si l’on se fie à leurs origines mythologiques, souvent diabolisés en raison de leur culte, les Yézidis constituent une communauté dont il est bien difficile d’estimer les sources historiques et le nombre.
Minorisés à l’extrême en Irak sous différents régimes, leur existence était presque niée. Avant 2003, Bagdad n’en comptait officiellement que quelques milliers alors qu’ils étaient plus vraisemblablement quelques centaines de milliers !
Les conditions d’une tentative de génocide étaient déjà réunies avant même que les djihadistes de daesh ne les massacrent et ne les enlèvent en août 2014 dans les montagnes du Sinjar de la province de Ninive.
Malgré la reprise de Sinjar en novembre 2015 par les forces irakiennes et par des groupes de résistants coalisés, une partie importante des 500 à 600 000 Yézidis irakiens reste encore déplacée.Les persécutions qu’ils ont subi leur font redouter l’avenir en dépitdes garanties constitutionnelles qui leurs ont été accordées en 2005.
Enracinement territorial du yézidisme
Le Yézidisme est né dans un territoire montagneux où ses habitants étaient protégés par ses hauteurs et ses cavernes. Considéré comme sacré par les Yézidis, ce territoire est globalement divisible en deux régions distinctes, à l’est et à l’ouest du Tigre le grand fleuve mésopotamien. À l’ouest Sindjar, sa ville, ses villages et son massif. À l’est le centre spirituel de Lalesh, auquel il convient d’ajouter les importants secteurs de Cheikhan, Bozan, Baashiqa et Bahzani. La très grande majorité de la population yézidie (clergé inclus) est originaire de ces régions, bien qu’il soitaussi possible de trouver des communautés yézidies éparpillées au-delà de ce territoire.
Des siècles durant, les Yézidis ont sauvegardé leurs coutumes et traditions dans ce pays, ce terroir. Cette survivance a été cruellement remise en cause à l’ouest du Tigre dans la région de Sindjar, par l’offensive dévastatrice de daesh en août 2014. Le niveau des destructions et la gravité des crimes génocidaires commis ont fragilisé à l’extrême les communautés yézidies des monts Sindjar qui formaient autrefois la très grande majorité de la population yézidie irakienne.
Territoire, histoire et patrimoine
C’est sur ce territoire, de part et d’autre du Tigre, que les Yézidis ont su préserver et développer les spécificités architecturales de leurs édifices religieux qui constituent les principaux lieux de culte des fidèles yézidis.
Ces édifices sont pour la plupart dédiés aux premiers disciples du réformateur du yézidisme au XIIesiècle, Cheikh ‘Adî, les membres de la famille de Chamsani, et à des familles comme Hasan Maman, Memê Rech et Cerwan, ainsi que les premiers chefs religieux de la communauté, descendants de Cheikh ‘Adî (les membres de la famille Adani) et quelques mystiques soufis importants qui ont influencé l’enseignement de Cheikh’ Adî, à savoir, Abd al-Qadîr al-Jilani, al-Hallaj et Qedib al-Ban (Qadî Bilban).
Il ne faudrait pourtant pas en conclure que le yézidisme est une religion d’origine médiévale. La rareté des sources théologiques et historiques disponibles est en effet compensée par une tradition et une mythologie anciennes, omniprésentes et évolutives. Ainsi, les yézidis voient en Noé l’un de leurs plus anciens et de leurs plus illustres patriarches. Ils soutiennent même qu’il vécut en Mésopotamie irakienne, à Aïn Sifni (Cheikhan), où il construisit son arche. Des historiens yézidis soutiennent que « la religion yézidie est très ancienne. Elle remonte à 3500 ans avant Jésus-Christ[1] ».
Les Yézidis disposent de lieux de culte et de prières assez hétéroclites, tels que des cimetières, des mausolées (mazar)dont certains plus importants que d’autres (khas/ mêr),des oratoires de feu (nîshan), la maison d’un Cheikhou d’un Pîr, un arbre, un buisson, une forêt d’oliviers, un pont, une arche, une grotte, une pierre sacrée (kevir),une source (…). Ces monuments, cesstructures et ces sites, dédiés aux « saints » yézidis, constituent une partie importante de l’environnement culturel des zones yézidies et sont des signes matériels tangibles du système général de la spiritualité yézidie.
