L’église chaldéenne Mar Qouryakos de Batnaya

L’église Mar Qouryakos de Batnaya se situe à  36°32’18.83″N.,  43° 07’24.52″E. et 320 mètres d’altitude.

Les 6000 habitants de Batnaya furent contraints d’abandonner leur village dans la nuit du 6 au 7 août 2014 pour échapper à daesh. Les combats qui s’y sont déroulèrent jusqu’à sa reprise le 20 octobre 2016 ont été d’une rare intensité. Ils se sont soldés par la ruine de Batnaya.  Dans un tel contexte, la préservation de l’église Mar Qouryakos relève quasiment du miracle, même si l’édifice porte les stigmates de cette catastrophe.

L’église Mar Qouryaqos est sans doute la plus ancienne de Batnaya. On ne sait presque rien de son histoire ancienne. En 1944, elle fut tout simplement détruite….puis reconstruite ! C’est un édifice massif, élevé et imposant.


Église chaldéenne Mar Qouryakos de Batnaya. Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Localisation

L’église Mar Qouryakos de Batnaya se situe à 36°32’18.83″N., 43° 07’24.52″E. et 320 mètres d’altitude. Batnaya se trouve sur la rive orientale du Tigre à 25 km au nord du centre-ville de Mossoul, à 5 km au nord de Tell Kaif (Tell Kepe) et à 9 km au sud de Tell Eskoff (Telskuf).

Batnaya en ruines
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Chemin d'accès à l'église Mar Qouryakos de Batnaya
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Démographie de Batnaya

Au XVIIIe siècle, vers 1767, Batnaya comptait 200 familles, toutes chaldéennes. Au XIXe siècle, en 1852, G.P. Badger[1] y compta 60 familles.  Plus surprenante est la démographie locale de l’abbé Martin, qui compta 900 habitants en 1867. En 1891, le géographe Vital Cuinet confirma cette croissance démographique avec 1000 habitants[2]. Vers 1961, lors du passage de Jean-Maurice Fiey, Batnaya comptait 3104 habitants[3]. Avant l’irruption de daesh, le village comptait environ 6000 habitants. Batnaya a été occupée pendant 2 ans et finalement libéré le 6 octobre 2016 par les peshmergas kurdes. Sur la ligne de front, le village a été pratiquement totalement rasé, c’est pourquoi le retour des habitants est encore très faible. En novembre 2018, seuls 15 % étaient revenus.

[1] Voir G.P.Badger « The Nestorians and their rituals », London, Joseph Masters

[2] In « La Turquie d’Asie », tome deuxième, Ernest Leroux Éditeur, 1891, p. 829

[3] Source Jean-Maurice Fiey, in « Assyrie Chrétienne », vo.II, p. 376.

 

Les enfants de Batnaya avec le père Najeeb Michaeel
Février 2008 © Pascal Maguesyan
Les habitants de Batnaya réunis dans l'église Mar Qouryakos pour une rencontre avec la délégation Pax Christi.
Février 2008 © Pascal Maguesyan

Toponymie

Le nom du village de Batnaya est incertain. Un source orale rapporte qu’il pourrait signifier « le pays de ceux qui ont des taies », du nom de cette inflammation de la cornée qu’expliquerait le tissage des nattes de roseaux. L’assyriologue Jean-Maurice Fiey préfère l’appellation du VIIe siècle « le village des Mèdes / Bét Madāyé », ce qui justifierait selon lui que Batnaya ait été peuplé de Yézidis[1].

[1] Source Jean-Maurice Fiey, in « Assyrie Chrétienne », vo.II, p. 377.

Fenêtre brisée dans l'église al Tahira face à l'église Mar Qouryakos de Batnaya.
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Fragments d’une histoire chrétienne

La tradition fait remonter la pénétration du christianisme dans la plaine de Ninive dès la fin du IVe  siècle ou au début du Ve. Plus sûrement, les sources plaident pour une évangélisation au VIIe siècle. C’est d’ailleurs au moine Abraham (Awrāha / Oraha), contemporain du patriarche de l’église de l’Orient Ishoʿyahb II (628-645) que l’on doit la christianisation de Batnaya. Là où le saint homme établit son ermitage subsiste aujourd’hui un monastère abandonné au nom de Mar Awrāha, à 1 km au nord-est de Batnaya, qui fut occupé et dévasté par daesh, mais que l’on peut à nouveau visiter.