Il existe cependant un lieu fondamental vers lequel se tournent tous les Yézidis, y compris ceux de la diaspora, c’est la vallée de Lalesh au Kurdistan irakien. C’est l’endroit le plus sacré du yézidisme. C’est là que se trouve le sanctuaire de Cheikh ‘Adî, le grand réformateur du yézidisme au XIIesiècle. Cette vallée, ses mausolées et son environnement sont le centre de gravité de la vie mystique yézidie.
Les édifices yézidis ont été construits à différentes époques. Le manque d’inscriptions et de sources historiques rend difficile leur datation avec précision. La mauvaise qualité de certaines restaurations récentes ajoute à la complexité de l’analyse. D’autre part, il ne semble pas exister de styles architecturaux qui distingueraient différentes périodes de l’histoire yézidie et qui pourraient aider à dater ces édifices. Par ailleurs, le même style, dérivé d’un modèle particulier, a été utilisé à plusieurs reprises au cours des siècles et est toujours en vogue.
[1]Chamo Kassem, inspecteur des écoles yézidies, spécialiste de la religion et de l’histoire yézidie, responsable culture et médias au Centre Culturel et Social de Lalesh à Duhok.
Fragments de spiritualité et de théologie yézidies
Le yézidisme est une religion de tradition et de transmission orale, simple et complexe à la fois. Simple parce qu’il n’est pas réglé par une liturgie et des dogmes contraignants. Complexe parce qu’il n’existe pas de grand livre théologique fondamental, comme il existe la Torah, les Évangiles ou le Coran. Les Yézidis possèdent deux livres sacrés : le livre de la révélation « Kitêb-i Cilvê », et le livre noir « Mishefa Reş».
Le yézidisme est une religion strictement communautaire (nationale). On naît yézidi, on ne le devient pas. Il n’y a donc ni évangélisation, ni inculturation, ni prosélytisme. Ceci étant, le yézidisme n’est pas sectaire. Bien au contraire, l’altruisme est une vertu cardinale, un fondement spirituel et théologique. Tout chercheur qui voudrait ainsi étudier le yézidisme serait accueilli avec bienveillance par cette communauté et son clergé[1].
Le yézidisme est monothéiste. Dieu est unique. Il est le créateur du cosmos et de la vie. Le yézidisme nourrit en cela la même croyance que les 3 religions du Livre : le judaïsme, le christianisme, l’islam. Et même le zoroastrisme[2].
Dieu est lumière. Il est tel le soleil qui rayonne sur la Terre. C’est pourquoi les yézidis prient systématiquement face au soleil. En cela, le yézidisme est comparable au zoroastrisme mésopotamien et persan.
Dieu est bon, infiniment bon. C’est pourquoi les yézidis cultivent l’altruisme et prient systématiquement d’abord pour le monde et ensuite pour eux-mêmes.
Dieu est en tout et partout. Le yézidisme fait corps et esprit avec l’ensemble de la Création : cosmique, humaine, animale, végétale, et minérale. C’est pourquoi les yézidis sacralisent les oliviers dont l’huile est nécessaire pour le feu sacré. De même, l’ange paon (tawus melek)est le plus important des 7 anges (melek)qui représentent Dieu sur terre.
Le yézidisme croit au jugement des âmes et au jugement dernier. Il se distingue toutefois du christianisme par sa croyance en la réincarnation. Les défunts sont mis en terre. Les âmes sont jugées, selon le bien accompli et le mal commis. Les âmes pures peuvent devenir des êtres de lumière. Les âmes impures peuvent se réincarner sous des formes humaines ou animales dépréciées ou belliqueuses.
[1]« Jean-Paul Roux, décédé en juin 2009, ancien chercheur au CNRS et titulaire de la section d’art islamique à l’École du Louvre, considérait le yézidisme comme ‘’une religion à part, syncrétisme évident de traditions populaires et de réminiscences de dogmes des grandes religions’’ ». La croix, Claire Lesegretain, 26 avril 2010.
[2]Né en perse, fondé par Zarathoustra (Zoroastre), au Iermillénaire avant J.C., le zoroastrisme est monothéiste et reconnait en Ahura Mazdâ le Dieu unique. Le zoroastrisme constitue en cela une réforme fondamentale par rapport au mazdéisme dont il s’inspire. Le mazdéisme, polythéiste, considère Ahura Mazdâ, comme le dieu principal mais pas le Dieu unique. Cette religion persane se répandit jusqu’en Inde par l’intermédiaire du védisme.
Pratiques cultuelles yézidies
Les pratiques cultuelles yézidies ne semblent pas réglées par une « liturgie » stricte, mais par un ensemble de rites traditionnels et de pratiques votives transmises oralement de génération en génération
Les Yézidis prient en général individuellement, et se réunissent aussi en communautés devant leurs temples et sanctuaires pour écouter les qawals, tout à la fois musiciens, chantres et gardiens du culte yézidi, dont le savoir et les pratiques se transmettent de père en fils.
La prière quotidienne, toujours tournée vers le soleil, lumière de Dieu (Khoda), n’est pas une obligation et n’est pas non plus un signe pour être un « bon Yézidi ». Cependant, les personnes pieuses et âgées prient régulièrement, jusqu’à 5 fois par jour.
Embrasser les lieux saints et les mains des figures pieuses, offrir des cadeaux aux religieux, sacrifier des animaux, nouer et dénouer des étoffes sur des arbres à vœux, sont des signes de respect et de dévotion.
De tous les jours de la semaine, le mercredi est le plus important. Il est comme le dimanche pour les Chrétiens, le samedi pour les juifs ou le vendredi pour les musulmans. C’est le mercredi que sont organisées les grandes célébrations hebdomadaires au cours desquels les religieux yézidis allument le feu sacré dans les mausolées.
4 grandes fêtes annuelles rythment le calendrier religieux yézidi. La première est celle du Nouvel An (ser sal) le premier mercredi du mois d’avril. Cette fête symbolise la création de la vie à partir du chaos initial et la venue de Tawus melek. À cette occasion, les œufs, symbole de la terre originelle et sans vie, sont bouillis et teintés. Certains de ces œufs sont écrasés au dessus des portes des maisons et des mausolées en y joignant des petites fleurs rouges.
Une autre grande fête annuelle est celle du Printemps (towaf), dont la date est mobile entre le 12 et le 20 avril. Enfin, le pèlerinage sur la tombe de Cheikh Adî, au sanctuaire de Lalesh(djamaiya) a lieu le 6 octobre.
Le mausolée à dôme conique : une architecture yézidie typique
Le mausolée à dôme conique et à rayons est un monument emblématique de l’art sacré yézidi. D’une grande sobriété architecturale et ornementale, ce type d’édifice est fondé sur une structure cubique qui contient la sépulture ou le cénotaphe, couverte par une dalle que porte un tambour au dessus duquel se dresse un dôme conique à multiples arêtes. Cette voûte symbolise les rayons du soleil qui illuminent la terre et l’humanité.
La pointe de ce dôme est systématiquement rehaussée d’une flèche de bronze, formée d’une ou plusieurs boules, surmontée d’un anneau, d’un croissant de lune, d’un astre voire d’une main, où sont nouées des étoffes de couleurs. La flèche représenterait le monde cosmique, les planètes, le soleil et les étoiles créés par Dieu. Les étoffes de couleur figureraient celles de l’arc en ciel[1].
L’intérieur d’un mausolée yézidi est souvent constitué d’une chambre séparée où repose un sarcophage recouvert de soieries. On peut aussi y trouver une ou plusieurs niches percées dans le mur pour y brûler l’encens et allumer le feu sacré. On y trouve également souvent des étoffes nouées par les pèlerins pour formuler leurs vœux.
L’espace sacré de tout mausolée yézidi inclut la dalle qui le précède ou qui l’entoure. C’est pourquoi tout visiteur et tout pèlerin doit y être déchaussé.
[1]Cette interprétation peut varier d’une communauté à l’autre.
La vallée de Lalesh, source du yézidisme
Seul Dieu.Dans la tradition religieuse yézidie, Dieu seul vit dans cette vallée idyllique. Il n’y a donc pas d’habitation permanente sauf pour les religieux responsables de l’entretien des édifices sacrés. Les pèlerins n’y résident qu’à l’occasion des fêtes religieuses.
Une nature sublimée et transcendée.Lieu central et vital du yézidisme, la vallée de Lalesh est un espace sacré entouré de montagnes sur trois versants et traversé de sources et de ruisseaux qui irriguent un domaine forestier riche et varié.