Au long des siècles, les cités chrétiennes de Mésopotamie subirent toutes sortes de destructions. Ainsi en 1235, Bar Hebraeus, maphrien syriaque-orthodoxe, savant et écrivain, raconta le passage et les ravages des Mongols. En 1743 l’empereur persan Nâdir Châh attaqua, pilla et ruina également toute la région et notamment Batnaya. On sait que aussi que la peste sévit plus d’une fois à Mossoul et dans la plaine de Ninive, notamment en 1737/38, 1773, puis 1828.

Malgré ces dévastations le village perdura et demeura exclusivement chrétien, passant entièrement de l’Église de l’Orient (autocéphale) à l’Église chaldéenne (unie à Rome) au XVIIIe siècle.

Abandonnés et privés de protection militaire face à la déferlante daesh, les 6000 villageois de Batnaya furent contraints d’abandonner leurs maisons dans la nuit du 6 au 7 août 2014.  Ils prirent le chemin de l’exode vers Erbil, au Kurdistan d’Irak.

Les combats qui ont opposé à Batnaya les groupes islamico-mafieux de daesh aux peshmergas kurdes jusqu’à la reprise du village le 20 octobre 2016 ont été d’une rare intensité. Ils se sont soldés par la ruine du village. 95 % des maisons, dont beaucoup étaient vieilles de plusieurs siècles, ont été détruites. Dans un tel contexte, la préservation de l’église Mar Qouryakos relève quasiment du miracle, même si l’édifice imposant porte les stigmates de cette catastrophe.

Maison bombardée à Batnaya. Daesh avait auparavant buriné les visages de la Vierge et l'Enfant représentés sur cette faïence décorative
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

À propos de Mar Qouryakos

La tradition rapporte que Mar Qouryaqos fut martyrisé dans son enfance, au IVe siècle, sous le règne du roi perse sassanide Shapur II, pour avoir refusé d’abjurer la foi chrétienne que lui enseigna sa pieuse mère Julieta.

Célébré chaque année le 15 juillet, Mar Qouryaqos est invoqué dans tout l’Orient chrétien. Plusieurs églises en Irak et en Turquie, de confessions assyro-chaldéenne et arménienne, portent le nom du saint enfant.

Avant le bombardement de Batnaya, daesh a buriné les visages représentés sur cette faïence décorative de la Vierge et l'Enfant
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Histoire de l’église Mar Qouryakos Batnaya

Exception faite de l’ermitage de Mar Awrāha, l’évangélisateur local au VIIe siècle, Mar Qouryaqos est sans doute l’église la plus ancienne de Batnaya. On ne sait presque rien de son histoire ancienne. En 1944, l’ancienne église fut tout simplement détruite….puis reconstruite !

Cette ancienne église que visita l’assyriologue Jean-Maurice Fiey avait trois nefs. « La porte du maître-autel avait été restaurée par le patriarche Audo. La porte du baptistère, à double linteau, paraissait plus ancienne, peut-être datait-elle de la restauration de 1744 [après les destructions perses]. Le seuil de cette porte était constitué par une pierre, probablement tombale, ancienne, dont quelques lettres seulement apparaissaient au-dessus du sol[1]». Face à l’ancienne église Mar Qouryakos, de l’autre côté d’une cour intérieure qui devait probablement renfermer des tombes, existait une église secondaire au nom de la Sainte Vierge « bâtie vers 1866[2] », douze ans après la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception, qu’en Irak on désigne par la Toute Pure (en arabe al Tahira).

De cette église ancienne, qui vraisemblablement était aussi un couvent, ne demeure qu’un unique manuscrit, une grammaire d’Elie de Nisibe, datée de 1744, conservée par la bibliothèque du patriarcat chaldéen[3].

[1] Source Jean-Maurice Fiey, in « Assyrie Chrétienne », vo.II, p. 378.

[2] Source Jean-Maurice Fiey, in « Assyrie Chrétienne », vo.II, p. 379.

[3] Id.

Église chaldéenne Mar Qouryakos de Batnaya
© DR

Description de l’église Mar Qouryakos de Batnaya

L’église Mar Qouryakos de Batnaya est un édifice massif, élevé et imposant. L’espace religieux s’organise autour d’une cour intérieure. D’un côté se trouve l’église Mar Qouryakos proprement dite, de l’autre l’église de al Tahira.

L’église Mar Qouryakos est de type basilical à triple nef et 5 travées. L’édifice est porté par d’épais piliers libres en marbre de Mossoul entre lesquels s’élèvent des arches en arcs brisés.