À Lalesh, la nature et l’architecture composent un espace sacré unique, dans lequel chaque pierre, chaque édifice, chaque plante a un sens spirituel. L’apparence modeste et rustique de nombreux édifices et lieux sacrés à Lalesh (mausolées, sanctuaires, grottes, baptistère de Kanîya Spî, caravansérail de Khana Êzî, pont de Silat) est en harmonie avec la nature sauvage autour.
En signe de respect, les Yézidis et leurs invités y évoluent nécessairement déchaussés. Ils en ramènent quantités de baies, de feuilles et de fruits pour leurs vertus médicinales et surtout spirituelles.
Les Monts Hezret, ‘Erafat et Mechet qui entourent la vallée participent également des rituels et des cérémonies yézidis. Dans la croyance populaire, la montagne, voisine du Ciel où réside Dieu, est le point de rencontre de la terre et du Ciel. Lalesh est donc le lieu suprême de cette rencontre. Le sanctuaire de Cheikh ‘Adî qui s’y trouve en est le point focal.
Pôle spirituel fondamental, la vallée de Lalesh est devenue la qibla, la direction de prière des fidèles yézidis.
Pluralité et unicité patrimoniale et spirituelle.Les nombreux édifices de Lalesh appartiennent à un unique complexe développé autour du sanctuaire de Cheikh ‘Adî et s’étendant dans les collines environnantes. Chaque bâtiment dispose néanmoins d’une signification propre et d’un rôle spécifique pendant les cérémonies et les rituels saisonniers.
La vallée de Lalesh, un havre de paix qui grouille de vie
Dans un secteur montagneux isolé et préservé, suffisamment éloigné de la plaine de Ninive et de Mossoul où se déroulèrent de terribles combats, le centre spirituel de Lalesh est un havre de paix dans le chaos ambiant.
Lalesh est un espace presque hors du temps qui déborde de vitalité. Pèlerins, ouvriers, et visiteurs de tous âges se mêlent joyeusement, dans une atmosphère pieuse et festive à la fois.
À Laleshse retrouvent et se ressourcent tous les yézidis. On y croise des foules de survivants du Sinjar. On y rencontre aussi les Yézidis des villes et des villages de la plaine de Ninive et du Kurdistan. On y rencontre enfin ceux de la diaspora, venus de Turquie, d’Arménie, d’Allemagne et au-delà. On y croise des familles sur trois générations qui y passent la journée et pique-niquent dans les bois, des jeunes couples nouvellement unis, de jeunes parents qui viennent y faire baptiser leur enfant. Lalesh grouille de vie.
Le sanctuaire de Cheikh ‘Adî : vue d’ensemble
Point focal de tout pèlerinage à Lalesh, le sanctuaire de Cheikh ‘Adî occupe le centre de la vallée. Ce très haut lieu de pèlerinageporte le nom de Cheikh ‘Adî, C’est là que se trouve sa tombe, autour de laquelle est organisé le sanctuaire, entouré sur trois côtés par le baptistère de Kanîya Spî au sud-ouest, les mausolées d’Êzdîna Mîr et de Cheikh Chams à l’ouest.Également connu sous le nom de PerestgehaLalichou Lalich Temple, l’édifice est également entouré de cîmes sur trois côtés, à l’ouest le mont Hezret, au nord le mont Arafat, et au sud le mont Mechêt. En contrebas du sanctuaire, un cours d’eau s’écoule du nord au sud et poursuit orienté ouest-est. Ce ruisseau provient de la source Zemzem, située dans une grotte qui surplombe l’édifice.
Le sanctuaire de Cheikh ‘Adîest un grand complexe qui possède des édifices de périodes, fonctions et tailles différentes. Le complexe est orienté est-ouest longitudinalement et présente une structure irrégulière. Il couvre une superficie de 4 500 m². Il est délimité par trois murs périphériques et, au nord, par une falaise. Le mur ouest fait 29,50 mètres, le mur sud 72 et celui de l’est 28 de long. L’entrée principale se trouve à l’ouest, l’entrée secondaire au sud. L’entrée se situant à l’est est exclusivement réservée aux religieux.
Les édifices qui composent le sanctuaire sont, en général, de forme rectangulaire ou carrée. Pour le sanctuaire de Cheikh ‘Adî,il est difficile de parler d’une construction bâtie selon un plan préétabli, d’un noyau initialement prévu. Il semble que les différentes parties aient été ajoutées tout au long de l’histoire du site.
Dans l’ensemble on distingue deux entités : l’une religieuse et l’autre profane. Les parties profanes se trouvent au sud-est du complexe. Ils sont destinés à répondre aux besoins des pèlerins et de la vie quotidienne du personnel religieux qui occupe le sanctuaire.
Le sanctuaire de Cheikh ‘Adî : organisation de l’espace
Aujourd’hui encore, l’entrée du sanctuaire se fait par l’avant-cour ouest. Du portail de l’entrée, les escaliers descendent pour mener dans la cour intérieure où siège le Baba Cheikh lorsqu’il vient à Lalesh et dans laquelle se tiennent la plupart des cérémonies religieuses. De cette cour, sont accessibles différentes entrées. C’est l’entrée de la salle de réunion qui forme le point central du complexe. L’entrée vers le nord donne accès au mausolée de Cheikh Hasan. La porte descendant vers la grotte conduit à la source souterraine, Zemzem et Çîlexanê. La porte ouest nous ouvre l’accès au mausolée de Cheikh ‘Adî, le lieu le plus sacré après lequel se situent trois espaces rectangulaires où sont stockés le long des murs latéraux un grand nombre de jarres, contenant l’huile d’olive cérémonielle. Lasalle de réunion conduit à une deuxième porte à l’est qui amène au hall de Charaf al’Dîn qui présente le même plan que ce dernier, bien que plus petit et moins imposant. À l’est se trouve la terrasse et au sud une autre cour latérale. Cette cour est entourée d’une série d’arcades, d’une cuisine, de commodités, de chambres et, au deuxième étage, les chambres qui sont de tailles différentes, ainsi que les salles de bains pour les pèlerins.
Le sanctuaire de Cheikh ‘Adî : datation
Dans l’ensemble du sanctuaire, il est impossible de trouver une inscription indiquant une quelconque datation. Il est évident que l’édifice a connu différents remaniements depuis sa fondation.
Il convient de distinguer au moins quatre importantes phases de construction : celle de la fondation du zawiyaau début du XIIesiècle, celle de la construction du mausolée de Cheikh ‘Adî à la deuxième moitié du XIIesiècle, celle d’un important remaniement au XIIIesiècle, la construction du mausolée de Cheikh Hasan, de la salle de réunion et du hall du Sharaf al-Dîn et un autre changement au XXesiècle avec les édifices entourant la cour latérale.
Lorsque le Maître, Cheikh ‘Adî, décida de se retirer du monde, aux environs de 1111 (ère chrétienne) / 505 (ère musulmane), il fonda une zawiyapour ses disciples à Lalesh à côté d’une source que les Yézidis appelleront plus tard Zemzem.Les cellules de Çîlexanê se trouvant au sous-sol du complexe ont peut-être existé avant l’arrivée de Cheikh ‘Adî et ont peut-être été utilisées dans les pratiques religieuses des Zoroastriens, des Mithréens ou des Chrétiens parce que la source a longtemps été considérée comme mystique. De plus, des temples mithriaques (Mithraea) troglotytiques ont été trouvés à de nombreux endroits de l’Empire romain; là où les soldats romains adoraient leurs divinités. Il est ainsi possible de trouver un lien entre la grotte de la source de Zemzemet Mithraeaset leur influence probable sur la religion yézidie.
Après la mort de Cheikh‘Adî (m. 1162), ses disciples décidèrent d’édifier un mausolée en son honneur. Ils le construisirent au nord du Çîlexanê sur un niveau plus élevé. Progressivement, le mausolée de Cheikh‘Adî devint un lieu célèbre fréquenté par un grand nombre de personnes musulmanes et non musulmane qui cherchaient des remèdes à leurs problèmes.Le mausolée de Cheikh ‘Adî a un plan carré avec un dôme, qui est une forme bien établie depuis les XIIeet XIIIesiècles, utilisés aussi dans les mausolées chiites de la région de Moussoul.
Le mausolée de Cheikh Hasan a été construit après sa mort en 1254.