La nef et les bas-côtés sont surmontés de voûtes en berceau plein-cintre. La toiture à pans coupés est plus haute en son centre et plus basse sur les côtés. Un dôme hémisphérique à large tambour percé de quelques petites fenêtres s’élève au dessus du sanctuaire.

Le sanctuaire légèrement surélevé, ouvert et visible de toute l’assemblée des fidèles, est accessible après être passé sous une porte royale en forme d’arche triple à arcs polylobés.

Un maître-autel à degrés en marbre est pratiquement adossé au mur de l’abside. En son centre se trouve le tabernacle. Une table liturgique, sous l’arche du sanctuaire est employée par les prêtres pour célébrer face au peuple.

Une tour-clocher ajourée sans esthétique particulière se dresse sur le côté de l’édifice sans lui être joint.

Église chaldéenne Mar Qouryakos de Batnaya
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Dôme et coupole de l'église chaldéenne Mar Qouryakos de Batnaya
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Cour intérieure de l'église Mar Qouryakos de Batnaya.
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Nef centrale et vue sur le sanctuaire de l'église Mar Qouryakos de Batnaya.
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Porte royale de l'église Mar Qouryakos de Batnaya
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Mar Qouryakos de Batnaya : une église martyr

L’église Mar Qouryakos de Batnaya a été saccagée par daesh. Le maître-autel a été presque totalement détruit. Les profanateurs se sont notamment acharnés sur le tabernacle qu’ils ont arraché et pulvérisé.

Dans l’église, comme dans la cour intérieure, de multiples graffitis haineux et menaçants étaient encore visibles en avril et juin 2017. Écrits en arabe et en allemand, ils révélaient ainsi la présence de combattants européens dans les rangs de daesh.

De l’autre côté de la cour, l’église al Tahira, mononef, a été totalement dévastée. Avec un rare acharnement, les occupants djihadistes ont pulvérisé tout ce qui se trouvait dans le sanctuaire.

Maître-autel détruit par daesh dans l'église Mar Qouryakos de Batnaya
Avril 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Tabernacle arraché par daesh dans l'église Mar Qouryakos de Batnaya.
Avril 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Insultes et menaces islamistes sur les murs de la cour intérieure de l'église Mar Qouryakos de Batnaya.
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Méthode et instructions de tir dessinés par daesh sur les murs de la cour intérieure de l'église Mar Qouryakos de Batnaya
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Menaces islamistes sur un pilier de la cour intérieure de l'église Mar Qouryakos de Batnaya.
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
L'église al Tahira en face à l'église Mar Qouryakos de Batnaya a été complètement vandalisé.
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA
Baptistère pulvérisé de l'église al Tahira en face à l'église Mar Qouryakos de Batnaya
Juin 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

Fraternité à Mar Qouryakos

En février 2008, la délégation de Pax Christi conduite par Monseigneur Marc Stenger passa à Batnaya, se rendit à Mar Qouryakos et écouta les témoignages des villageois, privés d’eau, d’électricité et de travail et souvent menacés de kidnapping crapuleux. Six ans avant daesh, la situation était déjà très grave !

Le 14 avril 2017, cinq mois après la libération du village, une délégation du diocèse de Lyon, conduite par l’évêque auxiliaire Monseigneur Emmanuel Gobilliard avec la Fondation Saint-Irénée, visita l’église Mar Qouryakos de Batnaya.

L’impression générale était celle d’une cité fantôme. Dans l’église Mar Qouryakos abandonnée, la vision tard le soir du maître-autel explosé, produisit un effet glaçant.

Depuis lors, l’église Mar Qouryakos, la cour et l’église al Tahira, ont été nettoyées et réhabilitées. Plusieurs messes y ont été célébrées, notamment la messe de Pâques le 16 avril 2017.

Six ans avant daesh, une délégation de Pax Christi conduite par Marc Stenger, évêque de Troyes, se rendit à l'église Mar Qouryakos et écouta les témoignages des villageois menacés par al Qaïda
Février 2008 © Pascal Maguesyan
Le 14 avril 2017, cinq mois après la libération de Batnaya, visite fraternelle dans l'église Mar Qouryakos d'une délégation du diocèse de Lyon, conduite par Emmanuel Gobilliard (évêque auxiliaire) et la Fondation Saint-Irénée
Avril 2017 © Pascal Maguesyan / MESOPOTAMIA

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