Le sanctuaire de Cheikh ‘Adî : évolution historique
Il est plus que probable que le nombre de disciples et de pèlerins augmenta et les bâtiments existant à l’époque ne suffirent plus. C’est pour cette raison que les différentes parties ont été successivement ajoutées au fur et à mesure que les époques se succédèrent. Ainsi le terrain, où se trouvait la zawiya,qui ne pouvait contenir qu’un nombre limité de bâtiments sur le même niveau, a contraint les disciples yézidis à construire de nouveaux édifices pour répondre aux besoins des pèlerins. Toutefois, ils ont continué à méditer dans l’ancienne partie du complexe.
En l’an 1414, le mausolée de Cheikh‘Adî fut détruit par un certain Djalâl al-Dîn Muhammad ibn ‘Izz al-Dîn Yusuf al-Hulwânî. Aussitôt les Yézidis le reconstruisirent.
Le sanctuaire fut converti en une madrasa et fut utilisé comme école religieuse sunnite par les Ottomans entre 1890 et 1907. À cette époque, le complexe fut restauré. La porte de Derîyê Kapî fut renouvelée entre 1914 et 1928. Une inscription sur la façade de l’entrée principale indique que la porte de Derîyê Mîr fut reconstruite en 1979. Les péristyles, la cour latérale et les services qui s’y trouvent et que nous appelons la partie profane sont de construction très récente. En 1989, les murs intérieurs des mausolées de Cheikh ‘Adî et Cheikh Hasan furent couverts de marbre, les murs intérieurs de la salle de réunion furent eux aussi parés de pierres de taille.
Le baptistère de Kanîya Spî : fonction, datation, desription
Fonction.Kanîya spîsignifie « source blanche » en kurde, kumanddji. On ne devient vraiment yézidi qu’après avoir été baptisé à Kanîya spî, de préférence entre six mois et un an, mais il n’est pas exclu que des enfants et des adultes puissent y être baptisés. Le baptême proprement dit est une cérémonie d’une extrême simplicité. Dans la chambre baptismale, une femme Cheikhou Pîr, généralement Azmaa, asperge le visage du postulant avec l’eau de la source blanche contenue dans le bassin et prononce quelques prières. Voilà tout. Après quoi, dans l’antichambre, les convives jettent des friandises en l’air sur le passage du nouveau baptisé pour lui souhaiter douceur et bonheur de vivre.
Datation. Le baptistère de Kanîya spîse situe au nord-est du mausolée de Cheikh Chams et au sud-ouest du sanctuaire de Cheikh‘Adî. Il existait une inscription arabe sur le mur est qui donne les dates de 1113/1779 et 1246/1830-1835 comme date de reconstruction.Nous distinguons deux phases de construction : celle de la fondation au XIIIesiècle et celle d’un remaniement tardif. À nos yeux, la coupole conique aux multiples arêtes qui recouvre Kanîya spîa été ajoutée en une période, où les dômes coniques devinrent un élément inévitable dans l’architecture yézidie.
L’iwansud comporte un arc brisé. Il est probablement de la même époque que le mausolée de Ruale Kevînîye de Bozan qui est daté du XIVesiècle. Notons aussi un décor similaire avec celui qui entoure la porte de l’espace de kanîya kurke, dans le monastère du XIIIesiècle de Mâr Behnam.
Description.Le baptistère de Kanîya Spîest constitué de trois espaces principaux et d’espaces de passage (les iwanset une cour externe).
La cour se trouve à l’est de l’édifice. Elle mesure 10,20 x 6,20 m. et est délimitée sur les trois côtés par des murs bas.
À l’ouest se trouve un des espaces principaux inaccessiblenomméekanîya kurke[1]qui possède une porte décorée présentant un arc surbaissé.
Il y a un iwanau sud de l’espace. L’īwānmesure 3,50 x 2,80 m. et son plafond est plat. L’arc de l’iwanest brisé.
Contre le mur sud, se situe une estrade qui sert de places assises aux visiteurs du lieu.
C’est par une porte percée dans le mur ouest que l’on accède à l’intérieur de l’espace principal, nommé kanîya spî. Cet espace présente un plan rectangulaire à orientation est-ouest. Au milieu de cette pièce, il y a un bassin entouré de grandes pierres taillées. Dans le coin nord-ouest se trouve un oratoire avec une niche dans laquelle on dépose les mèches d’huile. Il est orienté vers l’est. Sur cet oratoire est placé un petit dôme conique. Au-dessus du bassin, le plafond est voûté en berceau. À l’extérieur il présente une forme conique aux multiples arêtes.
Au nord de l’édifice se trouvent deux bassins et un iwanplus bas. L’iwanest voûté en berceau, mais, à l’extérieur, la couverture est plate. Dans le coin sud-ouest de cet iwanse trouve une petite porte qui conduit à une pièce irrégulière. Cette pièce était probablement utilisée comme salle d’attente ou antichambre.
Par son mur ouest, on entre au troisième espace principal, nommé kanîya keçke.[2]Il est de forme rectangulaire, orienté nord-sud et mesure 3,80 x 3,20 m. Au milieu de cet espace est également situé un bassin d’eau. Cette pièce est plus grande que le kanîya kurke. Il n’y a aucune ouverture à l’intérieur. C’est la raison pour laquelle, elle est entièrement sombre. À présent, elle n’est pas utilisée et demeure fermée. Il est difficile d’y accéder.
Les murs extérieurs de l’édifice sont en pierre de taille. Le dôme conique, le tambour et l’intérieur du premier iwansont en calcaire jaune. Le sol des bassins d’eau est construit en grandes pierres taillées. À l’exception du cône, tout le toit est en béton, aujourd’hui. L’intérieur de kanîya spî est badigeonné à la chaux.
La petite porte percée dans le mur est, donnant sur la cour, possède l’unique décoration de l’ensemble de l’édifice. L’encadrement de cette porte a été réalisé en bas-relief. Elle présente une superposition et un alignement d’espaces fermés. Le fond de ces espaces est rempli de différentes formes de vases, qui deviennent des palmettes en haut. Au-dessus de cette porte, il y a trois rosettes qui présentent, à l’intérieur, des formes d’étoiles et d’hexagones. Ces décors sont très endommagés.
[1]Kanîya kurkedésigne la « source des garçons » où les garçons sont baptisés ». Autrefois, les Yezidis y effectuaient le baptême des garçons. Aujourd’hui, ils utilisent l’espace de kanîya spîpour les deux sexes. Car les deux salles pour les filles et les garçons sont hors de fonction.
Le mausolée de Cheikh Muchelleh
Le mausolée de CheikhMuşellehest situé à l’ouest du sanctuaire de Cheikh‘Adî. Il y a une rue entre ces deux monuments. Il est nommé autrement Xefire Rêye. Ça veut dire le gardien du chemin du sanctuaire de Cheikh ‘Adî. Cheikh Muchelleh est issu de la famille d’Adanî. D’après la tradition yézidie, il est le fils de Zebil Feroch et le frère de Cheikh Xefir, Hasan Feroch et de Saîd û Mesud. Ses frères ont également des mausolées à leurs noms à Behzanê. Nous ne savons pas à quelle époque ils vécurent. Cependant, le mausolée présente un espace rectangulaire qui est coiffé d’une coupole sur des trompes d’angles. La coupole devient un tronc de cône aux multiples arêtes à l’extérieur. À notre avis, cette forme de mausolée fut employée par les Yézidis principalement au XIVesiècle. Donc, nous nous permettons de placer le mausolée en question à cette époque-là.
Il présente un plan rectangulaire longitudinal, orienté est-ouest. Il est formé de trois parties : la terrasse, l’antichambre et la partie principale. La terrasse à l’ouest de l’édifice mesure 9,30 x 4,50 m. On y arrive par un escalier de douze marches à l’ouest du bâtiment. Cette terrasse est délimitée au sud par un haut mur et au nord par une série de bas piliers. À l’est de cette terrasse se trouve l’antichambre qui comporte un arc en plein-cintre.
L’antichambre est orientée est-ouest et mesure 4,60 x 3,90 m. Son plafond est plat. On accède à la partie principale par une porte rectangulaire sur le mur est de l’antichambre. Elle est de forme rectangulaire et ses dimensions sont de 3,90 x 2,70 m. Contre le mur sud est située une estrade où se trouve un sarcophage. Trois petites fenêtres éclairent l’intérieur. Cet espace est surplombé d’un dôme conique aux multiples arêtes. Ce dôme conique à 24 tranches repose sur un tambour à colonnes à trois degrés, carré, octogone, puis circulaire.
Le mausolée de Cheikh Chams
Le mausolée de Cheikh Chams se dresse sur une colline, au sud-ouest du baptistaire de Kanîya Spî et du mausolée d’Êzdîna Mîr.
Même si les fidèles yézidis prient en tous lieux tournés vers le soleil, même si les dômes coniques des mausolées symbolisent les rayons du soleil, c’est au mausolée de Cheikh Chams que les Yézidis vénèrent plus que partout ailleurs le soleil divin. Les Yézidis croient en effet que les premiers rayons du soleil tombent sur le dôme conique du mausolée de Cheikh Chams. Plusieurs rituels y sont célébrés en l’honneur du soleil divin et notamment un sacrifice de taureaux, une fois par an, en automne, lors de la cérémonie de Cejna Jema’iyye.
Nous pensons que Cheikh Chams vécut au XIIesiècle. L’édifice a connu différents remaniements depuis sa fondation. Il faut distinguer au moins trois phases de construction. Fondé sans doute au XIIesiècle, il présentait à l’origine un plan carré avec une antichambre rectangulaire.La partie longue (salle II) a été ajoutée avec le temps, car l’édifice ne suffisait pas pour l’accueil des nombreux disciples de Cheikh Chams. Il existe unegrande dénivellation entre la salle II et la partie principale ainsi que la salle I. Ces trois espaces ont des intérieurs sombres. Des bassins se trouvent contre le mur est et nord dans la salle I. Le même genre de construction existe dans les cellules de Çîlexanê du sanctuaire de Cheikh ‘Adî. Elles ont sans doute été utilisées par des ascètes lors de cérémonies ou de rites. Quant à l’antichambre se situant à l’est du complexe, elle est récente.
Le mausolée est orienté d’est en ouest sur un sol en pente. Il est composé de quatre parties. Au nord-est, on accède à une antichambre par un escalier récent. Les dimensions sont de 4,80 x 3,80 m. et son plafond est plat. Les murs nord et est comportent des arcs plein-cintre, et contre le mur sud se trouve une estrade.
De là, on accède au bâtiment par une petite porte surbaissée dans le mur ouest. Cet espace rectangulaire mesure 13,50 x 3,50 m. et il est voûté en berceau. Le sol est bétonné. Il n’y a pas de fenêtres donnant sur l’extérieur, exceptée une petite ouverture surélevée dans le mur nord. À l’extrémité ouest de cette pièce se trouve un sarcophage, recouvert par des tissus multicolores. Le mur sud comporte une petite niche et deux grandes, une fenêtre qui communique avec l’espace carré et une porte qui mène vers l’espace rectangulaire II. La porte est placée à la moitié est du mur, et conduit au troisième espace par des escaliers.
Cet espace II est également sombre et ne présente aucune ouverture. Il présente un plan rectangulaire, mesurant 5,60 x 4,40 m. et n’est pas pavé. À l’extrémité ouest du mur sud se trouve une niche. Une sorte de bassin est situé contre les murs est et nord. De là, une petite porte, sur le mur ouest, mène à la dernière pièce carrée.
La pièce carrée est couronnée d’un dôme hémisphérique. Le dôme s’élève sur des trompes d’angles en arc brisé. Ses dimensions sont 3,80 x 3,40 m. À l’ouest se trouve une estrade où se trouvait probablement un sarcophage auparavant. Dans le mur nord, il y a une grande porte-fenêtre qui ouvre cette pièce sur l’espace rectangulaire au nord. Aucune fenêtre ne communique avec l’extérieur. À l’extérieur, le dôme offre une forme conique aux multiples arêtes. Le cône détient 32 tranches. Quant au tambour, il est composé de trois niveaux, carré, octogonal et enfin circulaire. Il y a une ouverture minuscule dans le tambour circulaire qui sert à aérer l’intérieur.
Au nord-est, un peu plus loin de l’édifice se trouve un petit bassin rectangulaire en pierres. Il est utilisé lors des cérémonies du sacrifice du taureau blanc en l’honneur de la divinité solaire « chams ».
Le pont de Silat
Le pont de Silat, est construit en pierres. Il surmonte un petit ruisseau qui pénètre dans la vallée depuis le nord et qui est considéré comme la ligne de démarcation entre le profane et le sacré. Il a une signification symbolique pour les fidèles qui y accomplissent des cérémonies de passage pendant le pèlerinage. Les pèlerins se lavent les mains et les visages dans le cours d’eau, en route vers la partie supérieure de la vallée, où se trouvent la plupart des bâtiments.
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